À la fois polyvalent et abondant, l’hydrogène pourrait largement aider le monde à atteindre ses objectifs climatiques. Il fait déjà partie des huit scénarios de zéro émission nette identifiés par la Commission européenne pour 2050.
Il est en passe de devenir l’une des sources d’énergie les plus utilisées et les plus polyvalentes, d’autant que les gouvernements et le secteur privé intensifient leurs investissements en la matière. Selon le cabinet d’études Wood Mackenzie, d’ici 2050, l’hydrogène à faible teneur en carbone représentera 7% de la demande mondiale d’énergie finale, la demande globale passant d’un niveau presque nul aujourd’hui à 211 millions de tonnes métriques d’ici 2050.
L’hydrogène peut également jouer un rôle important dans la sécurité énergétique et la croissance économique, notamment à l’heure où les nations du monde entier cherchent à s’affranchir des approvisionnements étrangers en pétrole et en gaz. La guerre en Ukraine et la dépendance des nations européennes vis-à-vis de l’énergie russe ont clairement mis en évidence cette réalité. En effet, selon de nombreux observateurs, l’invasion de l’Ukraine par la Russie pourrait en fin de compte accélérer la transition énergétique, car de plus en plus de pays cherchent à réduire leur dépendance à l’égard du gaz russe.
La Commission européenne a récemment publié un nouveau plan qui a pour objectif d’éliminer progressivement la dépendance à l’égard des combustibles fossiles russes, avec l’« hydrogène renouvelable » comme clé de voûte de cet effort. La proposition vise à encourager le recours aux énergies renouvelables et à quadrupler les objectifs actuels en matière d’approvisionnement en hydrogène vert d’ici à 2030, dans le cadre d’une stratégie destinée à réduire de deux tiers la dépendance de l’UE vis-à-vis du gaz russe d’ici à la fin de l’année.
L’essor des initiatives ESG (Environnement, Social et Gouvernance) et la pression exercée par les clients du monde entier en faveur d’une planète plus durable sont autant d’éléments favorables à l’hydrogène vert et bleu. Des grands détaillants aux géants de la technologie en passant par les leaders du transport, les entreprises s’engagent à réduire les émissions de leurs chaînes d’approvisionnement, de sorte que l’adoption de l’hydrogène se justifie également d’un point de vue économique.
Trois étapes pour un avenir sous le signe de l’hydrogène
Nous sommes encore à l’aube de l’économie fondée sur l’hydrogène. Mais alors que le monde continue de chercher des solutions innovantes pour lutter contre le changement climatique, l’hydrogène se révèle être une source d’énergie viable et un moteur de la croissance économique. Pour généraliser son utilisation, trois éléments sont nécessaires : une offre plus abondante au travers de la production, une infrastructure viable pour le transport et un prix plus bas pour l’utilisation finale. Jetons un coup d’œil à chacun d’entre eux.
- Une offre et une production accrues
Le premier volet consiste à accroître l’offre et la disponibilité de l’hydrogène « bleu » et « vert ». Aujourd’hui, une grande partie de l’hydrogène utilisé est de l’hydrogène « gris », qui est la forme affichant le plus fort taux de carbone. Il est produit à partir de combustibles fossiles sans recours aux technologies de réduction de dioxyde de carbone (CO2), ce qui signifie que du CO2 est émis au cours de sa production.
La production d’hydrogène vert s’appuie sur de l’électricité renouvelable pour séparer les molécules d’hydrogène des molécules d’oxygène dans l’eau, grâce à un processus appelé « électrolyse ». Plus durable, il ne requiert pas de sous-produit constitué de CO2 nuisible à l’environnement, et l’électricité nécessaire à sa mise en œuvre provient de sources renouvelables, telles que l’énergie solaire et éolienne. Toutefois, des investissements importants doivent encore être réalisés pour augmenter considérablement l’offre d’hydrogène vert sans émissions et réduire son coût de production.
L’hydrogène « bleu » est également dérivé du gaz naturel mais, contrairement à l’hydrogène gris, ses émissions de carbone sont capturées et stockées en toute sécurité dans les profondeurs de la terre, ce qui réduit considérablement les émissions de CO2 par rapport à celles associées à l’hydrogène gris. L’hydrogène bleu est une technologie de transition essentielle pour parvenir à l’hydrogène « vert », la plus propre de toutes les formes d’hydrogène. Elément clé de la décarbonation à grande échelle, cette technologie est déjà disponible aujourd’hui.
