On le sait, les sondages ne sont qu’une photographie de l’instant. Certainement pas un outil de prédiction. Ce qui explique que, parfois, les résultats des enquêtes ne correspondent pas à la réalité sortie des urnes le soir d’une élection. Nous l’avons encore vu récemment, en juin, lors des dernières régionales. Tous les instituts mettaient en avant une percée du parti de Marine Le Pen. Le Rassemblement national était donné en tête au premier tour dans six régions, voire susceptible de faire basculer plusieurs d’entre elles. Résultat : le RN n’est arrivé en tête qu’en Provence-Alpes-Côte d’Azur, avant d’être battu au second tour.
À six mois de l’élection présidentielle, les sondages se multiplient. Depuis quelques semaines, les enquêtes d’opinion témoignent d’une dynamique fulgurante d’Éric Zemmour. Mi-septembre, l’enquête Ipsos-Sopra Steria pour « le Parisien » - « Aujourd’hui en France » et Franceinfo le donnait à 8 %. Le 2 octobre, dans notre journal, il atteignait les 15 % d’intentions de vote*. Devant le candidat de droite, que celui-ci se nomme Xavier Bertrand, Valérie Pécresse ou Michel Barnier.
Quelques jours plus tard, nouvelle surprise, une autre enquête, celle d’Harris Interactive pour le magazine Challenge, lui conférait 17 % d’intentions de vote et le plaçait devant Marine Le Pen. Le polémiste, qui ne s’est pas (encore) déclaré candidat, franchissait ainsi pour la première fois la barre de l’accès au second tour. Des résultats abondamment commentés, qui interrogent.
Alors que votre institut est notre partenaire à l’occasion de la campagne présidentielle, quel crédit accorder aux sondages qui donnent une telle dynamique à Éric Zemmour ? Cela nous amène également à nous interroger sur la méthodologie employée pour tester l’ancien chroniqueur de CNews. En effet, les instituts peuvent avoir recours à une technique de « redressement » pour ajuster les données brutes de leurs enquêtes afin d’en renforcer la qualité méthodologique.
Pour cela, les sondeurs se basent sur les résultats de la formation politique aux précédentes élections. S’il y a un décalage entre les réponses des sondés et les scores aux scrutins précédents, un ajustement est opéré. Comment Éric Zemmour est-il testé, étant donné qu’il n’a participé à aucun scrutin par le passé ? Est-il « redressé », comme la candidate du RN ? Si oui, comment ?
Nos lecteurs et lectrices attendent avec impatience votre réponse.
Enquête Ipsos-Sopra Steria pour « le Parisien » - « Aujourd’hui en France » et Franceinfo auprès d’un échantillon de 1 500 personnes inscrites sur les listes électorales, représentatives de la population française âgées de 18 ans et plus, interrogées par Internet les 29 et 30 septembre 2021. Méthode des quotas.
La réponse de Brice Teinturier, directeur général délégué d’Ipsos-Sopra Steria : « La dynamique d’Éric Zemmour n’a rien d’artificiel »
En reprenant ces thèmes avec parfois plus de force encore que Marine Le Pen, Zemmour vient fracturer cet électorat. Là où elle était seule, ils sont maintenant deux. Là où elle était forte, elle est affaiblie par ses défaites à la présidentielle et aux régionales. Parallèlement, l’autre grande force politique à droite, les LR, vit une séquence extrêmement difficile. Elle n’a pas encore de candidat officiel et est pour l’instant peu audible. Zemmour en profite et capte une partie de son électorat.
Troisièmement, les médias donnent beaucoup de visibilité à Zemmour. On le voit, on l’entend, il débat, on parle de lui et cela le sert. Enfin, il est nouveau et devient le héraut d’une forme de parole libre, voire du dégagisme. Sa dynamique n’a donc rien d’artificiel. Mais cela ne signifie pas qu’elle sera forcément pérenne ! Si demain les LR ont un bon candidat, que Marine Le Pen retrouve des couleurs et que Zemmour est confronté en tant que candidat à d’autres sujets que l’immigration, il peut parfaitement baisser. Comme toujours, tout dépend de la campagne électorale. Le film ne fait que commencer.
Enfin, vous me demandez si les intentions de vote en faveur d’Éric Zemmour sont plus fragiles car c’est un nouveau candidat. Pas vraiment. Macron, comme bien d’autres dans le passé, était un candidat nouveau en 2017. L’enjeu, c’est beaucoup plus la qualité de représentativité de nos échantillons, c’est ça notre obsession. Il faut que nos échantillons soient le plus parfait possible. Les redressements, opération statistique très courante, nous y aident mais ne suffisent pas. C’est aussi de correctement évaluer la participation. Et ce n’est pas facile, même si nous nous y employons !
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