Le président a certes la vista, et quelle vista ! Mais il a gouverné la France, seul ou presque, pendant cinq ans en jouant jusqu'à récemment la stratégie de l'évitement sur presque tous les sujets qui fâchaient. À l'heure des comptes, qu'on nous laisse dire qu'après cinq ans de Macron le paysage politique ressemble, d'une certaine manière, à un champ de ruines. Le PS et LR, qui pouvaient prétendre un jour à l'alternance, sont en voie de disparition.
Le bloc extrémiste Le Pen-Mélenchon-Zemmour a une certaine cohérence idéologique : poutinophile, antilibéral, antieuropéen, antiaméricain, antimondialiste, il est aujourd'hui largement majoritaire en France, autour de 55 %, alors que les ultras des deux bords ont été laminés aux élections générales en Allemagne, à l'automne dernier. Ce qui en dit long sur l'état de notre pays.
Notre république est malade,tel est le constat qui s'impose. Emmanuel Macron devra descendre de son nuage s'il ne veut pas tomber de très haut, quand les lendemains déchanteront. Parallèlement à une droite qui s'extrémise, la gauche française est affligée de sinistrisme, du latin
sinistra(traduire : « à gauche »), concept mis au point par Albert Thibaudet, pionnier de la politologie sous la III
eRépublique, qui avait identifié un mouvement sinistrogyre amenant les partis français à virer toujours plus à gauche.
C'est ainsi que Jean-Luc Mélenchon, le Mozart des campagnes électorales, présenté par nos chers confrères - il faut oser - comme le « candidat de la gauche », était en réalité, si l'on prenait la peine de lire son programme, le candidat de l'ultragauche. Conséquence de ce sinistrisme : la « gauche française » qu'il est censé incarner aujourd'hui n'a plus rien d'une gauche de gouvernement. Or, pour vivre, la démocratie, a besoin d'alternance.
« Ce côté obscur du peuple », de Pascal Ory : si vous voulez comprendre ce qui se passe en France, voilà l'ouvrage prémonitoire qu'il faut lire (1). Il rassemble plusieurs livres fondateurs - en particulier Peuple souverain - d'un historien contemporain trop méconnu et souligne l'importance, dans notre psyché collective, de l'« humiliation », que la science politique a tant tardé à intégrer dans son logiciel : les radicalités d'extrême droite et d'extrême gauche se retrouvent dans l'incrimination obsessionnelle d'un « système » d'où viendrait tout le mal. Produit par les « élites », il en fabrique à son tour.
Déjà observées au début des années 1930 en Allemagne, les convergences s'accroissent entre l'extrémisme de droite et celui de gauche à partir d'un substrat commun, furieusement antisystème. C'est à cause de ces phénomènes auquel il ajoute, délicieux oxymore, l'« individualisme de masse » que Pascal Ory peut annoncer ce qu'il appelle la catastrophe. Apparemment, après ce premier tour, nous allons encore y échapper.
Quand on ne peut pas changer le peuple,il faut le dissoudre et en changer. C'est ce qu'a fait la gauche. Au lieu d'écouter les lanceurs d'alerte, elle les a couverts d'anathèmes avant d'aller chercher des nouveaux électeurs ailleurs, chez les bobos des beaux quartiers notamment, laissant les classes populaires aux extrémismes. Souvenons-nous des insultes qui, en 2014, accueillirent le livre - un classique - du géographe (pourtant de gauche) Christophe Guilluy,
La France périphérique(2), qui prophétisait tout - les Gilets jaunes, la montée du populisme lepéno-zemmouriste ou ce premier tour de la présidentielle.
Tous ces perroquets de la pensée dominante, mousquetaires de ruisseau, inquisiteurs de salon, ce sont eux aussi les fossoyeurs de la démocratie, les vrais responsables de cet état des lieux : ils méritent tous la grand-croix de l'ordre du lepénisme triomphant. On aimerait qu'ils se taisent maintenant et laissent faire M. Macron, qui porte désormais tous nos espoirs et que nous soutiendrons sans réserve, en espérant qu'il lira ou relira La France périphérique sans oublier de tirer aussi, pour la suite, les leçons du premier tour.
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