«Vous voulez voir à quoi ressemble une boîte déserte ? »
Yeux bleus perçants et petite doudoune sous sa veste marine, Barnabé
Wayser, PDG de Guard industrie, déambule dans les locaux vides de la PME
familiale spécialisée dans la fabrication et l'application de produits
qui protègent les matériaux contre les infiltrations d'eau, les
salissures et les graffitis. Ses hydrofuges pour les murs et les toits
et sa lasure colorée pour les structures en béton sont très prisés, même
à l'international.
Dans l'entrepôt de 2 500 mètres carrés de Montreuil, à l'est de Paris, ils ne sont plus que cinq à travailler avec le patron, contre une trentaine d'habitude : administrateur des ventes, magasinier, responsable du dépôt, chef de la logistique et responsable de l'e-commerce. « Arrêt maladie, chômage partiel… Nous avons discuté avec chacun des employés de la meilleure option. Pour le télétravail, nous étions très peu digitalisés, donc nous avons dû acheter des ordinateurs, augmenter le débit des réseaux et le stockage cloud. Cette crise nous rappelle qu'il faut savoir prendre rapidement des décisions et constamment se réinventer », considère Barnabé Wayser.
Dans l'entrepôt de 2 500 mètres carrés de Montreuil, à l'est de Paris, ils ne sont plus que cinq à travailler avec le patron, contre une trentaine d'habitude : administrateur des ventes, magasinier, responsable du dépôt, chef de la logistique et responsable de l'e-commerce. « Arrêt maladie, chômage partiel… Nous avons discuté avec chacun des employés de la meilleure option. Pour le télétravail, nous étions très peu digitalisés, donc nous avons dû acheter des ordinateurs, augmenter le débit des réseaux et le stockage cloud. Cette crise nous rappelle qu'il faut savoir prendre rapidement des décisions et constamment se réinventer », considère Barnabé Wayser.
Depuis le début de l'année, l'épidémie de
coronavirus a réduit considérablement le chiffre d'affaires de
l'entreprise, qui était de 15 millions d'euros en 2019. Les chantiers
sont à l'arrêt. La société, qui a par exemple travaillé sur la Rose des
sables en béton de Jean Nouvel, au Qatar,
doit attendre la reprise - pas avant plusieurs semaines - des grands
projets auxquels elle participe : les travaux du quartier de La
Part-Dieu à Lyon, l'extension de l'aéroport de Roissy ou encore la construction de la manufacture de béton blanc de Chanel, à Aubervilliers.
Trésor de guerre. «
Normalement, mars et avril représentent notre haute saison, car la
météo est idéale pour appliquer nos produits après les mois de mauvais
temps. Aujourd'hui, c'est très tendu au niveau de la trésorerie. Nous
avions procédé à de gros achats de matières premières en début d'année,
nous misions sur 20 % de croissance cette année. Nous prévoyons
désormais une chute de 5 % de notre activité », déclare le
président de Guard industrie. Outre la distribution aux surfaces de
ventes qui rouvrent progressivement, comme Point P ou Bricorama, le
commerce électronique permet de limiter la casse. Les ventes par
Internet ont bondi de « 300 à 400 % ». À tel point que Sinisa
Jovanovic, responsable de l'e-commerce, doit enfiler une paire de gants
pour conditionner lui-même les commandes prises sur Internet par les
particuliers. « Ce qui est très dur, c'est le bouleversement de tout
l'écosystème logistique. Par exemple, plus aucun transporteur ne veut
livrer en Haute-Savoie, car c'est l'un des épicentres de l'épidémie en
France », explique-t-il en transvasant des produits d'une citerne à des petits bidons.
La PME a renégocié ses lignes de crédit court et
moyen termes avec ses banques (HSBC, Société générale et BPI) pour tenir
pendant le confinement et repartir ensuite. « Elles nous
soutiennent. Mais les taux de notre emprunt pour notre futur centre de
production et notre plateforme logistique de Toulouse seront plus élevés
que prévu », confie Barnabé Wayser. Heureusement, Guard industrie dispose d'un petit trésor de guerre. «
Nous pouvons tenir un mois et demi. Nous ne sommes pas les plus mal
lotis par rapport à l'hôtellerie et la restauration, qui ont enchaîné
les Gilets jaunes, la grève et maintenant, le coronavirus »,
souffle le patron. Midi approche, il doit nous quitter pour animer une
cellule de crise sur Skype avec ses cadres. Au menu : point sur les
ressources humaines, l'administratif, l'état des finances et de la
trésorerie, les relances clients et le paiement des fournisseurs.
