07/09/2021

Changement climatique; doit-on débattre avec un climatosceptique ?

climatosceptique Allegre
La question est légitime : doit-on, en 2021, débattre avec un climatosceptique ?

Ces dernières années, ma réponse a évolué du “évidemment, pour déconstruire les arguments” à “non, perte de temps et d’énergie” à “ça dépend“. En effet, cela dépend de plusieurs facteurs, et ne pas les prendre en compte peut être un risque. Qui ? Avec qui ? Sur quoi ? Comment ? Combien de temps ? Ce n’est pas aussi simple d’y répondre.

Qu’est-ce qu’un climatosceptique ?

Avant d’expliquer si cela vaut le coup de débattre avec un climatosceptique, peut-être faudrait-il déjà définir ce qu’est un climatosceptique. Un climatosceptique est une personne qui remet en cause le changement climatique d’origine anthropique, c’est-à-dire d’origine humaine. Selon elle ou lui, c’est ‘un réchauffement naturel‘, cela fait partie d’un cycle, et l’Homme n’est pas (ou peu) responsable de ce réchauffement. Même si le résultat est le même (l’inaction), je fais une différence entre un climatosceptique et un climato-rassuriste, qui aura tendance à reconnaître un réchauffement, mais dira plutôt que ce n’est pas si grave, qu’on exagère, et que l’homme s’est toujours adapté.

Coupons court au suspense : il y a bien réchauffement climatique d’origine anthropique. Ce n’est pas l’objet de cet article, mais rappelons tout de même quelques points du dernier rapport du GIEC sorti le 9 août 2021 :

  • Il est incontestable que l’influence humaine a réchauffé l’atmosphère, les océans et les terres. Des changements rapides et généralisés se sont produits dans l’atmosphère, les océans, la cryosphère et la biosphère.
  • 100% du réchauffement climatique est dû aux activités humaines. C’est aujourd’hui un fait établi, sans équivoque (pour comprendre ce qu’est le forçage radiatif, lisez cet article).
  • L’ampleur des changements récents dans l’ensemble du système climatique et l’état actuel de nombreux aspects du système climatique sont sans précédent, de plusieurs siècles à plusieurs milliers d’années.
  • Chaque tonne émise participe au réchauffement. Au passage, si vous avez quelques doutes sur ‘la crédibilité du GIEC’, je vous recommande de lire cet article.
 
 

Malgré le vocabulaire qui caractérise le niveau de confiance pour chaque élément dans les rapports du GIEC, c’est ici “INCONTESTABLE”. C’est très important pour la suite.

Incontestable, donc 100% des Français sont d’accord?

Si c’est si évident que cela, tous les Français sont d’accord, non ? Et bien pas du tout. Il y a une différence très importante entre science et opinion. Il existe un fossé entre le consensus climatique, les conclusions du GIEC, et l’opinion publique. Le sondage annuel de l’ADEME réalisé en 2019 montre que 25% des Français pensent que le réchauffement climatique est (uniquement) un phénomène naturel qui a toujours existé :


Ce 25% peut paraître énorme, et son explication est complexe : méconnaissance du processus de publication scientifique, désintérêt pour la question, dissonance cognitive, le Figaro qui donne une tribune à un climatosceptique… Espérons tout de même que ce chiffre aura diminué après les conclusions du dernier rapport du GIEC. Il sera intéressant de voir si cela a évolué du prochain rapport de l’ADEME.

Finalement, l’intérêt de débattre serait-il d’informer ces 25%, et de faire baisser ce chiffre ? Mais à quel prix, et pour quels risques ?

Débattre ? Mais pourquoi faire ?

Les débats politiques n’évoluent pas au gré des consensus scientifiques. Ce n’est pas comme cela que ça marche en démocratie (ou plutôt, en France). Il ne suffit pas de dire ‘le réchauffement climatique est d’origine anthropique‘ une fois pour que cela soit admis et accepté par tout le monde. Ce serait trop facile.

Un débat à l’oral, ou sur un réseau social, n’a par ailleurs rien à voir avec le débat scientifique, la publication scientifique. Les scientifiques ne débattent pas à l’oral, mais se répondent à l’écrit. Leurs travaux sont évalués par les pairs (peer reviewed), dans un cadre bien précis, exigeant, qui n’a rien à voir avec le poids d’une tribune dans un journal quelconque.

Aussi, compte tenu des conclusions du GIEC, débattre avec un climatosceptique pourrait être comparé au fait de débattre avec un platiste. Ne pensez pas que ce soit complètement fou, 9% des Français semblent penser que la Terre est plate. Alors que la littérature scientifique (et le consensus) dit le contraire, doit-on tout de même débattre ? Y perdre du temps et de l’énergie ? Et bien, ça dépend.

