21/01/2024

Afghanistan : En pleine crise humanitaire, l'ONU a peine à réunir des fonds

Après l'attaque de la Russie contre l'Ukraine, le 24 février 2022, l'ONU était déjà bien en peine de mobiliser la communauté internationale pour venir en aide à une population afghane confrontée à une grave crise humanitaire, six mois après le retour au pouvoir des Talibans. Celle du Hamas contre Israël, le 7 octobre 2023, a encore davantage détourné l'attention des pays donateurs des souffrances d'un pays banni de la scène internationale depuis que ses dirigeants islamistes ont décidé de priver les femmes d'accès au savoir, au travail et à l'espace public. Début 2024, selon le Programme alimentaire mondial (PAM), « malgré l'ampleur des besoins, l'appel de l'ONU pour 3,2 milliards de dollars [2,9 milliards d'euros] n'était financé qu'à 40% en décembre.

Cet hiver, dit le PAM, « les dons se sont effondrés en raison de la multiplication des crises sur la planète ». Résultat, l'organisation n'est aujourd'hui en mesure de fournir d'aide alimentaire qu'à six millions de personnes sur les 15,8 millions d'Afghans et d'Afghanes ayant besoin d'assistance. Près de trois millions d'individus, souvent des enfants, sont considérés comme étant en état d'urgence alimentaire. « Dix millions de gens vont donc devoir survivre sans assistance », assure le PAM, dans un pays où 85 % de la population vit avec moins d'un dollar par jour. L'Afghanistan compte près de 38 millions d'habitants, selon la Banque mondiale.

Destructions après trois séismes

Le PAM fournit 90 % de l'aide alimentaire à l'Afghanistan – souvent de la farine, de l'huile et des lentilles – et peut verser aux plus nécessiteux l'équivalent de 240 euros par mois. Mais ces mesures pour endiguer une catastrophe humanitaire pèsent peu au regard des prévisions faites par le Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires, qui a déclaré, vendredi 19 janvier, qu'« en 2024, les partenaires humanitaires ont déjà identifié la gravité des besoins dans chaque région de l'Afghanistan ».

Pour ne rien arranger, l'Afghanistan doit supporter d'autres calamités qui viennent alourdir son fardeau. Trois séismes ont détruit ou rendu inhabitables, depuis octobre 2023, 31 000 habitations dans la région d'Herat, dans l'ouest du pays. Près de 1 500 personnes ont perdu la vie, principalement des femmes et des enfants, et 150 000 autres tentent de survivre. Des dizaines de milliers d'Afghans dorment encore sous des tentes alors qu'un froid glacial sévit dans le pays. L'extrême pauvreté touche les zones rurales et urbaines.

Autre facteur aggravant, près d'un demi-million d'Afghans ont été chassés ces derniers mois du Pakistan, où ils vivaient parfois depuis des années, Islamabad ne souhaitant plus avoir à assumer le poids économique de ces réfugiés. Leur prise en charge se répartit entre le PAM, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés et les autorités talibanes.

« Ils sont revenus au pire moment de l'année », dit le PAM, qui remet cinquante kilos de farine, six kilos de haricots rouges, cinq litres d'huile et une livre de sel pour une famille de sept personnes. Plus de 280 000 d'entre eux ont déjà reçu une aide alimentaire et en espèces du PAM. Le gouvernement taliban verse un modeste pécule lors de leur passage à la frontière.

« Après une année de déficit massif de financement, le PAM ne peut qu'aider les familles les plus désespérées à survivre à l'hiver avec un minimum de nourriture », relève l'ONU, qui constate, comme l'ensemble des acteurs humanitaires, que le rude hiver afghan sera dur à traverser pour la population.

Enfin, un autre fléau menace dans un proche avenir : le manque d'eau. « Pour l'heure, il a très peu neigé, témoigne un cadre de l'ONU en poste à Kaboul et joint par Le Monde, cela veut dire que l'eau va manquer dans tout le pays, aggravant les risques de sécheresse et donc de famine pour les plus pauvres. »

Confrontées à des dilemmes insolubles, les familles doivent choisir entre chauffer leur maison et nourrir leurs enfants. Selon l'ONU, quatre millions de mères et d'enfants souffrent, aujourd'hui, de malnutrition. Peu à peu, témoignent les agents humanitaires sur le terrain, les rations et la fréquence des repas diminuent, les adultes se privent pour leurs enfants, s'endettent, puis ces derniers sont envoyés travailler dans la rue ou, dans certains cas, sont vendus pour permettre au reste de la famille de survivre.

D'après Kanni Wignaraja, directrice régionale du Programme des Nations unies pour le développement pour l'Asie et le Pacifique, le produit intérieur brut réel de l'Afghanistan a diminué de 29 % depuis 2020, et il continue à baisser. « On estime, dit-elle, que les restrictions des droits des femmes ont à elles seules causé une perte économique comprise entre 600 millions et 1 milliard de dollars. »

Source Le Monde Jacques Follorou

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