Qu'avons-nous raté pour qu'un professeur, dans un collège paisible, soit un jour d'octobre décapité de sang-froid par un « réfugié »? Sans doute faut-il nous interroger sur notre politique migratoire. Sûrement aussi sur notre désamour de la France et de son histoire. Comment les immigrants et leurs enfants pourraient-ils aimer un pays que nous nous plaisons à dénigre
Quand il a rendu hommage à Samuel Paty dans son discours de la Sorbonne, le 21 octobre, M. Macron n'a eu de cesse d'exalter la république. Il a prêté au professeur martyr l'idéal de « faire des républicains ». Mais ce n'est pas avec cela que l'on va faire rêver les millions de jeunes Français et immigrants en quête d'identité...
Qu'est-ce qu'une république aujourd'hui ? Un État dont le chef n'est pas héréditaire. Un point, c'est tout. La France mais aussi le Mali, l'Algérie, la Tchétchénie, la Corée du Nord, la Chine populaire... sont des républiques. La Suède, la Norvège, le Danemark, l'Angleterre, l'Espagne... sont à l'opposé des monarchies. Les monarchies, qui se font rares, sont pour la plupart plus démocratiques et plus attirantes que l'immense majorité des républiques. À tout prendre, dans l'échelle de la démocratie, une monarchie parlementaire vaut mieux qu'une république autocratique.
Ce n'est donc pas en invoquant notre régime politique que nous inculquerons aux jeunes Français et immigrants le « désir de vivre ensemble » (dans cette expression d'Ernest Renan, c'est le mot « désir » qui est le plus important) mais en transmettant l'amour de la France, de ses habitants, ses paysages, ses lettres et ses arts, son histoire et ses héros. Y sommes-nous encore disposés ?
Quel homme politique osera écrire comme le général de Gaulle : « Ce qu'il y a, en moi, d'affectif imagine naturellement la France, telle la princesse des contes ou la madone aux fresques des murs, comme vouée à une destinée éminente et exceptionnelle » (Mémoires de guerre, L'Appel, Plon, 1954) ?
Quel enseignant osera reprendre l'injonction d'Ernest Lavisse : « Enfant, tu dois aimer la France, parce que la Nature l'a faite belle, et parce que l'Histoire l'a faite grande »... Lequel sera prêt à chanter Ma France avec ses élèves sans craindre de heurter les imams salafistes, les intellectuels de salon qui assimilent la France à un État raciste et pire que nazi, et les bourgeois qui vomissent les « gars qui fument des clopes et roulent au diesel » ?
Haine de soi, haine d'autrui
Le coup d'envoi au désamour de la France a été donné par la loi Taubira de 2001, votée par 81 députés. Cette loi truffée d'inepties et de contresens attribue aux seuls Européens le péché originel de l'esclavage. Elle fait fi de l'Histoire : l'esclavage est une réalité de tous les temps dont seule l'Europe occidentale en a été exempte pendant près d'un millénaire ; les peuples européens sont à ce jour les seuls à avoir milité pour l'abolition de l'esclavage ; le racisme anti-noirs est une invention de l'islam arabe reprise par les Étasuniens au XIXe siècle ; les États-Unis ont officialisé le racisme dès 1790 en réservant la citoyenneté aux free white persons (« personnes libres blanches ») mais la France, à la même époque, a accordé la citoyenneté à tous ses enfants y compris les « libres de couleur » des colonies ; jusqu'à la fin du XXe siècle, les noirs ont bénéficié en France métropolitaine d'un statut plus avantageux que nulle part ailleurs (en 1969, il s'en est fallu de peu qu'un homme de couleur, Gaston Monnerville, accède à l'Élysée).
Cela n'empêche bien sûr que, hors d'Europe, des Français ont participé à l'esclavage et la traite, obligeant le gouvernement de Louis XIV, pas raciste pour un sou, de limiter l'arbitraire des planteurs dans les îles lointaines. Plus tard, Bonaparte a dû lui-même rétablir l'esclavage dans ces îles pour préserver la paix qu'il venait de signer avec les Anglais à Amiens... Tout cela pour rappeler que l'action politique nécessite des compromis souvent douloureux et que l'on peut être conduit à regretter plus tard. C'est ce que nous enseigne l'Histoire et ce que nous essayons de transmettre sur Herodote.net.
