Il ne veut pas réformer la France mais la sauver. Tel est le message de la vidéo d’une dizaine de minutes par laquelle le populiste de droite Éric Zemmour a annoncé, mardi 30 novembre à midi, sa candidature à l’élection présidentielle française qui aura lieu en avril prochain. Sur fond de musique allemande – des extraits du deuxième mouvement de la Septième Symphonie de Beethoven – on voit Zemmour devant une bibliothèque aux livres reliés en cuir, assis face à un gros microphone qui le dissimule presque. Il regarde à peine la caméra, il lit son manuscrit.

La mise en scène est manifestement censée rappeler Charles de Gaulle, qui, pendant l’occupation allemande, avait envoyé son message d’espoir à la France depuis Londres. Zemmour se met en scène comme un nouveau de Gaulle, comme le père d’une nation qui est en danger et dont il veut sauver l’âme de l’invasion étrangère. Car c’est cela, le véritable message de cette vidéo : c’est l’illustration de la théorie du “grand remplacement”, qui circule dans les cercles d’extrême droite et selon laquelle les Français blancs et chrétiens sont remplacés par des immigrés musulmans à la peau sombre. Ce qu’il veut, c’est une guerre des cultures.

Il ne manque que les rats

L’analyse de son message vidéo occupera peut-être les théoriciens des signes et les historiens de l’art. Impossible de ne pas voir les similitudes avec les films de propagande nationale-socialiste. Il ne manque que les rats, auxquels on comparait à l’époque les concitoyens juifs. Cependant pour le citoyen juif Zemmour, la menace, ce ne sont pas les juifs mais les musulmans. Il oppose des scènes de violences en banlieue, de musulmans priant dans la rue, de jeunes filles voilées à des images d’une France idéale, belle, pure : un paradis perdu.

À propos des exploits de la nation française, quelques erreurs lui échappent. Par exemple, les Français n’auraient selon lui pas seulement inventé le cinéma mais aussi l’automobile. Ce n’est toutefois pas ça, le scandale. Le scandale, c’est la démagogie ouverte dont il fait preuve à l’encontre des étrangers, des migrants et de l’Union européenne.

Les juristes devront vérifier si son spot de campagne n’entre pas dans le champ du délit d’incitation à la haine raciale. Zemmour a déjà dû rendre des comptes devant la justice une dizaine de fois pour cela, et a été condamné définitivement deux fois. Il a, en ce moment, un procès en cours pour avoir qualifié les réfugiés mineurs de “voleurs, meurtriers et violeurs”.

Le choix de Marine Le Pen

La candidature de Zemmour n’est pas une surprise. On peut même dire qu’elle arrive un peu tard. Ses slogans provocateurs et son comportement nauséabond ont entamé sa crédibilité et lui ont valu récemment de perdre des soutiens financiers. Pas plus tard que le week-end dernier, il a fait un doigt d’honneur à une passante qui lui en avait fait un. Il y a longtemps que ceci se reflète dans les sondages. Alors qu’il se trouvait devant Marine Le Pen il y a peu, il est repassé derrière elle. Cependant, la clientèle politique des deux candidats représente plus d’un tiers des électeurs.

C’est aussi là que réside le problème pour tous les deux. S’ils ne forgent pas d’alliance, ils auront du mal à arriver au second tour. Marine Le Pen a désormais deux options : revenir à son ancien radicalisme ou garder sa stratégie de dédiabolisation. Ses premiers discours indiquent qu’il suffit de quelques minutes pour réduire à néant cinq années d’efforts pour faire rentrer le parti dans le rang. Pourtant, elle pourra faire tout ce qu’elle veut, en matière d’incitation à la haine raciale, c’est encore Zemmour le meilleur candidat.