En juin dernier, le Conseil d’orientation des retraites – COR – estimait que le déficit des caisses de retraite serait de près de 30 milliards en 2020.
Dans une nouvelle évaluation publiée ce 14 octobre, il estime que le trou pourrait être un peu moindre, de 25,4 milliards. Mais les nouvelles mesures de semi-confinement pourraient l’aggraver sérieusement. Et d’ores et déjà, le COR admet que le déficit se poursuivra durablement pour passer à un solde négatif de − 10,2 milliards d’euros en 2021 et à − 13,3 milliards d’euros en 2024 !
Une telle catastrophe n’existerait pas avec un système de capitalisation car les baisses parfois brutales de la bourse et de l’immobilier sont davantage des chutes toujours provisoires de capitalisation que des revenus ; et par définition les caisses de capitalisation ont des réserves que n’ont pas les caisses de répartition qui vivent au jour le jour ou presque.
Il n’y aura donc que deux solutions de court terme pour le gouvernement : repousser l’âge de départ à la retraite ou réduire encore les pensions. Et comme on sait déjà que les syndicats protesteront contre toute mesure liée à l’âge, on peut deviner que les retraités trinqueront une fois de plus.
Pour immoler une fois encore les retraités telles des victimes impuissantes sur l’autel de l’incurie du système de retraite par répartition, le concert de la rengaine égalitariste s’agitera à coup sûr et clamera, comme à l’habitude, que de toutes les façons, c’est justice de faire payer les vieux disposant d’un niveau de vie supérieur à la moyenne des Français. Ce qui est une argumentation spécieuse qu’il faut démonter.
Certes, le COR a établi que le niveau de vie moyen de l’ensemble des retraités représentait 105 % du revenu de l’ensemble de la population française, c’est-à-dire de 5 points supérieurs. Autrement dit, quand le revenu moyen est de 100 par Français, un retraité, lui, percevra un revenu de 105.
Le niveau de vie médian des retraités vivant en France métropolitaine s’élève à 21 150 euros annuels, soit environ 1760 euros par mois. Il est légèrement plus faible dans l’ensemble de la population : 20 300 euros annuels, soit environ 1690 euros par mois.
Mais les retraités ne sont pas gagnants du fait de leur retraite. Ils ont des revenus et un capital plus élevés en moyenne que les jeunes générations parce que c’est le mouvement naturel de la vie.
L’Insee (Les Séniors, 2018) observe à juste titre que
« Le montant de patrimoine détenu par un ménage est fortement lié à sa position dans le cycle de vie. Presque nul avant 30 ans, le niveau de patrimoine moyen augmente ensuite avec l’âge jusqu’à 60 ans, voire 70 ans selon les générations , grâce à l’épargne et aux héritages.
En fin de cycle de vie, les ménages ont tendance à désépargner, avec comme objectif de lisser leur niveau de consommation au cours de leur existence ou de transmettre de façon anticipée une partie de leur patrimoine via des donations.
Ce processus de désaccumulation arrivant tard dans le cycle de vie, les seniors détiennent en moyenne davantage de patrimoine que les personnes d’âge actif et sont en particulier plus souvent propriétaires de leur résidence principale. »
Au contraire, le départ en retraite réduit le niveau de vie par rapport aux dernières années professionnelles. La pension nette moyenne en 2018 représente 64,2 % du revenu d’activité net moyen des personnes en emploi au cours de l’année.
Dans une étude publiée en février 2020 sur les évolutions du niveau de vie contrastées au moment du départ à la retraite, l’INSEE montre que le départ en retraite réduit le niveau de vie de 7,9 % ; la baisse étant plus forte pour les hommes (9,1 %) que pour les femmes (6,9 %).
En moyenne, seul le niveau de vie des 20 % de personnes les plus modestes augmente après leur départ à la retraite, et le nombre de retraités en dessous du seuil de pauvreté est moindre que chez les actifs, notamment parce que les revenus de la retraite sont stables et que ces personnes ne connaissent plus alors de baisses de revenus parfois chroniques dues au chômage total ou partiel.
Mais c’est l’inverse pour 80 % des retraités et en particulier pour les plus aisés. La retraite égalise donc les conditions. Selon l’Insee :
« Le niveau de vie moyen des 10 % des personnes les plus aisées, qui était 8,9 fois plus élevé que celui des 10 % des personnes les plus modestes trois ans avant le départ à la retraite, ne l’est plus que de 3,8 fois trois ans après le départ à la retraite ».
De même, le niveau de vie moyen diminue de 11 % pour les plus diplômés.
Si certains retraités maintiennent leur niveau de vie, c’est en continuant à travailler : un an après le départ à la retraite, 30 % des nouveaux retraités perçoivent des revenus du travail, mais seulement 15 % trois ans après leur départ. Ces revenus sont souvent faibles.
Et si en moyenne, les ménages de retraités ont un niveau de vie plus élevé que la population alors qu’ils ont des revenus en baisse, c’est parce qu’ils n’ont plus d’enfants à charge, le niveau de vie étant calculé en fonction de la composition du foyer.
La réalité est que leur niveau de vie diminue. Selon l’enquête de la Drees menée en 2020 sur les retraités et les retraites, la pension moyenne de droit direct tous régimes confondus des retraités résidant en France a baissé en 2018 de 1,1 % en euros constants par rapport à l’année précédente, du fait notamment d’une faible revalorisation des pensions, inférieure à l’inflation.
La pension nette moyenne a diminué, quant à elle, de 2,6 % en euros constants en raison notamment de la hausse de la CSG. Comme les prix ont globalement augmenté de 1,6 % entre décembre 2017 et décembre 2018, le pouvoir d’achat des pensions brutes déjà liquidées a diminué en 2018.
En outre, l’augmentation du taux de la CSG de 1,7 point (de 6,6 % à 8,3 %) a pesé sur le pouvoir d’achat des retraités concernés. Finalement, la pension nette moyenne a diminué de 3,0 % en euros constants, en 2018. La baisse s’est poursuivie depuis.
La solution de courte terme n’est donc que dans le relèvement de l’âge de la retraite, pas dans l’abaissement des retraites et le courage du gouvernement serait de passer outre les cris d’orfraie des syndicats à cet égard. À long terme, et plutôt que l’impossible et inutile réforme envisagée, il faudrait passer progressivement à la capitalisation.
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