Thermomètres infrarouges. De
l'autre côté de Paris, la crise affecte moins la société Malhia Kent,
installée dans un bel hôtel particulier de Neuilly-sur-Seine. Eve
Corrigan, PDG du fabricant de tissus haut de gamme, enfile un masque
blanc pour nous recevoir au milieu des métiers à tisser et des bobines
de fils colorés. Très à cheval sur la protection de ses salariés, elle a
obligé le journaliste et le photographe du Point à venir
masqués et a affiché à tous les étages les normes sanitaires à
respecter. Dès la fin janvier, elle a acheté des thermomètres
infrarouges et des litres de gel. Malhia Kent, qui emploie 35 salariés
et réalise 10 millions d'euros de chiffre d'affaires, a vu ses commandes
doubler ces dernières semaines. « Nos concurrents qui achetaient
moins cher en Chine ou aux Italiens sont soit fermés, soit en chômage
partiel. Nos clients, les grandes marques de luxe, se sont aperçus
qu'ils ne recevaient plus que nos livraisons. Si nous avons pu rester
ouverts, c'est que nous avons l'avantage de faire du 100 % made in
France et tissu écolo, et de disposer de 900 tonnes de fils stockés.
Après cette crise, beaucoup vont sûrement nous copier et revenir
produire en France », observe Eve Corrigan. Malhia Kent a un autre atout : «
Avoir informatisé un maximum de tâches techniques à la manière d'Ikea,
ce qui rend le télétravail facile, sauf pour la création, qui doit se
faire sur place. »
La PDG fulmine contre le manque d'anticipation et de clarté du gouvernement. «
Après le discours d'Emmanuel Macron qui a annoncé que l'État paierait
tous les arrêts maladie et le chômage partiel, j'ai dû rattraper un à un
mes salariés pour qu'ils reviennent travailler. Le chômage partiel
n'est prévu que pour les sociétés en perte d'activité, ce qui n'est pas
notre cas. Certains ont cru qu'ils étaient en vacances et ont même signé
leur arrêt maladie depuis Saint-Tropez ! » s'agace-t-elle. Pour sauver la France,il
faut que les entreprises puissent tourner. D'un point de vue sanitaire,
il faut d'abord des tests comme en Allemagne. Ce sont les malades qu'il
faut confiner, pas les personnes bien portantes. Au lieu d'aller
pique-niquer au bois de Boulogne ou de faire du jogging, elles seraient
plus utiles à travailler. C'est le seul moyen de préserver le futur de
nos familles et d'éviter une famine. » Pour Eve Corrigan, «
l'après-crise risque d'être plus catastrophique pour le pays que
l'épidémie elle-même. Il va y avoir beaucoup de morts économiques. »
Gestion longue. Située
à la pointe du Finistère, Hénaff, connue pour sa petite boîte de pâté,
n'en est pas à sa première crise. L'entreprise centenaire a survécu à la
Première Guerre mondiale, quand elle livrait des légumes et des
conserves aux soldats. « Après la sidération, nous entrons dans une phase de gestion longue de la crise »,
résume Loïc Hénaff, PDG de l'entreprise (45 millions de chiffre
d'affaires). Les ventes de conserves et de saucisses fraîches pour les
grandes et moyennes surfaces ont bondi, tandis que les commandes à
l'export et celles de la restauration ont été annulées ou reportées. La
chaîne d'approvisionnement avec la quinzaine d'éleveurs fonctionne
normalement, tout comme la ligne d'abattage. Sur les 280 salariés des
trois sites du groupe, 70 se sont convertis au télétravail et 120
occupent leur poste de production. La société bretonne va recourir à des
mesures de chômage partiel, mais pas aux heures supplémentaires. «
Si l'on doit fonctionner en mode dégradé jusqu'à début mai, il faut
préserver les forces. C'est un marathon où il va falloir tenir », avance Loïc Hénaff§
Source lepoint.fr par Olivier Ubertalli
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