La neuropilin 1, protéine transmembranaire offrant aux virus la possibilité de s'agripper aux cellules, pourrait être l'un des facteurs derrière l'infectiosité du coronavirus de 2019.

Il y a 17 ans, le virus SARS-CoV était identifié pour la première fois par les chercheurs. Apparu dans la province de Guangdong, au sud de la Chine en 2002, il affecta 26 pays, culminant à 8.000 cas l'année suivante. Heureusement, il put être rapidement contenu et ne connaît aujourd'hui que de rares éruptions sporadiques dues à des incidents en laboratoire ou survenant - possiblement - de manière naturelle, par transmission de l'animal à l'Homme. La pandémie redoutée par les chercheurs n'eut donc jamais lieu. Jusqu'à la fin de l'année dernière, où une nouvelle forme du virus, SARS-CoV-2, fit son apparition.

Un nouveau cas de figure

Contrairement à son prédécesseur, le coronavirus de 2019 est particulièrement infectieux, ainsi qu'en témoignent les 41,7 millions de cas enregistrés dans le monde, et virulent, avec 1,14 million de morts déjà comptabilisés (rappelons-nous que ces chiffres ne sont que la portion « reportée » de l'iceberg). Les agents de cette évolution ont pu être en partie cernés, avec la découverte de l'enzyme de conversion de l'angiotensine II (ACE2) qui agirait comme un récepteur du coronavirus, une porte d'entrée et un point d'accroche dans le corps humain. Cependant, ce récepteur, également compatible avec le virus SARS-CoV, n'expliquait pas tout.

« Le point de départ de notre étude était de savoir pourquoi le SARS-CoV, un coronavirus qui a conduit à une épidémie beaucoup moins importante en 2003, et le SRAS-CoV-2 se propagent de manière si différente alors qu'ils utilisent le même récepteur principal ACE2 », explique Ravi Ojha, virologue et coauteur d'une étude qui pourrait contenir une nouvelle pièce du puzzle, parue dans la revue Science. La réponse, les chercheurs l'ont trouvée dans le génome du virus de 2019. 

La neuropiline 1, clé du coronavirus ?

L'étude du génome a permis d'identifier les séquences responsables de la production d'un réseau de pointes à la surface du virus, capables de l'aider à s'agripper aux tissus. « Contrairement à son ancien parent, le nouveau coronavirus avait acquis une "pièce supplémentaire" sur ses protéines de surface, que l'on retrouve également dans les pointes de nombreux virus humains dévastateurs, dont le virus Ebola, le VIH et les souches hautement pathogènes de la grippe aviaire, parmi d'autres », commente Olli Vapalahti, lui aussi virologue. Ce coupable derrière ces dangereux crochets est la protéine transmembranaire neuropiline 1.

L'utilisation d'anticorps monoclonaux sur des pseudovirus a permis de confirmer que le blocage de la neuropiline 1 rendait beaucoup plus compliqué leur entrée dans les cellules. « Si vous considérez l'ACE2 comme le verrou de la porte pour entrer dans la cellule, alors la neuropiline 1 pourrait être celle qui dirige le virus vers la porte, précise Giuseppe Balistreri, coauteur. L'ACE2 est exprimée à des niveaux très faibles dans la plupart des cellules. Il n'est donc pas facile pour le virus de trouver des portes pour y pénétrer. D'autres facteurs tels que la neuropiline 1 pourraient aider le virus à trouver sa porte. »

SARS-CoV-2 : des mutations ont-elles augmenté sa virulence ?

Article de Céline Deluzarche, publié le 28 avril 2020

Le coronavirus, responsable de la pandémie de Covid-19, a déjà subi de nombreuses mutations, dont certaines le rendent plus ou moins pathogène. Certaines versions du virus, notamment celles circulant en Europe, seraient ainsi 270 fois plus agressives que d'autres.

A-t-on sous-estimé la capacité du coronavirus SARS-CoV-2 à muter ? À chaque réplication, les virus subissent des modifications génétiques aléatoires qui affectent une partie de leur génome. La plupart du temps, ces mutations sont mineures et n'apportent pas de changement dans la biologie ou les fonctions du virus. Jusqu'ici, on pensait que c'était le cas pour le SARS-CoV-2. Des chercheurs chinois de l'université de Zhejiang en Chine viennent pourtant de découvrir que, non seulement le virus a une propension importante à muter, mais que certaines mutations induisent une dangerosité bien plus élevée. « Le SARS-CoV-2 a acquis des mutations capables de modifier substantiellement sa pathogénicité », résument les chercheurs dans leur article en pré-publication sur le site medRxiv.org. Certaines souches seraient ainsi 270 fois plus virulentes que d'autres.

Onze souches de virus ont été isolées chez des patients de la province du Zhejiang. Au total, les chercheurs ont identifié 33 mutations dans le génome, dont 19 encore inconnues. Surtout, certaines de ces mutations portent sur la partie codant la structure des protéines de surface du virus, celles qui lui servent à pénétrer dans la cellule. Afin de vérifier l'effet de ces mutations, les chercheurs ont infecté des cellules avec les différentes variantes du virus, et constaté que certaines souches produisent 270 fois plus de charge virale que d'autres, tuant ainsi la cellule beaucoup plus vite.

