Le Frexit est un bon critère de mesure. Sortir de l’euro provoquerait assurément un cataclysme économique et un appauvrissement général, notamment des retraités, dont les pensions seraient, en termes réels, dévaluées. Ce serait en outre le synonyme d’une relégation civilisationnelle, avec la perspective pour la France de devenir à moyen terme un protectorat de puissances plus grandes. Or en 2017, les candidats qui prônaient une sortie de l’euro, ou dont le programme économique y aurait conduit tôt ou tard, ont obtenu tout de même un total de 48,41 % des voix au premier tour. Ils avaient un représentant au second, Marine Le Pen, qui n’a recueilli que 33,90 % des suffrages. Et en 2022 ? Ces deux chiffres donneront un aperçu de l’état psychologique du pays.
La communauté des candidats de la banqueroute commence à se former. Elle compte évidemment ces deux gros poissons aux options économiques proches : Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen. Si cette dernière a officiellement renoncé à faire sortir la France de l’euro, elle continue d’exiger, comme Jean-Luc Mélenchon, le retour à la retraite à 60 ans, ce qui reviendrait au même au vu de notre dette publique (qui vient déjà de passer de 97,6 % à 118,2 % du PIB entre fin 2019 et le premier trimestre 2021)… Mais ces deux-là ne seront certainement pas seuls. Ainsi, la candidate à la primaire Europe Écologie-Les Verts (EELV), Sandrine Rousseau, assure dans son programme que le « temps de travail de chacun·e (sic) doit être réduit sur la semaine (semaine de 4 jours) et sur la vie (temps de congés, âge de départ à la retraite) ». Si le but est de mettre rapidement la France en défaut de paiement, c’est une excellente idée.
La tentation de la faillite heureuse – ou du Frexit, c’est la même chose –, qu’elle soit motivée par un nationalisme bas de plafond, un anticapitalisme antédiluvien ou une inquiétante quête de purification morale – ah, quand Sandrine Rousseau évoque « la fin d’une époque de souillure »… –, reste aujourd’hui la forme de démence politique la plus répandue.
D’autres peuvent-elles prospérer sur un champ aussi large ? On pense évidemment à la fièvre antivaccin (ou anti-obligation vaccinale). Impressionnant, et un peu désespérant, ce courant est essentiellement représenté en politique par Florian Philippot, Nicolas Dupont-Aignan, François Asselineau ou encore l’écologiste Michèle Rivasi. Mais il n’y a pas là de quoi atteindre des scores électoraux faramineux : plus de 80 % des Français éligibles (plus de 12 ans) ont déjà reçu au moins une dose…
On peut également citer, bien sûr, la déraison qui consisterait à ignorer le défi climatique. Peu de politiques sont aujourd’hui dans le déni du réchauffement. Cela ne signifie pas que tout le monde a des solutions à la hauteur de l’enjeu, loin de là. Il existe cependant quelques candidats qui sont dans la négation de la science : on les trouve principalement chez EELV. La sortie du nucléaire, souhaitée notamment par Sandrine Rousseau et Éric Piolle, se traduirait mécaniquement par une augmentation de nos émissions de CO2. Les données pour comprendre cela se trouvent notamment dans les rapports du Giec. Mais Sandrine Rousseau et Éric Piolle les lisent-ils ? Cela dit, s’il n’y a que les écologistes pour menacer si frontalement ses objectifs climatiques, la France a une chance de parvenir à les atteindre.
Évoquons aussi, parmi les grands égarements de l’époque, celui qui aboutit à renier nos principes de laïcité au nom d’un relativisme loufoque. Une tendance fortement implantée dans le monde universitaire et portée par ces mouvements « woke » vitupérant le « patriarcat blanc hétérosexuel » mais ne trouvant pas grand-chose à redire au sort que les talibans réservent aux femmes ou aux homosexuels. En politique, elle est surtout présente chez les Insoumis et les Verts. Pour l’instant, les enquêtes d’opinion montrent que ce phénomène est très minoritaire, même si les jeunes générations y semblent plus perméables. Jusqu’où ?
« La raison du plus fou est toujours la meilleure », disait Raymond Devos. C’était une blague, mais comme il se pourrait que certains aspirants au pouvoir l’aient prise au premier degré, il n’est pas inutile de surveiller de près le déliromètre français§
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