Manque
de concertation, perturbation de l’écosystème, exclusion de zones de
pêche, problèmes économiques… Les marins-pêcheurs sont très inquiets de
l’implantation des futurs parcs éoliens offshore dans le milieu maritime
français. Pour l’instant, pas un seul des dix projets qui sont
planifiés le long des côtes françaises - certains depuis plus de dix ans
- n’a vu le jour.
Parmi eux, celui de Dieppe-Le Tréport concentre la
plus forte opposition de toute une profession, et bien au-delà, qui a
multiplié les recours en justice et les actions coup de poing. Dernier
événement en date: une quinzaine de chalutiers a, il y a un peu plus
d’une semaine, largué des projectiles sur un navire hydrographique venu
explorer les fonds marins dans le cadre de ce projet datant d’une
douzaine d’années.
«Dès le départ, le choix de la zone pour implanter les éoliennes n’était pas le bon,
rappelle Dimittri Rogoff, président du Comité national des pêches de
Normandie, région qui regroupe le plus grand nombre de projets français
(4 au total). Les promoteurs du parc, aujourd’hui EMDT- Énergie,
n’ont pas tenu compte de nos demandes. La zone qu’ils ont choisie pour
implanter ce parc d’une soixantaine d’éoliennes est très riche en
poissons, c’est par ailleurs une frayère qui risque d’être perturbée
avec l’installation des piliers en mer.»
«Nous
sommes au cœur d’une zone Natura 2000, composée de fonds sableux, d’une
profondeur comprise entre 20 et 40 mètres, très bonne pour les poissons
plats. Elle va être mise à mal par ce parc», ajoute Bruno
Dachicourt, secrétaire national des marins CFTC, également membre du
Conseil national mer et littoral. Sur le plan économique, les pêcheurs
redoutent la mise en cale sèche de leur navire et la suppression
d’emplois qui en résulterait. «Notre flottille, principalement
composée de bateaux côtiers, va être gênée par les éoliennes qui
représenteront autant d’obstacles supplémentaires. Autour desquels, qui
plus est, il y aura une zone d’exclusion de 500 mètres, sans oublier les
câbles de raccordement sous-marins, qu’il faudra éviter également, déplore Olivier Becquet, membre de la coopérative des pêcheurs du Tréport regroupant 75 bateaux. L’avenir
de nos 200 marins et, à terre, des 600 postes de travail indirects liés
à la pêche est en jeu, soit au total 800 emplois menacés.»
Ailleurs, les situations sont assez contrastées d’un projet à l’autre. «Pour
certains projets de parcs éoliens, comme celui de Saint-Nazaire - le
premier à partir en construction -, les relations avec la profession se
passent bien, relativise-t-on au Comité national des pêches, à Paris. Toutefois,
il ne sert à rien de multiplier les projets s’il n’y a pas,
préalablement, de retour d’expérience d’un parc opérationnel pour
connaître l’impact sur l’environnement, les ressources halieutiques ou
encore l’organisation de la sécurité en mer.»
Concertation publique
D’autant
que le contexte évolue. Depuis l’apparition des premiers projets, le
réchauffement climatique a entraîné une migration des stocks et
transformé des zones, autrefois peu exploitées par les pêcheurs, en
lieux très productifs pour la pêche. Avec des couloirs de migration pour
certaines espèces, comme l’araignée de mer au large de Saint-Brieuc, en
Bretagne Nord. Là, un projet éolien offshore
suscite le mécontentement des pêcheurs et riverains. En outre, le
Brexit et les restrictions possibles des zones de pêche britanniques qui
en découleraient, ainsi que les incertitudes liées au Covid-19, rendent
l’acceptabilité des projets offshore aujourd’hui plus difficile.
Néanmoins certains marins-pêcheurs ne veulent pas être résignés.
«Au
lieu de percevoir l’éolien offshore comme une contrainte, voyons-le
comme une opportunité pour notre secteur et, plus largement, pour notre
pays. La France, avec le plus grand domaine maritime au monde, peut
devenir leader européen sur l’éolien flottant, dont les conséquences
pour les pêcheurs sont moindres, insiste Olivier Le Nezet, président du comité régional des pêches maritimes de Bretagne. Plutôt que d’être spectateurs d’un mouvement inéluctable, soyons des acteurs force de propositions.»
Une concertation publique vient d’être lancée en Bretagne Sud sur un
parc éolien flottant d’une vingtaine de mâts, au sud de l’île de Groix
et à l’ouest de Belle-Île-en-Mer.
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