Risques et opportunités de débattre avec un climatosceptique

Clarifions un point tout de suite : un climatosceptique n’est pas une personne qui pose une question, du type “est-ce que l’Homme est responsable ?”, et qui une fois qu’elle aura lu et se sera suffisamment renseignée, aura trouvé une réponse. C’est tout à fait légitime de se poser des questions et de vouloir trouver des réponses. Ici, nous parlons bien des personnes qui, pour une raison X ou Y, vont dire que le GIEC raconte n’importe quoi et que le réchauffement est naturel.

Voici les risques et opportunités de débattre avec un climatosceptique :

  • Remettre le consensus à 50/50 : alors que le réchauffement climatique anthropique est incontestable, donc 100%, le risque de débattre est de remettre ce 100% à 50% : “pour ou contre” “vrai ou faux”. “La Terre est-elle plate ? Ah on sait pas, 50% de chance que oui, 50% de chance que non”.
  • Le débat scientifique se fait à l’écrit et non à l’oral. Une personne brillante à l’écrit pourrait perdre ses moyens à l’oral, et face à un climatosceptique à l’aise à l’oral, l’audimat pourrait avoir l’impression que la personne mal à l’aise ment ou a tort.
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  • La loi de Brandolini : dire une bêtise peut prendre 5 sec. En revanche, expliquer pourquoi c’est faux peut parfois prendre plusieurs minutes, voire des heures. Si vous êtes dans un débat télévisé où on laisse très peu de temps aux invité(e)s pour répondre et démontrer un argument, c’est un risque de ne pas choisir les bons mots dans le temps imparti et de perdre en crédibilité.
  • Même une personne compétente ne peut pas répondre instantanément à tous les arguments d’un climatosceptique. Par exemple, sauriez-vous répondre à “Ce sont des cycles solaires de 60 ans“, ou “Mais vous oubliez L’optimum climatique médiéval ma petite dame !” Imaginez alors que vous soyez dans un débat télévisé, que le climatosceptique ait une réponse toute préparée (mais fausse), mais que vous ne puissiez pas répondre. Qui ressortira gagnant du débat ?

Nous voyons donc que ce n’est pas aussi simple que de répondre “Oui c’est facile de prouver que c’est faux”, ou “Il suffit toujours de rappeler les faits scientifiques”. Il est certes souhaitable de débattre (dans certaines conditions) pour éviter l’effet bulle, mais n’oublions pas non plus que tout le monde n’a pas la même patience…

Et la liberté d’expression !

La défense des climatosceptiques est souvent la même. Toujours les mêmes arguments pour exister : “on nous censure !”,”ah on dit la vérité, donc on dérange !”. Revenons là-dessus un instant. Premièrement, ce n’est pas un appel à la censure, mais à la responsabilité. Mettre en avant des climatosceptiques aujourd’hui, c’est criminel. Nier le réchauffement climatique, qui a fait des centaines de morts en 2021 (Belgique, Allemagne, Canada, New-York, Madagascar, etc.), c’est criminel. Il n’y a pas d’autre mot à utiliser. D’autant plus lorsque l’on prend en compte la gravité des évènements actuels et ceux à venir sans changement drastique de nos économies.

Pour les personnes qui disent “oui mais il faut répondre avec des arguments”. Ça tombe bien, il y a tout ce qu’il faut sur le site Bon Pote !

Aussi, vous comprendrez que quand vous passez 50 heures à écrire un article sourcé avec les dernières publications scientifiques, et qu’une personne vient sur les réseaux sociaux vous dire que le réchauffement n’existe pas, et/ou que ce n’est pas si grave, sans preuve ni source, parfois en vous insultant et en disant que le GIEC c’est un lobby de réchauffistes, l’intérêt (et l’envie) de débattre soit proche de 0.

Le mot de la fin

Concernant le réchauffement climatique d’origine anthropique, il n’y a pas débat. L’intérêt d’en débattre est très limité, et ne devrait se faire que dans un cadre précis. Si un média donne la parole à un ou une scientifique pour expliquer pourquoi l’activité humaine cause le réchauffement, c’est tout à fait autre chose. D’autant plus si la personne a le temps d’expliquer sans être coupée toutes les 20 secondes comme sur un plateau de CNEWS.

En 2021, je ne vois aucun intérêt à débattre avec un climatosceptique des conclusions du groupe 1 du GIEC. J’ai confiance dans le processus de création du rapport. Si bien sûr des personnes arrivent à prouver le contraire, et dans le cadre du débat scientifique (donc un article revu par les pairs qui remettrait en cause le réchauffement climatique d’origine anthropique), j’irais lire avec grand intérêt !

Mais en attendant, j’évite de me faire avoir par la loi de Brandolini. Ce fut un excellent exercice d’écrire des articles sur les idées reçues sur le climat. Si ce n’est pas déjà fait, je conseille à tout le monde de lire les articles et/ou d’écouter les arguments climatosceptiques. Cela permet de parfaire ses connaissances et de passer à l’étape d’après : comment combattre les climato-rassuristes.

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