Les réformes « Macron » privilégient le capital
Sur le papier, peu de doutes. Entre efficacité et équité, c’est le premier objectif qui a été favorisé :
- ordonnances
travail qui étendent le champ de la négociation d’entreprises pour
déroger aux règles contraignantes du Code du travail ;
- réforme de l’assurance chômage qui durcit les conditions d’éligibilité et les conditions de calcul des allocations ;
- train
de mesures fiscales en faveur des plus riches avec l’instauration de la
flat tax sur le capital, de l’IFI qui supprime l’impôt sur la fortune
sur la composante financière des patrimoines ;
- poursuite de la
politique d’allègement des prélèvements sur les entreprises à travers la
baisse des cotisations employeurs, la conversion du CICE en baisse de
charges pérennes, assortie d’un double chèque, à travers la baisse aussi
la baisse graduelle de l’IS vers 25 % et l’allègement des impôts sur la
production…
En d’autres termes, les réformes « Macron » privilégient
le capital. Ces réformes ont à des degrés divers déjà imprimé leur
marque sur les agents économiques, même si l’on ne dispose pas d’un
bilan abouti encore, par manque de recul :
- Côté entreprises, la
barque fiscale a été nettement allégée, comme en témoigne le rapport
entre l’ensemble des prélèvements obligatoires diminués des subventions,
rapporté à la valeur ajoutée.
- Côté ménages, même si la période
semble globalement caractérisée par une neutralité, la très forte montée
des flux de dividendes jusqu’en 2020, combinée à leur hyper
concentration sur la frange la plus riche de la population (64% sont
allés au 0,1% des foyers les plus aisés et 33% au top 0,01% en 2018),
suggèrent que les ultra-riches ont fortement capitalisé sur les
avantages fiscaux du gouvernement.
Le grand soir du Code du travail : pas encore à l’ordre du jour
Les
ordonnances « travail », que l’on présentait en début de mandat comme
une révolution copernicienne, demeurent en revanche au stade de la
potentialité. L’instauration des CSE a indéniablement dynamisé la
négociation d’entreprise. 49 000 accords ou avenants ont été conclus en
2019, notamment du côté des petites entreprises, quand ce nombre
oscillait autour de 25 000 de 2015 à 2017. Mais cette activité semble
d’abord liée au réglage des modalités de fonctionnement des CSE. Le fait
que les entreprises se soient engouffrées dans cette possibilité pour
détricoter le droit du travail n’est pas avéré cependant. Les accords de
performances collectives (APC) — qui ouvrent la possibilité de modifier
le temps de travail, les rémunérations et les conditions de mobilités,
dont les effets l’emportent sur les clauses du contrat de travail et qui
focalisaient toutes les inquiétudes, de même que les accords de rupture
conventionnelle collective — demeurent extrêmement marginaux. Entre
janvier 2018 et juin 2020, on dénombrait 371 APC et 164 accords de
rupture conventionnelle. Au regard de la population des entreprises,
c’est très peu. Les entreprises rechignent à s’engager dans des
négociations conflictuelles et le grand soir du Code du travail n’est
pas à l’ordre du jour à ce stade du mandat. La revitalisation du
dialogue a en revanche constitué un facilitateur de la mise en place du
chômage partiel et du télétravail durant la crise.
Face à l’empilement des mesures pro-capital, peu de contrepoids sociaux
Et face à cela, on peine à trouver le contrepoids social qui avait été promis par le président :
- La
suppression de la taxe d’habitation, qui devait être le porte-étendard
du rééquilibrage vers les plus pauvres et les classes moyennes a
vocation à être étendu à tous les contribuables finalement, perdant sa
portée symbolique.
- Les contribuables ont vécu la taxation écologique comme un substitut inéquitable.
- La
réforme des minimas qui devait simplifier leur accès et consolider la
situation des plus pauvres n’a toujours pas vu le jour.
- La réforme
des APL, longtemps différée, qui indexe les APL sur les revenus les plus
récents permet une économie de 1 milliard pour le gouvernement.
- La
hausse de la prime d’activité et la hausse d’un tiers du nombre de
bénéficiaires doivent certes être mises au bilan social du quinquennat,
mais elle apparaît inévitablement comme une concession pour éteindre
l’incendie des gilets jaunes.
- À cela s’ajoute un contexte de
modération salariale, dans le prolongement du tournant de l’offre initié
par François Hollande. Avec notamment une quasi-stagnation du pouvoir
d’achat du SMIC et une poursuite de la politique de resserrage des
écarts salariaux unitaires avec l’Allemagne.
Malgré tout, pas de montée des inégalités (pour le moment)
On
peine pourtant à objectiver à ce stade une montée des inégalités en
France. Les indicateurs interdéciles ne signalent pas d’aggravation
globale. La brève montée du taux de pauvreté au début du mandat ne peut
être imputée au bilan Macron, et l’année 2019, dernière connue, signale
plutôt une régression de ce ratio. Un résultat qui contraste avec
l’empilement apparent des dispositifs favorables au capital. Une
stabilité relative à mettre sur le compte de la hausse du taux d’emploi
nette depuis le tournant de l’offre de 2013. Avec en arrière-plan, une
puissante relance des politiques actives de l’emploi sous Macron,
notamment de l’apprentissage et un assouplissement du statut
d’autoentrepreneurs assorti d’une très forte montée de leu nombre,
version française des minjobs à l’allemande ou des emplois zéro-heure
britannique. Ce déblocage des petits boulots fournit des compléments de
revenu aux foyers les plus précaires. Le paradoxe de l’ubérisation,
c’est que partout où elle s’étend, elle réduit les inégalités apparentes
dans la phase de montée de ces emplois. C’est un résultat fragile. Par
infusion lente, ces emplois creusent à moyen terme les inégalités et
renforcent les sentiments d’inéquité dans la population.
Indéniablement
la France a poursuivi sa « shröderisation » sous Macron. Avec une
inclusion accrue sur le marché du travail… Mais avec aussi un poison
lent de la montée des inégalités dont on ne verra la couleur que plus
tard.
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