tout en prenant en compte le fait que chacun de ces récits "a sa part de plausibilité".
"Les mettre toutes les unes à côté des autres, ça permet de voir la multiplicité des trajectoires possibles : il y a différentes façons d'organiser la société"Se disant d'un naturel optimiste, il dit croire en un mouvement "vers une forme de socialisme démocratique qui est en route", malgré un coup d'arrêt dans les années 80 et 90 avec l'effondrement de l'URSS. "Avec 30 ans de recul sur ce mouvement, il est temps de faire le point sur ce qu'il s'est passé dans les années 80 et 90, et de redéfinir une forme de dépassement du capitalisme et de la propriété privée", auquel on a "arrêté de réfléchir pendant 20 à 30 ans".
Il explique ainsi que le capitalisme a pu survivre à la crise de 2008 parce que les esprits n'étaient pas encore murs pour un changement de modèle. Or, "on a sorti un joker qui était les banques centrales, qui ont permis d'éviter un cataclysme du type de celui des années 30, mais on ne peut pas résoudre tous les problèmes du monde simplement avec des institutions comme les banques centrales".
La principale proposition de Thomas Piketty est de dépasser le régime de la propriété privée, remplacée par la propriété sociale et temporaire : "La propriété sociale serait d'abord l’implication des salariés dans la répartition du pouvoir, notamment au sein des entreprises", explique-t-il, citant des pays où les entreprises accordent une partie du pouvoir de décision aux salariés. "On peut partir de ces expériences historiques en donnant 50% du droit de vote aux salariés, et par ailleurs aller plus loin en plafonnant le droit de vote des gros actionnaires".
"La propriété temporaire, c'est le fait de dire qu'on ne peut pas accumuler indéfiniment des détentions avec des zéros qui s'accumulent : ça n'est pas utile pour la société", précise-t-il. Cela passerait notamment par un impôt sur la propriété qui taxerait jusqu'à 90% les multimillardaires. Thomas Piketty cite l'exemple des États-Unis de Roosevelt où une telle mesure était en vigueur : "Le taux de croissance par habitant était alors deux fois plus fort".
'L'objectif, c'est de permettre que chacun ait accès à la propriété"L'économiste précise que cela n'empêche pas d'avoir quelques millions d'euros de propriétés, mais évoque le "raisonnable" qui devra être fixé par la loi : "Mon travail, c'est d'essayer de participer à cette construction de connaissances partagées sur la base d'expériences historiques, où l'on constate que quand on a trois individus qui ont 300 milliards à eux trois, est-ce que le monde y a gagné ? Non. On a besoin de faire circuler le pouvoir".
Interrogé enfin par un auditeur sur la question de l'écologie, il assure que "si l'on veut résoudre le défi climatique, on a besoin de dépasser le capitalisme et d'aller vers une très forte réduction des inégalités" :
"On ne peut pas imaginer que les classes populaires acceptent de changer drastiquement leur mode de vie pendant que les plus riches continuent de polluer dans des proportions extrêmement importantes""Si vous n'avez pas une justice de ce point de vue-là, on ne va pas y arriver", dit-il, tout en mettant en garde contre une instrumentalisation du discours écologique qui ne lie pas les actes aux paroles : "On se retrouve dans une situation où la moitié d'EELV a rejoint LREM pour supprimer l'impôt sur la fortune".
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