Les enfants nés en 2020 ne sont pas endettés !
Ce
ratio qui effraie tant, qui a toutes les apparences de la rigueur et du
sérieux, n’a pourtant strictement aucun sens. Tout simplement parce que
cela revient à rapporter un stock (la dette) à un flux (le PIB).
Calculer le ratio dette brute/PIB, c’est donc comparer des carottes et
des choux, deux notions de nature très différente. C’est comme si un
banquier jugeait la situation financière d’un ménage sans se préoccuper
ni de son patrimoine ni de sa capacité à générer des revenus dans les
années à venir. C’est absurde pour un ménage. Ça l’est tout autant
s’agissant d’un pays. Pour être rigoureux, il faudrait plutôt comparer
la dette du pays à une somme de PIB futurs, car on ne rembourse pas une
dette sur une seule année !
Dans
une même logique de flux, il serait aussi plus correct de rapporter le
PIB annuel de la France (de l’ordre de 2 300 milliards d’euros) à la
charge de la dette, c'est-à-dire le montant des intérêts versés chaque
année. Pour la France, la somme en jeu est aujourd’hui d’environ 35
milliards d’euros, c’est moins de 1,5% du PIB. C’est un chiffre en
baisse, car les taux auxquels l’État refinance sa dette sont
historiquement bas.
On
pourrait tout autant choisir de rapporter la dette (c'est-à-dire le
passif) aux actifs dans une logique de stock. Sous cet angle, le
diagnostic sur l’endettement de la France change radicalement : le
passif est largement inférieur à l’actif. Prenons l’exemple d’un
nouveau-né français. Il hérite dès sa naissance d’une dette publique.
Mais il hérite aussi d’actifs publics financiers et non financiers :
maternité, écoles, routes, hôpitaux, monuments et autres infrastructures
préexistantes, construits et financés par les générations antérieures.
Contrairement à ce que certains prétendent, les enfants nés en 2020 ne
sont pas endettés. En vérité, ils héritent d’un patrimoine public net
d’une valeur proche de 330 milliards d’euros. Pour autant, il ne faut
pas se voiler la face, la situation s’est détériorée. Pour aller à
l’essentiel, si l’héritage a triplé entre le début des années 2000 et
2007, il a fondu depuis.
Il faut rééquilibrer nos comptes extérieurs
Mais
il y a une autre source de confusion sur la dette. La dette de la
France ne peut pas se résumer à celle de l’État. L’État, ce n’est que
l’un des agents économiques, ce n’est pas toute la France. L’endettement
de la France, c’est donc la somme des dettes des entreprises, des
ménages et des administrations publiques envers les acteurs situés hors
de nos frontières. Pourquoi seulement hors
de nos frontières ? Parce que les dettes internes s'annulent, puisqu'à
la dette d'un agent correspond la créance d'un autre. La seule partie à
rembourser par la France, c'est celle détenue par des investisseurs
étrangers.
La
Banque de France publie chaque année un « compte des transactions
courantes » qui décrit dans une logique de flux les échanges de biens,
de services, de revenus et de transferts courants avec l'extérieur. Le
solde de ce compte représente ce que la France a emprunté (ou prêté)
chaque année. Créancière du début des années 90 jusqu’au milieu des
années 2000, la France est devenue débitrice par la suite, mais de façon
modérée, le déficit courant ne dépassant jamais la barre de 1% du PIB
jusqu’en 2020, année exceptionnelle qui a en effet plombé les comptes.
Mais
tout ceci concerne les flux seulement. Qu'en est-il de la dette,
c'est-à-dire du stock ? Pour le mesurer, il faut additionner le solde
des transactions courantes au fil des ans. Et le résultat est pour le
moins surprenant. Sur la base de cet indicateur, la France n’était pas
endettée fin 2019, mais le devient avec la crise de la covid-19 en 2020.
Là aussi, il ne faut pas mettre sous l’éteignoir la tendance à la
réduction de l’empilement des excédents avec cette sentence : les vrais
problèmes sont devant nous et si l’on veut sérieusement s’occuper de la
réduction de la dette, il est prioritaire de s’attacher à rééquilibrer
nos comptes extérieurs. L’alternative est simple :
- soit à grands coups de plans de rigueur, la demande intérieure étant sacrifiée pour faire chuter les importations et effacer le déficit extérieur ;
- soit l’on donne à nos entreprises les moyens d’être plus offensives à l’extérieur comme dans la défense de leurs parts de marché sur le territoire… mais la dette publique ce n’est pas le cœur du problème !
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