En ouverture de sa conférence de presse, à Bruxelles, le président Emmanuel Macron a annoncé le retrait de la France du Traité sur la charte de l'énergie (TCE). Cette décision intervient après celui des Pays-Bas, mardi, et celui de l'Espagne et de la Pologne la semaine précédente. L'Italie a quitté ce traité dès 2016.
Ce texte, très peu connu, remonte aux années 1990, quand les États souhaitaient sécuriser les investissements énergétiques après l'effondrement de l'URSS et la guerre en Irak. Cette charte de l'énergie est très critiquée en raison de la possibilité qu'elle offre aux sociétés spécialisées dans les énergies fossiles de se retourner en justice contre les États en raison du manque à gagner dû à l'abandon des projets d'énergie fossile. Les gouvernements peuvent ainsi être poursuivis devant des tribunaux arbitraux pour s'être conformés aux politiques visant à réduire les émissions de CO2, moteurs du réchauffement climatique.
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« Il ressort de plusieurs cas récents que cette charge conduisait à des faits spéculatifs et à des indemnisations importantes, a souligné le président français. Nous nous mettons en cohérence avec la stratégie qui est la nôtre et des textes postérieurs, notamment l'accord de Paris [sur le climat, NDLR]. Dans le moment que nous vivons, nous devons plutôt accélérer nos investissements dans les renouvelables, aller plus vite dans l'efficacité énergétique, aller plus vite sur le nucléaire. »
La charte de l'énergie est jugée contraire et nocive à la politique climatique. Depuis sa signature, les investisseurs ont déjà déposé plus de 130 plaintes pour un montant total de 85 milliards d'euros… L'Allemagne a déjà payé 4,35 milliards d'euros aux exploitants de centrales à charbon après avoir voté la fin de leur exploitation.
RWE réclame 1,4 milliard d'euros aux Pays-Bas
Les Pays-Bas sont poursuivis par le conglomérat allemand RWE, qui réclame 1,4 milliard d'euros en raison de la fermeture programmée des centrales à charbon. La société Uniper, exploitant une centrale à charbon à Rotterdam, réclamait la même indemnisation. En grande difficulté, Uniper a été nationalisée par l'Allemagne le 21 septembre pour un montant de 8 milliards d'euros. La société avait annoncé qu'elle suspendrait ses recours contre les Pays-Bas si l'Allemagne entrait à son capital.
Cette charte européenne de l'énergie remonte à 1991. À l'époque, elle ne possède pas de valeur contraignante, mais les discussions sont engagées pour la transformer en traité contraignant. En 1994, une cinquantaine d'États signent ce traité sur la charte sur l'énergie (TCE). Il entre en vigueur en 1998 ; l'UE est également signataire.
L'Italie condamnée à 240 millions d'euros pour l'abandon de forages en mer
Les États signataires n'avaient pas encore signé l'accord de Paris sur le climat. Le « Green Deal » européen n'était pas envisagé. Les États membres de l'UE réalisent aujourd'hui combien les engagements de dédommagements des énergéticiens fossiles contenus dans ce traité sont ruineux.
Alors que l'Italie s'est retirée du TCE dès 2016, le pays a été condamné, le 24 août 2022, par un tribunal arbitral international, à verser 240 millions d'euros à Rockhopper, une multinationale pétrolière et gazière britannique. À l'origine du conflit, l'interdiction votée par le Parlement italien en janvier 2016 de toute nouvelle activité d'exploration et de production à moins de 12 mille marins (22 kilomètres) de la côte italienne. Dans un arrêt de 2018, la Cour de justice de l'UE (CJUE) a toutefois estimé qu'un tribunal arbitral, du même type que celui du TCE, n'était pas compatible avec le droit de l'Union dès lors que les parties prenantes sont des entités de l'UE.
Une réforme partielle qui n'a rien changé
Rockhopper a fait valoir qu'elle avait obtenu, en 2015, les autorisations techniques et environnementales nécessaires pour exploiter un gisement sous-marin, situé dans l'Adriatique, à environ 10 kilomètres au large de la côte des Abruzzes… Les 240 millions d'euros sont censés compenser des revenus potentiels. Car le TCE protège non seulement les investissements perdus, mais les bénéfices futurs…
L'Union européenne a tenté de réformer le TCE, mais n'a obtenu que des exemptions partielles en raison de l'opposition du Japon et du Kazakhstan. L'unanimité des signataires est requise. Le 24 juin 2022, Bruxelles a déclaré, lors du quinzième cycle sur le Traité de la charte de l'énergie, sa décision de valider la réforme du traité qui avait été proposée en 2020. Les Pays-Bas espèrent, au contraire, que tous les pays de l'UE suivront sa démarche. Mais les procès ne s'arrêteront pas. Le TCE contient, en effet, une « clause de temporisation » qui permet aux entreprises énergétiques de réclamer des investissements réalisés il y a vingt ans. Une sorte de bombe à retardement financière du « Green Deal » pour les finances publiques des États membres les plus accros aux fossiles…
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