A la question de savoir si, aujourd’hui, des menaces pèsent sur la reprise économique mondiale, le chef économiste de la banque Natixis estime que oui. Pas en raison de la flambée des prix de l’énergie et des matières premières, passagère semble-t-il, mais potentiellement à cause de la « grosse contraction » des déficits attendue, aux Etats-Unis en particulier.
Aux Etats-Unis, « le rentier enrichi par la banque fédérale n’a plus envie de travailler », il n’en a plus besoin, ce qui explique en partie, d’après Patrick Artus, qu’il y a aujourd’hui un « mismatch » sur le marché du travail où, vendredi, les chiffres officiels ont montré qu’il y avait eu beaucoup moins de créations d’emplois que prévu en septembre. A l’occasion, ce lundi, de la reprise par l’équipe de recherche Natixis de ses points trimestriels, autour de la question « Y a-t-il des menaces sur la reprise ? », l’économiste en chef de la banque constate que, à la fois, « il y a des entreprises qui ont du mal à trouver des salariés et des chômeurs qui ont du mal à trouver un emploi. » « Les emplois qui se créent sont très différents de ceux qui sont détruits » et les travailleurs qualifiés, segment où se concentre la baisse du taux d’emploi, « n’ont plus besoin de travailler » sous l’effet richesse permis par l’envolée des marchés actions, qui ont atteint des records aux Etats-Unis. Mais heureusement, pour l’instant, « on fait [dans la première économie mondiale] plus de PIB avec moins de personnes ». La productivité augmente aux Etats-Unis, contrairement à l’Europe.
Le PIB des Etats-Unis est aujourd’hui supérieur à ce qu’il était avant la crise sanitaire, soutenu par les injections massives de liquidités de la Fed, la banque centrale américaine, et par les dépenses pharaoniques de l’Etat. Mais qu’adviendra-t-il quand, l’année prochaine, le déficit public américain va passer de 16% à 8% ? Aujourd’hui, il y a un consensus parmi les économistes pour dire que l’économie mondiale va progresser autour de 4% en 2022, « les pessimistes disent 3,9% et les optimistes disent 4,1% », caricature Patrick Artus, qui avoue, quant à lui, ne pas être « très rassuré ».
L’épargne forcée sera-t-elle consommée ?
Avec le retour des règles budgétaires, après que, pendant des mois, les Etats ont dépensé sans compter, il va y avoir « une grosse contraction des déficits structurels », avec un delta beaucoup plus en défaveur des Etats-Unis (-8 points environ contre -2 pour l’Europe où la « rigueur » attendra plutôt 2023, la Banque centrale européenne allant continuer à acheter la dette d'urgence l’année prochaine). « Vous pouvez rapidement conclure à la récession en 2022 bien que ce soit plus compliqué que ça. » La question qui se pose est la suivante : l’épargne forcée, accumulée pendant la crise, va-t-elle être consommée ? Pour Patrick Artus, si tel n’est pas le cas, il y a un « vrai » problème. Aujourd’hui, les résultats d’enquêtes en France ne témoignent pas d’une surconsommation de l’épargne des ménages, « ils achètent de l’immobilier et un peu de Bourse alors qu’aux Etats-Unis, ils achètent beaucoup de Bourse et un peu d’immobilier. » Les déficits créeraient donc, de ce côté-ci de l’Atlantique, des bulles immobilières au lieu de soutenir la croissance, en l’absence de constructions supplémentaires. « Pour le moment, les mises en chantier n’ont pas augmenté » et « quand on interroge les banques, elles nous disent que les taux d’apports personnels [pour la souscription à un prêt immobilier] ont considérablement augmenté. » La bulle immobilière, c’est l’une des raisons qui va pousser la Banque d’Angleterre à durcir sa politique monétaire.
La transition énergétique nécessite des taux bas
Reste que, dans l’immédiat, il y a de la consommation refoulée, les biens sont beaucoup plus achetés que les services, les ventes d’ordinateurs sont par exemple 60% au-dessus de ce qu’elles étaient avant la crise, ce qui crée des problèmes d’approvisionnement. « Le commerce mondial n’a jamais progressé aussi vite », observe l’économiste, par rapport, il est vrai, à une année 2020 exécrable. « Mais tout de même, on passe de -4% à +11%. » Et, selon lui, il y a des facteurs durables qui donnent à penser que la croissance du commerce mondial est durable, alimentée notamment par les besoins en composants liés à la transition énergétique.
Cela dit, cette transition ne peut se faire, selon Patrick Artus, « que si les taux d’intérêt restent faibles. » Pourquoi ? Parce qu’« on veut faire des investissements qui ne sont pas très rentables »,
que l’actionnaire rechignera à financer, explique l’économiste. Les
taux resteront effectivement bas en zone euro, puisque que, comme on le
dit chez Natixis, « la BCE est là pour acheter la dette jusqu’à quasiment la fin des temps. » Une japonisation de la politique monétaire qui soutiendra la croissance ? Pas forcément. « C’est bon sauf si l’épargne européenne part aux Etats-Unis pour y être investie dans les Treasuries, pour lesquels les taux augmentent. »
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