10/04/2021

"Nos patients n'en veulent plus, on jette les doses" : les généralistes démunis face à la défiance contre le vaccin AstraZeneca

Cette semaine a marqué un tournant qui pourrait sonner définitivement le glas du vaccin développé par AstraZeneca en France. Entre défiance accrue et opportunité grandissante de se voir administrer du Pfizer grâce au déploiement des vaccinodromes, les patients se détournent en masse du "Vaxzevria", au grand dam des généralistes, obligés de jeter des doses, faute de preneurs.

En ouvrant le planning de vaccination qu'il avait mis du temps à élaborer avant d'accueillir ses patients ce mercredi 7 avril, le Dr Mathé, qui officie à Colomiers (Haute-Garonne), n'a pu que constater les dégâts : des 20 noms qu'il avait initialement inscrits, il n'en subsistait plus que 4. Le généraliste n'a reçu qu'un seul flacon estampillé AstraZeneca sur les deux qu'il espérait, mais qu'importe. Le problème n'est plus là. Six de ses patients ont annulé ces derniers jours.

"Ils ne veulent plus du AstraZeneca", résume le praticien, qui n'a pas trouvé de candidats de substitution au pied levé, malgré les listes d'attente. "J'ai proposé à la pharmacie de mon secteur de récupérer les doses. Elle regroupe quand même les patients de plusieurs généralistes de Colomiers, mais eux non plus n'en ont pas besoin..."

La mort dans l'âme, le médecin a dû se résoudre à jeter l'équivalent de six à huit doses, pendant que d'autres pays souffrent de ne pas en avoir assez. Un crève-cœur. Mais comment pourrait-il en être autrement ? Il comprend ses patients. "Ils sont pour la plupart dans la même cible que celle que vise le vaccin Pfizer, distribué en masse aujourd'hui dans les vaccinodromes. Les rendez-vous sont de plus en plus faciles à obtenir. Alors à choisir, ils le préfèrent."

"Il ne faut pas s'étonner"


"Évidemment", peste le Dr Jérôme Marty, à Fronton (Haute-Garonne), qui renvoie le gouvernement à ses responsabilités. "On n'arrête pas de tergiverser sur ce vaccin, de semer la confusion, mais a-t-on vu une seule fois une campagne de communication qui mette en perspective le ratio bénéfice/risque du AstraZeneca, ou des vaccins en général ? Non, à la place, on a vu une mamie qui retrouvait ses petits-enfants. Il ne faut pas s'étonner", fustige le généraliste. Ce jeudi, il a vu les deux-tiers des patients qui avaient pris rendez-vous pour se faire vacciner chez lui annuler au dernier moment. Lui aussi a été contraint de se débarrasser de ses doses restantes.

La mauvaise presse qu'a subie - et que subit encore - le "Vaxzevria" (nouveau nom du vaccin développé par AstraZeneca) depuis sa création explique en partie ce résultat. Mais pas uniquement. "Aujourd'hui, j'ai aussi des clients qui annulent parce qu'ils s'étaient inscrits chez moi il y a plusieurs jours, plusieurs semaines, mais entre les retards de livraison et l'ouverture des vaccinodromes, ils ont été vaccinés ailleurs", constate Jean-Marie Guillermin, pharmacien à Toulouse.

Les problèmes de livraison, c'est l'argument avancé par le gouvernement pour expliquer la baisse significative de la proportion de patients à qui on a administré du Vaxzevria ces derniers jours. Un argument que veut bien entendre, mais juste en partie, le Dr Marty. "C'est clair qu'il y a des problèmes d'approvisionnement, mais il y a une défiance évidente aussi, il ne faut pas s'en cacher." Même certitude chez le Dr Mathé : "Certains de mes patients me l'ont clairement dit, ils ont dans les 60 ans, et à quelques jours près, ils se savent éligibles pour le Pfizer. Ils préfèrent attendre plutôt que de prendre le moindre risque". D'autant que le délai entre la première et la seconde injection du Pfizer est trois fois plus court (quatre semaines contre douze pour le Vaxzevria), si bien que de repousser la première injection en misant sur le Pfizer peut permettre d'être complètement immunisé plus rapidement.

"Laissons faire ceux qui savent"


"L'important, c'est que tout le monde soit vacciné le plus rapidement possible", résume, philosophe, Jean-Marie Guillermin. Mais il reste persuadé que tout n'est pas fait comme il faut pour y parvenir le plus efficacement. Un avis partagé par le Dr Marty. "Pourquoi on ne commence pas à approvisionner les généralistes et les pharmaciens en doses de Pfizer, avec lesquelles on arrose les vaccinodromes ?", s'interroge le praticien frontonnais. "On nous dit que la livraison n'est pas simple à organiser à cause des contraintes de conservation. Mais laissons faire ceux qui savent. Si le gouvernement ne sait pas nous livrer, Amazon doit le savoir", s'agace le généraliste, qui veut "faire venir le vaccin Pfizer aux patients, et pas uniquement l'inverse, comme on fait aujourd'hui avec les vaccinodromes".

Même son de cloche chez Jean-Marie Guillermin. "On se vante de faire plus de 400 000 injections par jour. Et c'est vrai que c'est très bien. Mais on oublie sans doute ceux dont la mobilité n'a rien d'évident et pour qui il n'est pas envisageable de se rendre dans un vaccinodrome", souligne le pharmacien. "Si tous les cabinets de médecins et les officines avaient des doses, le nombre de vaccinés augmenterait bien plus rapidement, c'est une certitude". Et une partie du gâchis qui s'annonce pourrait peut-être être évitée.
 

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