Si l'enseignement de l'Histoire est nécessaire pour comprendre la nature humaine, ses ombres et ses lumières, la « mémoire » est quant à elle mortifère. Il y a 400 ans déjà, Henri IV l'avait compris quand, en signant l'Édit de Nantes pour mettre fin aux guerres de religion, il imposa l'amnistie générale, autrement dit l'« oubli », et énonça dans l'article I « Premièrement, que la mémoire de toutes choses passées d'une part et d'autre (...) demeurera éteinte et assoupie, comme de chose non advenue. Et ne sera loisible ni permis à nos procureurs généraux, ni autres personnes quelconques, publiques ni privées, en quelque temps, ni pour quelque occasion que ce soit, en faire mention, procès ou poursuite en aucunes cours ou juridictions que ce soit ».
Hélas, depuis la loi Taubira, chacun y est allé de son couplet pour accuser la France de tous les maux de la terre, y compris M. Macron qui, en déplacement en Algérie pendant la campagne présidentielle, en février 2017, osa affirmer à propos de la colonisation : « C'est un crime contre l'humanité. C'est une vraie barbarie et ça fait partie de ce passé que nous devons regarder en face en présentant aussi nos excuses à l'égard de celles et ceux vers lesquels nous avons commis ces gestes. »
Loin de nous l'idée de justifier la colonisation de l'Afrique. Celle-ci fut une erreur, voire une imbécillité de l'avis des libéraux et de la droite traditionnelle. Elle donna lieu à des abus et des crimes comme toutes les entreprises humaines. Mais à l'exception de l'Algérie, occupée pour des raisons de politique intérieure, elle fut conduite au nom de motifs humanitaires et dans le désir d'augmenter le prestige de la France, sans rien de commun avec les conquêtes et colonisations ordinaires, de l'extermination des Khoisans par les Bantous à la répression des Ouïghours par les Hans en passant par les guerres indiennes et l'oppression des Ottomans sur les peuples de leur empire.
Du ministre Jules Ferry à l'humanitaire Sophie Pétronin (l'otage du Mali libérée en octobre 2020), il y a une parfaite continuité dans le désir de « civiliser les races inférieures » et enseigner aux Africains les bonnes pratiques de la modernité qu'ils seraient incapables d'acquérir par eux-mêmes. On peut s'affliger de ce racisme plus ou moins bienveillant mais de là à qualifier la colonisation de « crime contre l'humanité » à l'égal de la Shoah, il y a un abîme d'indécence et l'on en perçoit aujourd'hui les conséquences dans la rage destructrice qui saisit toute une fraction de la jeunesse issue d'immigrants musulmans ou africains, qui n'a pas su ou n'a pas été incitée à s'assimiler par le travail et l'étude.
Le plus affligeant est le soutien que reçoivent ces jeunes de la part de militants et intellectuels mal inspirés par l'exemple étasunien. Il s'ensuit une avalanche de dénonciations surréalistes du « racisme d'État », des « crimes du passé », de l'« islamophobie » ou des « discriminations ».
La France, notre bien commun
Nous ne combattrons pas le « séparatisme » des immigrants nouvellement arrivés en discourant ad nauseam sur le fait religieux. L'islam et Mahomet ne sont que des prétextes invoqués par des personnes qui rejettent la France. Leur sentiment est plus sûrement nourri par le spectacle d'une classe dominante qui a elle-même fait sécession et se prépare à l'exil en adoptant la culture américaine et le globish (l'anglais d'aéroport) jusque dans les grandes écoles et les universités, en délocalisant ses impôts mais aussi nos usines et nos champions industriels (Sanofi, Lafarge, Alstom...), en asphyxiant les services publics par servilité à l'égard de Bruxelles, Berlin et Francfort, en saccageant notre patrimoine à coup d'éoliennes géantes et de centres commerciaux, en laissant brûler par négligence nos églises et nos cathédrales.
Si nous arrivons à ressouder la nation, alors nos enseignants pourront combler le besoin de tous les enfants d'aimer et d'être aimés. « Si le prof aime la France, ils aimeront la France. On ne peut transmettre que ce qu’on aime, écrit l'enseignant Jean-François Chemain (La Vie, 19 octobre 2020). Or, la honte de soi ne va pas leur faire aimer la France ». C'est là la clé du drame de Conflans-Sainte-Honorine.
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