Je ne veux pas radoter, mais il faut bien que de temps à autre je reprécise ma position sur l’inflation – ou plutôt sur la hausse des prix des biens, des services et des salaires.
La situation fondamentale est et reste déflationniste. La valeur des choses reste orientée à la baisse par suite des gains de productivité et de la concurrence internationale. La suraccumulation de capital productif et de poids mort accroît la contrainte de profit – et la contrainte de profit est déflationniste, puisqu’elle conduit à renoncer à beaucoup d’investissements productifs. On n’investit pas en dessous d’un certain taux de profit. Le capital fait la grève.
Le capital monétaire va gonfler les cours de Bourse et les prix des actifs anciens, il ne vas pas s’employer dans la production, dans l’investissement, dans l’emploi et la production de revenus. Le capital-argent spécule, il n’investit pas.
Le choc sanitaire de 2020 a accru les tendances spontanées à la déflation.
Un choc colossal
Il a été contré par des politiques monétaires de bradage de l’argent ; on a avili la monnaie en catastrophe à coups de milliers de milliards. Cette politique a provoqué une poussée, une flambée sur les prix – flambée exacerbée par un colossal choc d’offre.
On a détruit les chaînes d’approvisionnement, on a financé le chômage et la rétention de l’offre de travail par les salariés. Ils sont restés chez eux.
Pour couronner le tout, on a fabriqué une crise de l’énergie en se tirant une balle dans le pied.
Le choc d’offre solvabilisé par la politique monétaire est maintenant le phénomène de base qui produit une inflation/hausse des prix dont on a tout lieu de penser qu’elle est temporaire… sauf si elle est relayée par des politiques délibérément inflationnistes.
Retenez bien cette dernière partie de la phrase : « … sauf si elle est relayée par des politiques délibérément inflationnistes ».
Cela veut dire qu’à ce stade, rien n’est joué, les dés ne sont pas jetés. Nous sommes en phase d’inflation temporaire : cette inflation peut devenir tendancielle mais elle peut aussi disparaître. Tout dépend des politiques qui seront menées dans quelques mois, et des réactions du public.
Rien n’est joué
Je résume :
– tendance fondamentale de long terme déflationniste atténuée par des politiques monétaires volontaristes de dépréciation de la monnaie, peu efficaces puisqu’on n’arrive pas aux fameux 2% ;
– choc sanitaire avec choc d’offre colossal solvabilisé par une débauche monétaire sans précédent historique de la part des autorités ;
– inflation temporaire sur un fond qui reste déflationniste, la demande de monnaie et d’actifs financiers liquides reste forte ;
– souhait fondamental des autorités de réduire le poids des dettes par la destruction de la monnaie – souhait qui peut les conduire à choisir des politiques monétaires et budgétaires aventureuses de destruction contrôlée de la monnaie avec des alibis comme le climat, l’inclusion, la guerre, etc. ;
– mais refus du public de participer à cette aventure. Il reste frileux, prudent, il garde la monnaie, il continue de préférer la détention de monnaie aux biens et services.
Un arbitrage crucial
Mon idée de base concernant l’inflation des prix est la suivante : l’inflation, c’est quand le public cesse d’avoir des comportements frileux et qu’il cesse de considérer qu’il préfère conserver la monnaie plutôt qu’acheter des biens et services.
L’inflation sous cette forme est un arbitrage entre la détention de monnaie et la dépense en biens et services. Or l’inflation a besoin de création de monnaie pour s’amplifier et se développer. Elle a également besoin de la mise en branle de l’échelle de perroquet des prix et des salaires pour enclencher sa dynamique.
Ma problématique de l’inflation étant ainsi posée, je n’anticipe rien puisque je considère que le futur n’est pas joué, il n’est pas écrit, il va se construire sous nos yeux. Des forces antagoniques vont s’affronter et il va falloir les scruter.
Le seul avantage que l’on a, quand on a une théorie et un cadre analytique rigoureux, c’est que l’on peut interpréter les événements en temps réel quand ils se produisent. On comprend mieux le présent.
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]
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