«J'appelle l'ensemble des énergéticiens, non pas à nous demander de réduire notre consommation d'énergie c'est très bien, mais à travailler eux-mêmes à augmenter leurs livraisons d'énergie pour l'Europe », a-t-il déclaré hier lors d'un point presse, organisé à quelques jours de la fin de la présidence française du Conseil de l'Union européenne, marquée par l'invasion russe de l'Ukraine.
Les énergéticiens doivent aller plus vite et se coordonner avec les Etats
Selon le commissaire français, il revient aux Etats de contribuer à inciter leurs compatriotes à avoir des comportements plus économes en énergie. Les énergéticiens, eux, « doivent aller plus vite » pour accroître leurs capacités d'approvisionnements. Encore faut-il que les Etats s'emparent du sujet. Or en France par exemple, la communication du gouvernement pour appeler à la baisse de la consommation d'énergie est inexistante.
Il estime, par ailleurs, qu'il est de leur devoir de bien se coordonner avec les Etats membres et notamment qu'ils écoutent la volonté de certains pays souhaitant prolonger la durée de vie de leurs centrales nucléaires. Il a ainsi fait explicitement référence à la Belgique, qui entend repousser de dix ans la fermeture de deux de ses centrales nucléaires, actuellement opérées par Engie.
Or le groupe français a posé de lourdes exigences pour le maintien de cette activité. Il demande à l'Etat belge de participer au financement de la prolongation des deux centrales de Tihange et Doel et souhaite également qu'il devienne un coexploitant des installations nucléaires afin de réduire les risques financiers.
« C'est un plan global et j'appelle chacun à sa responsabilité, en particulier les énergéticiens »; a encore insisté Thierry Breton, en faisant référence au plan REpowerEU.
Ce plan à 300 milliards d'euros, échafaudé par Bruxelles, vise à se défaire au plus vite des quelque 155 milliards de mètres cubes de gaz russe que l'UE importe chaque année, soit environ 40% de ses importations totales de gaz. Celui-ci repose notamment sur la réduction de notre consommation d'énergie, la diversification de nos approvisionnements en gaz, l'accélération du déploiement des énergies renouvelables, notamment le solaire en toiture, et des investissements massifs.
Sortir du gaz russe, quitte à prendre le chemin du fioul et du charbon
Le commissaire au marché intérieur appelle ainsi les grands industriels à diminuer leur consommation de gaz en électrifiant leurs procédés, voire même en faisant appel au fioul, qui est pourtant une énergie fossile bien plus polluante.
Quant aux nombreux pays ayant décidé de prolonger ou de rouvrir des centrales à charbon pour la production d'électricité, dont la France, Thierry Breton a estimé qu'il s'agissait « d'une urgence temporaire ».
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« Il faut que l'on se donne les moyens de sortir le plus rapidement possible de nos dépendances à l'égard de la Russie. Si nous les gardons, elles seront utilisées contre nous », a-t-il alerté. « Il faut une sortie totale des hydrocarbures russes, y compris du gaz », a-t-il appuyé.
Si les membres de l'Union ont réussi à se mettre d'accord sur des embargos sur le charbon et le pétrole russes, dans le cadre de différents paquets de sanctions, le commissaire français a reconnu que c'était « plus compliqué » pour le gaz, notamment en raison « des volumes importés par l'Allemagne et l'Italie ».
« On a su trouver des éléments de solidarité pour avancer tous ensemble, il faut continuer, c'est notre force », a-t-il plaidé, estimant qu'il n'y avait pas de « bon et de moins bons » pays membres. « On est tous Européens, on a tous le même problème, il faut le régler tous ensemble », a-t-il ajouté.
Vers une mutualisation des investissements
Thierry Breton plaide ainsi pour une mutualisation des investissements dans le système énergétique afin d'accélérer le développement des énergies propres, mais aussi les interconnexions électriques entre les pays membres. Selon lui, l'Union doit investir de l'ordre de 500 milliards d'euros par an jusqu'en 2030 dans le système énergétique. Des investissements jugés « considérables ».
« Il faut investir très massivement dans la distribution d'électricité, mais aussi dans les infrastructures gazières, sous réserve qu'elles puissent servir aussi à transporter de l'hydrogène », a-t-il précisé. Le commissaire a aussi rappelé le travail de la Commission sur la possibilité d'acheter et de stocker du gaz en commun.
« Bien sûr, le mix énergétique reste dans la main entière des Etats, comme les politiques de santé. Mais, en cas de crise, nous voyons que la seule réponse possible, est une réponse au niveau continental », a-t-il souligné.
Par ailleurs, Thierry Breton a assuré que « les choses commencent à bouger à la Commission européenne », concernant la proposition de la France de réformer le marché européen de l'électricité, dont le mécanisme de fixation des prix est très critiqué depuis la crise gazière. En effet, son fonctionnement repose sur le coût marginal de la dernière centrale appelée pour satisfaire la demande. Or, il s'agit souvent d'une centrale à gaz, dont le cours s'est envolé. Ce qui contribue à la flambée des prix de l'électricité.
« Une étude est en train d'être finalisée. Elle demande encore des approfondissements » ,a-t-il précisé.
Ouvrir des mines de lithium en Europe ?
Autre champs de réflexion : la sécurisation des chaînes d'approvisionnement, notamment dans les énergies renouvelables. La commission planche ainsi sur une « architecture législative » permettant de renforcer les chaînes d'approvisionnement européennes.
Le pacte vert européen implique en effet un déploiement massif du solaire, de l'éolien mais aussi des véhicules électriques, autant d'éléments qui dépendent de matériaux critiques. L'Europe compte, par exemple, 20 projets de gigafactories dédiées à la production de batteries, mais ces dernières dépendent du lithium dont la totalité est aujourd'hui raffinée en Chine, pointe le commissaire européen. Celui-ci s'interroge donc sur la possibilité de créer des raffineries de lithium sur le Vieux Continent et même d'ouvrir des mines de lithium, notamment au Portugal où les gisements de ce métal décisif pour la transition énergétique sont nombreux.
Plus globalement, Bruxelles travaille à la réalisation d'un mapping de la quarantaine des composants critiques « sur lesquels nous souhaitons sécuriser la chaîne de valeur », précise Thierry Breton. Dans cette optique, « il faut savoir créer des rapports de force positifs pour limiter ses dépendance », affirme le commissaire.
« Le marché intérieur est un argument géopolitique très fort. Personne ne souhaite se priver du marché intérieur européen », pointe-t-il.
Un commissaire fervent défenseur du nucléaire
La semaine du 4 juillet, le Parlement européen va se prononcer sur l'inclusion du nucléaire et du gaz dans la taxonomie verte. Son intégration permettrait à la filière de bénéficier de nombreux investissements privés. En février dernier, la Commission européenne avait adopté un acte délégué qui range le gaz et le nucléaire dans les énergies de transition, donc éligibles à la finance verte. Mais, le 14 juin dernier, les députés européens des commissions des affaires économiques et de l'environnement se sont opposés à l'inclusion du gaz et du nucléaire dans cette taxonomie verte. "Je souhaite vivement que le Parlement suive la position de la Commission européenne. J'ai contribué avec mes collègues à proposer cette taxonomie et je me suis battu pour que le nucléaire y figure. C'est une énergie de transition décarbonée très importante", a fait valoir Thierry Breton. Samedi dernier, le commissaire avait également appelé le gouvernement allemand à "sortir de l'idéologie" et à prolonger d'"un an ou deux" l'exploitation des trois dernières centrales nucléaires du pays, dont la fermeture est prévue d'ici à la fin de cette année.
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