11/10/2022

Guillaume Tabard: «La France qui bloque contre la France qui bosse»

lefigaro.fr 
CONTRE-POINT - Le pari de la gauche est simple: qu’un conflit long et paralysant provoque une exaspération des usagers et que celle-ci alimente un mécontentement général.

Clémentine Autain l’avait dit sans détour à la veille des législatives: faute de majorité à l’Assemblée, la Nupes chercherait à obtenir dans la rue les victoires qu’elle n’aurait pas obtenues dans les urnes. Jean-Luc Mélenchon a beau vibrer au souvenir du peuple parisien ramenant de force Louis XVI, sa femme et son fils à Paris - plantant au passage sur des piques la tête de deux gardes du roi -, il n’est pas sûr que sa «marche contre la vie chère et l’inaction climatique», fasse vaciller le pouvoir macronien.

Mais l’insurrection ne se fait pas uniquement par la manifestation, elle se prépare aussi par les blocages. Et le leader Insoumis qui pestait contre une CGT refusant d’appeler à sa marche du 16 octobre a tout lieu de se réjouir des grèves «préventives» décrétées par la même CGT dans les raffineries. Seul compte pour Mélenchon que le gouvernement soit mis en difficulté par ce mouvement social.

C’est une bataille de l’opinion qui est lancée. Sur le fond, il est vrai que le pouvoir exécutif ne peut pas grand-chose sur des négociations salariales dans une entreprise privée. Mais dès lors qu’une partie de la population est touchée dans sa vie quotidienne et professionnelle, le sujet devient politique. Lionel Jospin, qui avait nommé Mélenchon ministre, avait raison de dire que «l’État ne peut pas tout». Mais dès lors qu’il y a menace de blocage, c’est spontanément du gouvernement que l’opinion attend une solution.

C’est le pari de la gauche: qu’un conflit long et paralysant provoque une exaspération des usagers et que celle-ci alimente un mécontentement général. Qu’une pénurie à la pompe engendre une colère sociale comme la taxe carbone avait donné naissance aux «gilets jaunes». D’ailleurs en 2010, c’est par une grève dans les raffineries que la CGT avait tenté, en vain, de faire plier Nicolas Sarkozy sur sa réforme des retraites.

Bataille de l’opinion

Pour le gouvernement, c’est donc une course contre la montre qui est engagée, car quelles que soient ses explications, un enlisement est toujours l’aveu d’une impuissance. Mais surtout, lui aussi peut remporter la bataille de l’opinion. Si les Français sont parfois enclins à ce qu’on appelle la «grève par procuration», ils refusent les blocages et, a fortiori, la violence. Lorsque le mouvement des «gilets jaunes» avait basculé dans la brutalité (l’Arc de triomphe, les affrontements avec la police), le gouvernement Philippe avait réussi à incarner le «parti de l’ordre». La carte de la fermeté, via des réquisitions, pourrait tourner à son avantage. Même si l’on a compris ce lundi qu’Emmanuel Macron et Élisabeth Borne ne voulaient la brandir qu’en dernier recours.

Mais il peut aussi pointer une forme d’imposture sociale. Les grévistes des raffineries ont des salaires enviables et touchent déjà des primes. Alors que ce sont des métiers peu payés et dépendants de trajets en voiture (aides-soignants…) qui pâtissent de la pénurie. Face à la Nupes cherchant à attiser la contestation, l’exécutif peut jouer la France qui bosse contre la France qui bloque.


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