Il semblerait que les mécréants et les oiseaux de mauvais augure aient eu raison, puisqu’un rapport de Mobileese sur l’état de la recharge publique en France dévoilé le 8 avril estime que “malgré les neuf mois restants, et les installations à venir grâce aux concessions récemment attribuées (Ville de Paris à Total, réseau eBorn à Vinci), les évolutions ne seront pas suffisantes pour atteindre le résultat”. Outre les retards dans les travaux qu’imposent les confinements à répétition, le rapport cite la pénurie de composants électroniques, qui entrave les livraisons de bornes de charge.
Il aura fallu 10 ans pour installer 32.000 bornes — heureusement, le rythme s’accélère nettement
Les optimistes diront au contraire qu’il reste neuf mois aux collectivités territoriales et aux entreprises signataires de la charte intitulée "Objectif 100.000 bornes" présentée le 12 octobre pour faire mentir les pronostics de Mobileese. Après tout, l’État n’a-t-il pas mis sur la table une enveloppe de 100 millions d’euros, dans le cadre du Plan de Relance de l’économie, l’an dernier ? Quant à l’’association nationale pour le développement de la mobilité électrique Avere-France, elle préfère retenir l’accélération du rythme d’ouverture de points de charge publics, en hausse de 8 % sur la période de novembre à mars. Encourageant.
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A cet égard, Mobileese salue la contribution des pétroliers et de la grande distribution, qui ont ajouté quelque 1.200 points de charge publics sur les trois premiers mois de 2021, pour un total de 2.000 bornes en station-service, 5.000 sur les parkings des centres E. Leclerc, 2.000 chez Lidl, 2.000 autres chez Système U, et 1.500 chez GreenYellow (groupe Casino). Les points de charge accessibles au public seraient au nombre de 35.000 aujourd’hui, en France, selon Enedis.
Partout en Europe, les constructeurs réclament une accélération des investissements dans les réseaux de charge
Outre les énergéticiens Total, Engie et la filiale d'EDF Izivia, les constructeurs d’automobiles eux-mêmes ont décidé de prendre le taureau par les cornes. Le territoire français bénéficiera d’une part des efforts du Groupe Volkswagen, qui annonçait le mois dernier vouloir installer à ses frais 18.000 bornes rapides publiques en Europe, d’ici fin 2025.
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A l’instar des autres constructeurs, Volkswagen craint de voir la courbe des ventes de leurs voitures électriques s’effondrer brutalement, faute de bornes où les charger rapidement et aisément. Deux critères d’importance.
L’État encourage l’achat de voitures électriques mais la charge rapide reste difficile sur autoroute
Quand l’Avere-France confirme que près de 70 % des charges se font à domicile (88 %, chez les personnes interrogées par Enedis), des voix s’élèvent pour demander s’il est bien raisonnable de dépenser les deniers publics pour construire un réseau de points de charge publics. Interrogation légitime.
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Ce qui freine les automobilistes est la rareté des bornes de charge rapide, pour les accompagner les rares fois où ils doivent s’écarter de leur trajet quotidien entre travail et domicile. Hors réseau Tesla, dont les Superchargers procurent toute satisfaction, on ne trouve pas suffisamment de chargeurs rapides, qui délivrent une puissance de 50 kW (voire 150 kW et bientôt 350 kW sur le réseau Ionity financé par les constructeurs auto allemands et coréens). C’est sensiblement plus que les 7,3 kW d’une WallBox installée à domicile, mais c’est bien le minimum pour ravitailler une auto qui prétend abattre de grandes distances sur autoroute.
Les opérateurs de bornes mettent les bouchées doubles pour résoudre les problèmes techniques
Sans chargeur rapide, s’envole la promesse des constructeurs de récupérer 80 % de taux de charge de la batterie en moins de trois quarts d’heure, et une centaine de kilomètres d’autonomie en une dizaine de minutes. Sans chargeur rapide d’un accès aisé et dont le logiciel est compatible avec toutes les voitures, il est vain d’espérer partir en vacances au volant d’une Peugeot e-208 (l’une des électriques les plus vendues, après la Renault ZOE) qui peine à couvrir plus de 200 kilomètres à 130 km/h.
En février, le ministre délégué chargé des Transports, Jean-Baptiste Djebbari annonçait une enveloppe de 100 millions d’euros pour développer les infrastructures de charge rapide sur autoroute. "Les stations seront financées en moyenne à 30 %, ce taux pouvant être porté à 40 % dans certaines situations spécifiques", a précisé le ministre, en précisant que "cette aide est cumulable avec la prise en charge à 75 % des coûts de raccordement au réseau, mise en place par la loi d'Orientation des Mobilités". De quoi espérer pouvoir traverser la France en 2022 sans craindre la panne d’énergie et en un délai raisonnable.
Bornes de charge rapides : fiabilité à améliorer
Tandis que les opérateurs et les énergéticiens se chamaillent avec les sociétés d’autoroutes, les collectivités territoriales et l’État pour savoir qui doit supporter le coût des investissements, la demande en points de charge augmente à rythme soutenu. Or, même s'il devait compter 100.000 bornes avant la fin 2021, le réseau public français satisferait tout juste aux normes européennes qui réclament un minimum d'un point de charge pour dix voitures. Nos voisins européens font mieux, particulièrement en matière de bornes rapides.
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Le rapport de Mobileese rejoint l’enquête comportementale réalisée par Enedis et BVA en février et rapporte mille sources de frustrations, chez les utilisateurs de voitures électriques. Ici, une borne est répertoriée à tort comme accessible à tel badge d’abonné ; là, une borne annoncée comme disponible n’est plus alimentée ; ailleurs, c’est le logiciel du véhicule qui n’est pas compatible avec celui qui pilote la borne. Ainsi que le souligne Mobileese, la quantité de points de charge publics ne fait pas tout : encore faut-il qu’ils soient bien signalés et d’accès aisé.
Quand tout fonctionne correctement, les automobilistes doivent encore composer avec un allongement du temps de charge, dès lors que plusieurs autos se branchent à station de conception un peu ancienne. L’incivilité se mêle parfois de la partie, avec des automobilistes qui s’obstinent à charger à 100 %, en oubliant que les vingt derniers pourcents sont ceux qui prennent le plus de temps à récupérer. C’est méconnaître leur auto et oublier qu’ils gagneraient du temps à repartir avec 80 % de taux de charge, pour s’arrêter dix minutes à une station, deux cents kilomètres plus loin. C’est tout une éducation à faire, ce sont de nouvelles habitudes à prendre.
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