- Les infrastructures sont essentielles
La deuxième composante essentielle pour une utilisation massive de l’hydrogène réside dans la construction de l’infrastructure nécessaire en amont et en aval pour transporter, stocker et livrer efficacement l’hydrogène lui-même, à savoir les tuyaux, les réservoirs et les pompes. Outre la production d’hydrogène bleu et vert en quantité suffisante, il sera essentiel de concevoir des installations et des pipelines permettant de stocker et de livrer cette ressource en toute sécurité.
Cela prendra du temps. Pour atteindre la portée commerciale et industrielle que l’on attend de l’hydrogène, les industries doivent donner la priorité aux solutions qui réduisent les émissions dès maintenant, tout en mettant en place l’infrastructure nécessaire pour pouvoir utiliser l’énergie renouvelable issue de l’hydrogène à l’avenir. Selon un rapport récent de la Commission sur les transitions énergétiques, la décarbonation des industries mondiales par l’hydrogène pourrait nécessiter un investissement de près de 15 000 milliards de dollars au cours des 30 prochaines années. Selon l’étude, environ 85 % des investissements nécessaires seraient consacrés à la production d’électricité, tandis que les 15 % restants seraient affectés aux installations de production d’hydrogène ainsi qu’au transport et au stockage.
Le développement d’un écosystème autonome sera un facteur déterminant pour la mise à l’échelle de l’hydrogène vert. Pour ce faire, différentes organisations issues de nombreux secteurs d’activité devront œuvrer à la réalisation d’un objectif commun. Tous les stades de la chaîne de valeur sont concernés, de la production en amont à la séquestration en aval, en passant par toutes les phases intermédiaires, au sein desquels les nombreuses parties prenantes contribueront chacune à leur manière à la mise en place d’une économie de l’hydrogène autonome.
- Les mesures incitatives favoriseront l’adoption
Le troisième ingrédient nécessaire à l’utilisation de l’hydrogène à grande échelle relève d’incitations telles que des allégements fiscaux, destinés à stimuler l’économie de l’hydrogène et à réduire les coûts initiaux. Alors que les compagnies d’électricité et de gaz envisagent de plus en plus d’accroître leurs investissements dans l’hydrogène à faible teneur en carbone, le prix élevé des technologies et des équipements actuels nécessaires à la production d’hydrogène bleu et vert demeure une entrave majeure et pourrait limiter sa progression.
Outre Atlantique, les États-Unis ont déjà proposé une législation qui prévoit un crédit d’impôt pour la production d’hydrogène sans émission ou à faible émission de carbone, afin de stimuler les investissements en la matière. Pour que ce vecteur d’énergie renouvelable prenne véritablement son envol, cette législation doit être dupliquée par les gouvernements du monde entier. La viabilité commerciale doit être démontrée pour que les entreprises adoptent l’hydrogène comme source d’énergie renouvelable.
Le chemin à parcourir
Les énergies durables sont essentielles si nous voulons affronter et surmonter la crise climatique mondiale qui se profile. Mais nous devons agir dès maintenant.
Alors que les organisations sont de plus en plus nombreuses à mettre en œuvre des stratégies « zéro émission » pour mieux atteindre les objectifs climatiques fixés à l’échelle mondiale, l’hydrogène s’impose comme une composante essentielle de ces initiatives. Néanmoins, nous n’en sommes qu’au début du voyage. Le chemin qui mène à une consommation nette nulle est long et complexe. Le rôle de l’hydrogène et de la séquestration du carbone, ainsi que leurs multiples applications, ne sont pas encore largement connus ou acceptés par tous.
La bonne nouvelle est que l’hydrogène existe partout autour de nous. C’est l’élément le plus abondant dans l’univers [mais dont la molécule utilisée industriellement et dont il est question ici, le dihydrogène, est presque absente à l’état naturel sur Terre, imposant d’utiliser de l’énergie pour le produire, NDLR] . Nous devons simplement développer des moyens de l’utiliser de manière économique et efficace. Il est encourageant de constater que le monde se dirige désormais dans cette direction et qu’il existe de nouvelles technologies sur le marché pour aider les industries, où qu’elles se trouvent, dans leur quête de durabilité.
La version originale de cet article a été publiée sur Le Monde de l'Energie.
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