Les hôpitaux publics peinent souvent à recruter, surtout des paramédicaux, afin de pouvoir recevoir les patients Covid. Photo Laurent Martinat.

La deuxième vague de la Covid-19 s’annonce violente. Pour y faire face, les différents établissements de santé, hôpitaux, cliniques, ont dû s’organiser et recruter... La situation reste tendue dans le secteur public.

Le CHU de Nice occupe une place centrale dans la prise en charge des patients Covid+. Il est l’établissement support des Alpes-Maritimes, c’est lui qui, sous la houlette de l’ARS, pilote l’organisation des soins en collaboration avec les autres hôpitaux publics et privés.

Au début de l’année et particulièrement pendant le confinement du printemps, il avait été en première ligne, en parvenant à garder la situation sous contrôle ; l’ensemble des patients nécessitant une hospitalisation ou un séjour en réanimation avaient pu être soignés dans le département. Comment les choses vont se dérouler aujourd’hui ?

"Nos équipes sont fatiguées"

Cette deuxième vague arrive dans un contexte bien différent de la première. "L’ensemble de la communauté hospitalière a été mobilisé et impactée par la crise de la Covid. Nos équipes sont fatiguées mais nous nous étions organisés cet été afin qu’elles puissent prendre des congés, indique Pascale Cuberes, directrice des soins au CHU de Nice et responsable des effectifs paramédicaux. Actuellement, la difficulté principale tient à l’évolution rapide de la situation sanitaire. La direction a la volonté de répondre à tous les besoins de santé de la population. Au total, nous avons procédé à 122 recrutements externes - toutes qualifications confondues - depuis le début de l’épidémie pour nous aider à faire face. Nous avons notamment pu embaucher des jeunes qui ont été récemment diplômés des filières paramédicales."

Car disposer d’équipements ne suffit pas. La prise en charge des patients Covid+ demande beaucoup de moyens humains. Alors au CHU comme ailleurs, il a fallu recruter.

Appel aux retraités

Au Centre hospitalier de Grasse, on se prépare. Pour l’instant, tout va bien, mais les choses pourraient vite changer. "Si nous ne disposons pas de suffisamment de personnel soignant, nous ne pourrons pas ouvrir de lits", explique-t-on à Clavary. C’est mathématique. Or l’établissement s’apprête à armer un dispositif qui lui permettra de recevoir davantage de patients.

"Nous avons lancé des appels à recrutement. Nous recherchons notamment 6 infirmiers et 6 aides-soignants et également un médecin généraliste [si vous êtes disponible, contactez l’hôpital au 04.93.09.51.07, Ndlr]. La difficulté réside en partie dans le fait que pendant le confinement au printemps, nous pouvions nous appuyer sur les étudiants car les instituts de formations étaient fermés. Ce n’est pas le cas aujourd’hui - pour le moment du moins - donc nous faisons appel à des retraités qui seraient volontaires pour nous aider."

Autre hôpital, même constat et même mode d’action. A Antibes-Juan-les Pins, Bastien Rippert-Teilhard, directeur général du CH, explique avoir "recruté une vingtaine de soignants ces deux derniers mois. C’était indispensable parce que l’ARS, sur la base de données épidémiologiques, nous a demandé d’être en capacité d’ouvrir des lits de réanimation."

Partout, les mêmes leviers d’action ont été utilisés : réorganisation des services, réaffectations des personnels formés et compétents sur les services tels que la réanimation, très consommateurs en ressources humaines.

Déprogrammation?

Au CHU comme ailleurs, le recours aux heures supplémentaires déplafonnées, le roulement des équipes sur 12 heures ou encore le recours à l’intérim deviennent quasiment la règle. Impossible de faire autrement. Partout (hôpitaux comme Ehpad), les offres d’emploi pour les infirmiers, les aides-soignants et les médecins sont légion. Mais les candidats sont rares.

