Dôme de chaleur en Amérique du Nord, pluies torrentielles en Europe de l'Ouest, inondations en Chine, mégafeux… Ces phénomènes vont s'intensifier et se multiplier. Alors que la température moyenne a déjà augmenté de 1,1 °C depuis la fin du XIXe siècle, le seuil de 1,5 °C, qui est un marqueur clé de l'Accord de Paris, pourrait être atteint dès 2030, soit dix ans plus tôt que prévu. Pendant ce temps-là, prévient l'Agence internationale de l'énergie (AIE), 2021 devrait battre un record historique d'émissions de gaz à effet de serre.
Le rapport du Giec, « un plaidoyer pour l'action »
L'Europe sera particulièrement touchée, selon le Giec, qui a, pour la première fois, établi des fiches régionales, basées non seulement sur les modèles numériques - salués par le prix Nobel de physique 2021 décerné à Syukuro Manabe et Klaus Hasselmann -, mais aussi sur un ensemble d'indicateurs indépendants. Le continent se réchauffe plus vite que la moyenne mondiale - en France, la température a déjà augmenté de 1,8 °C. Partout, la hausse du niveau de la mer s'accélère. « Chaque fraction de degré compte car chaque fraction de degré en plus contribue à une fréquence et une intensité accrues de manière très forte des événements extrêmes », comme la canicule de juin 2019 - avec son record historique de température à 46 °C dans le Roussillon, et la tempête Xynthia, avec ses flots submergeant les terres vendéennes, explique Christophe Cassou, également directeur de recherches au CNRS. Mais ce coup de semonce, qui est « un rappel à la réalité physique du changement climatique », est aussi « un plaidoyer pour l'action ».
Limiter la hausse de la température moyenne à 1,5 °C est hors de portée sans une baisse brutale et à l'échelle mondiale des émissions de gaz à effet de serre, mais, à 2 °C, expliquent les climatologues, tout dépend des politiques climatiques. Les regards sont désormais tournés vers Glasgow, en Écosse, où se tiendra début novembre la COP26, repoussée d'un an en raison du Covid. Fin juillet, le couperet est tombé : les engagements actuels en matière de baisse des émissions, s'ils étaient appliqués, mettraient la planète sur la trajectoire d'un réchauffement « catastrophique » de 2,7 °C en 2100 . En 2015, la COP21 avait scellé l'engagement à limiter le réchauffement climatique nettement en deçà de 2 °C ; en 2021, cette nouvelle grand-messe annuelle doit marquer un basculement dans l'action. Après la prise de conscience des opinions publiques - l'environnement est devenu la première priorité des Français -, le temps est venu de passer de la parole aux actes et de mettre en œuvre les grandes ambitions affichées. « Une fois de plus, oui, cette COP est cruciale, souligne la climatologue Corinne Le Quéré, présidente du Haut Conseil pour le climat, l'autorité indépendante mise sur pied en 2018 par Emmanuel Macron pour évaluer les politiques publiques. On avance, tant en France qu'au niveau international, mais nous ne sommes pas encore à la hauteur des enjeux. »
Des engagements non respectés
Comme prévu par le traité international, non contraignant, les parties signataires doivent rehausser leurs engagements ou « contributions déterminées au niveau national » (NDC en anglais) tous les cinq ans. Or, « personne n'est dans les clous ! » tempête Aurore Mathieu, responsable des politiques internationales de l'ONG Réseau Action Climat, qui réclame « des symboles forts », alors que la Chine et l'Inde, parmi les plus gros pollueurs, n'ont toujours pas soumis leurs NDC. « Le seul pays dont les objectifs affirmés et ceux qui sont nécessaires sont alignés, c'est la Gambie, soutient la militante, et son niveau d'émissions est faible. » Le succès de cette COP dépendra aussi du respect de la promesse des pays développés, historiquement responsables de la concentration de CO2 dans l'atmosphère, de porter à 100 milliards de dollars par an leur assistance aux pays pauvres, plus vulnérables, pour s'adapter et réduire leurs émissions.
Poser les jalons de ce défi immense est essentiel. L'un d'eux a été dessiné cet été par l'UE, avec son ambitieux Pacte vert, qui prévoit notamment la généralisation de la tarification du carbone aux secteurs jusqu'ici épargnés, comme les transports et les bâtiments, et la mise en place d'une taxe carbone aux frontières pour lutter contre le « dumping environnemental ». Sa réalisation paraît encore acrobatique tant les divergences entre États membres sont grandes et les efforts à fournir importants. L'objectif, en augmentant le prix du « permis de polluer », est bien sûr de provoquer une baisse des émissions de gaz à effet de serre liées aux activités humaines et de parvenir à un équilibre entre le CO2 émis et celui absorbé. Cet équilibre, c'est la fameuse neutralité carbone, devenue une sorte de mantra. La France ainsi que l'Europe et les États-Unis se sont donné pour objectif d'y parvenir en 2050, la Chine en 2060 - ces pays représentant plus de la moitié des émissions mondiales. Le chemin, prévient dans nos colonnes l'économiste spécialiste du climat Christian Gollier, sera rude et nécessite de bouleverser nos modes de consommation et de production. « Personne ne sait comment parvenir au net zéro. Personne ne peut imaginer aujourd'hui à quoi ressemblera une Europe totalement décarbonée. »
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La France doit faire plus
Depuis plus de dix ans, la France fait cependant partie, avec ses voisins européens, des pays où les émissions de CO2 diminuent. Mais pas suffisamment. «On est toujours plus lent que ce que prévoit la Stratégie nationale bas carbone [feuille de route de la transition écologique, NDLR] », constate Corinne Le Quéré. Il faut accélérer l'atténuation du changement climatique, comme le souligne le Haut Conseil pour le climat, mais aussi amorcer une véritable politique d'adaptation, pour réduire les vulnérabilités à ses effets. Construire mieux, produire plus propre, repenser les pratiques agricoles… des solutions existent. Et la France dispose d'atouts, dont une électricité majoritairement décarbonée grâce au nucléaire.
Après cent cinquante ans d'une croissance économique soutenue, le bilan des atteintes au vivant donne le tournis : réchauffement, mais aussi biodiversité en danger avec l'extinction massive d'espèces , pollution de l'air, des sols, des rivières et des océans… La pandémie de Covid, en offrant un sursis à une planète en surchauffe, a fait émerger un nouveau rapport de l'humain à son environnement et au vivant.
Aujourd'hui, le changement climatique pousse certains à céder au catastrophisme et à prôner une rupture totale passant par une décroissance qui sauverait la planète. D'autres relativisent en faisant le pari que notre salut viendra de la seule technologie, quand bien même elle serait embryonnaire. Face à ces discours d'inaction, il est aussi possible de ne pas désespérer. Il est encore temps d'agir, affirment les scientifiques.
Consultez notre dossier : Climat : ce qu’il faut savoir
SÉBASTIEN LEBAN POUR « LE POINT » – Neurdein/Roger-Viollet
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