Les variantes européennes sont les plus dangereuses

Les chercheurs ont ensuite retracé différentes souches en circulation dans le monde pour retrouver celles correspondant aux séquences analysées. Les souches circulant en Europe et à New York seraient ainsi les plus virulentes, les plus modérées concernant à l'inverse le reste des États-Unis. Une précédente étude de l'université Northeastern avait déjà montré que le virus à New York avait été importé d’Europe, probablement d'Italie, où il s'est avéré particulièrement meurtrier. Les scientifiques suspectent depuis longtemps que les différentes formes du virus pourraient expliquer les étonnantes disparités de mortalité selon les pays et les régions. La France enregistre, par exemple, quatre fois plus de morts que l'Allemagne, alors qu'elle compte 20 millions d'habitants de moins. Cette étude est la première à confirmer un lien de cause à effet.

Des mutations passées sous le radar ?

L'étude ayant été menée sur un échantillon très restreint, « il est très probable que la capacité du virus à muter a été largement sous-estimée », jugent les chercheurs. D'autant plus que les séquençages sont sujets à caution. Selon le Centre national de Bioinformation chinois, plus de 11.300 génomes de SARS-CoV-2 ont été séquencés dans le monde, contenant pas moins de 4.855 mutations. Le problème, c'est que la plupart de ces analyses résultent d'un séquençage simple, où chaque gène n'est lu qu'une seule fois, ce qui induit un taux d'erreurs important. Pour son étude, l'équipe chinoise a utilisé un système de séquençage sophistiqué, où chaque séquence est lue plus de 100 fois, ce qui a notamment permis d'identifier les nouvelles mutations.

Il reste toutefois difficile d'appréhender les effets de telle ou telle mutation sur la dangerosité du virus, car l'évolution de la maladie dépend en grande partie d'autres facteurs, comme l'âge du patient, les comorbidités, la génétique ou même le groupe sanguin. Ce que redoutent le plus les scientifiques, c'est que le virus accumule suffisamment de mutations pour compromettre la mise au point d’un vaccin. Pour le moment, aucune preuve d'un changement dans la biologie intrinsèque du virus n'a été apportée. Mais jusqu'à quand ?

Deux souches de Sars-CoV-2 circulent, et la plus virulente représente 70 % des infections

Article de Céline Deluzarche publié le 10/03/2020

Une équipe de chercheurs chinois a identifié deux types principaux de coronavirus Sars-CoV-2, responsables du Covid-19. La deuxième variante, mieux adaptée à la population humaine, serait plus contagieuse et plus virulente. Pas de quoi inquiéter les scientifiques cependant, qui travaillent toujours sur un vaccin.

Chaque année, le virus de la grippe est différent, ce qui oblige à développer un nouveau vaccin pour tenir compte des mutations subies par le virus. Faut-il craindre un tel scénario pour le Sars-CoV-2, responsable du Covid-19, alors que la course est engagée par les chercheurs du monde entier pour mettre au point un vaccin ? Nous n'en sommes pas encore là, mais des chercheurs chinois viennent de publier une étude montrant que deux types principaux de coronavirus circulent, ce qui expliquerait pourquoi certains cas sont beaucoup plus graves.

La souche d’origine supplantée par une souche plus virulente

Selon l'équipe de chercheurs, qui a publié ses travaux le 3 mars dans la revue National Science Review, le coronavirus se partage en deux types, L et S, qui se distinguent par leurs récepteurs de surface, par lesquels les virus s'arriment et pénètrent dans les cellules humaines. Le type S, à l'origine de l'épidémie, aurait peu à peu été supplanté par le type L, qui se serait adapté à l'espèce humaine en devenant plus virulent et plus contagieux. Ce dernier aurait pris le dessus sur le type S depuis janvier 2020, au fur et à mesure que la pression sélective augmentait sur le type S. À l'heure actuelle, le type L représente 70 % des cas contre 30 % pour la souche S. Cette dernière serait pourtant en résurgence, car provoquant des symptômes moins sévères, elle est moins bien repérée.
 

Un virus qui mute en permanence

Rien de bien étonnant à tout cela : les virus mutent en permanence pour s'adapter à leur hôte et à l'environnement. C'est ce que l'on appelle le « polymorphisme nucléotidique » (ou SNP pour Single Nucleotide Polymorphism), une mutation qui diffère par un seul nucléotide sur une paire de base. Et comme le Sars-Cov-2 est un virus à ARN, il a tendance à muter facilement. Les chercheurs chinois ont d'ailleurs identifié 149 variantes mineures parmi les 103 génomes analysés. Ces différences peuvent expliquer en partie pourquoi certaines personnes sont plus atteintes que d’autres. Des chercheurs italiens avaient déjà remarqué que la version italienne du virus était différente de la version chinoise. Ces mutations restent pour l'instant largement insuffisantes pour parler de l'apparition d'un nouveau virus, qui serait insensible contre un futur vaccin contre le Sars-CoV-2.

Le virus a-t-il muté en Iran ?

Certains soupçonnent cependant des mutations de plus grande ampleur. C'est par exemple le cas en Iran, où le taux de mortalité semble particulièrement élevé (5,5 % contre 2 à 3 % dans la population générale). Un pneumologue iranien, cité par L’Express, se dit ainsi « interloqué » par le caractère agressif de la maladie. « J'ai l'impression qu'en plus du coronavirus, les patients sont touchés par une sorte de myocardite [inflammation du muscle cardiaque] virale, car l'attaque contre le cœur paraît particulièrement forte et rapide », relate le médecin. D'autres professionnels confirment que le virus paraît ici plus virulent. Mais est-ce parce qu'il a muté, où à cause de l'impréparation des autorités sanitaires ? Dans le doute, l'OMS a envoyé une équipe en Iran, qui devrait être sur place la semaine prochaine.

Ce qui est certain, c'est que plus le virus circule, plus il a de chances de muter en passant d'un individu à l'autre. D'où les efforts pour contenir au maximum l'extension de l'épidémie.