Dernière solution pour garantir suffisamment de personnel au chevet des patients Covid : la déprogrammation. Une solution qui permettrait de redéployer des effectifs mais qui impliquerait des reports d’intervention, parfois délétères. Les professionnels de santé, dans leur immense majorité, n’y sont pas favorables. Ou seulement à la marge. Mais la progression de l’épidémie n’offrira peut-être pas d’alternative, comme le suggère Bastien Ripert-Teilhard du CH Antibes-Juan-les-Pins. "Nous commençons à nous projeter sur un potentiel début de report de programmes".

Savoir+
Si vous êtes soignant et disponible, vous pouvez contacter le CHU de Nice par mail à drh-recrutement@chu-nice.fr

Situation maîtrisée à la clinique Saint George

Le secteur privé est un peu moins sollicité que le public pour la prise en charge des patients Covid. De ce fait, il est moins en tension en termes de ressources humaines.

Le directeur général adjoint de la clinique Saint George à Nice, Sylvain Lambert, fait le point: "notre service d’hospitalisation conventionnelle dédié à la Covid est plein : il compte actuellement 14 patients. Pour le moment, nous disposons de suffisamment de personnel, médical et paramédical."

Le DG confesse toutefois que l’établissement, comme tant d’autres d’ailleurs, est touché par l’absentéisme en général: "heureusement, assez peu sont liés à des absences pour motif de contamination au coronavirus."

Aujourd’hui, l’hôpital privé niçois prépare la suite : l’heure est à la réouverture de lits de réanimation Covid +. "Lors du confinement, nous avions mis en place un service de réanimation covid, à la demande de l’ARS, et du personnel avait donc été formé. Notre département ayant été relativement préservé, nous n’avions pas accueilli de patients. Aujourd’hui, de nouveau à la demande de l’ARS, nous nous sommes préparés à ouvrir 4 lits de réa Covid. Nous collaborons également avec le public. Nous sommes donc en capacité de les déclencher si besoin." Là encore, les ressources humaines sont en adéquation avec cette perspective.

La véritable inquiétude de Sylvain Lambert n’est pas cristallisée sur les effectifs - a priori ils suffiront - mais sur d’éventuelles déprogrammations. "Nous nous efforçons de maintenir les programmes. Parce que de nouveaux reports pourraient avoir des conséquences négatives sur la prise en charge des patients hors Covid. Tous nos efforts sont concentrés sur le maintien de l’activité. On le sait, les déprogrammations lors du confinement et la crainte qu’avait la population à consulter ont engendré des retards de diagnostic et de prise en charge délétères."

Au printemps, la clinique avait aménagé un bloc pour accueillir des patients Covid en réa. Photo F.V..

Tzanck sur le front pour les soins critiques

L’Institut Arnault-Tzanck Saint-Laurent-du-Var est un établissement privé à but non lucratif. Un statut un peu particulier, à la croisée du public et du privé. Il accueille en ce moment 6 patients en réanimation.

"Nous sommes surtout sollicités pour les soins critiques: réanimation et surveillance continue de cas sévères, explique le directeur Michel Salvadori. Ce sont des activités qui engagent beaucoup de moyens en termes de personnel, d’autant qu’il s’agit de professionnels compétents et formés spécifiquement. Nous essayons de les préserver au maximum mais nous devons composer avec des absences, certains sont par exemple cas contacts."

Pour faire face à l’afflux potentiels de patients, l’Institut Arnault-Tzanck rationalise son organisation et les plannings du personnel. "Nous avons faits quelques recrutements en début d’été. Pour l’heure, nous sommes suffisamment dimensionnés pour faire face aux besoins dans les trois unités de soins critiques, le personnel médical est polyvalent et nous pourrons nous organiser. En revanche, c’est au niveau des paramédicaux que nous risquons d’avoir des manques."

L’établissement Laurentin participe à l’effort collectif et souligne la bonne collaboration entre les différents acteurs de santé sous la houlette de l’ARS. "Nous nous efforçons tous de maintenir les activités tant que c’est possible », note Michel Salvadori qui ne manque pas de saluer l’investissement des équipes. « Elles sont mobilisées et font leur maximum pour que les choses se passent bien. Mais pour elles, ce n’est pas toujours évident car il leur faut composer avec la fatigue, le stress et l’anxiété."