En revanche, BFMTV reste encore leader sur un mois. En avril, à 2,9 %, elle devançait CNews de 1,1 point. Il faut dire qu'en France la concurrence est rude, pour ne pas dire acharnée. Notre pays est champion du monde en matière du nombre de chaînes info avec BFMTV (Altice Media), CNews (Canal+ Vivendi), LCI (TF1-Bouygues), France Info (France Télévisions), auxquelles on peut ajouter France 24, Euronews et LCP-Public Sénat. Qui dit mieux ? « CNews a connu une progression régulière depuis deux ans, qui s'est accélérée ces derniers mois. Cela nous donne des ambitions. C'est l'aboutissement d'un gros travail effectué par les équipes. D'autant qu'on n'a jamais fait de cadeau à CNews », estime Serge Nedjar, directeur général de la chaîne.
Pascal Praud est le premier pilier historique de la chaîneGérald-Brice Viret (directeur général des antennes et des programmes du Groupe Canal+ )
Si on regarde dans le détail de la journée du lundi 3 mai, BFMTV reste largement leader le matin de 6 heures à 9 heures. En revanche, dès l'arrivée à l'antenne de Pascal Praud, CNews reprend le flambeau. Sur la tranche 9 heures-10 h 30, L'Heure des pros a ainsi rassemblé 403 000 téléspectateurs de 4 ans et plus, contre 350 000 pour BFMTV, 109 000 pour France Info et 93 000 pour LCI. De 10 h 35 à 11 h 50, Jean-Marc Morandini (et son Morandini Live) attire 279 000 Français, soit 21 000 de plus que BFMTV. Avec Midi News et ses 196 000 téléspectateurs, Sonia Mabrouk, entre 12 heures et 14 heures, dépasse d'un cheveu BFMTV.
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« Pascal Praud fait souvent de CNews le matin la première chaîne de France avec 10-12 % de l'audience nationale. Il est le premier pilier historique de la chaîne. Il est à l'aise sur tous les sujets et a su imposer les thèmes d'actualité qui résonnent avec les préoccupations des citoyens, se félicite Gérald-Brice Viret, directeur général des antennes et des programmes du Groupe Canal+. Jean-Marc Morandini, lui, regroupe parfois 7-8 % de l'audience. Quant à Sonia Mabrouk, elle s'est révélée dans l'interview d'Europe 1 et elle est devenue un poids extrêmement fort de la grille depuis l'année dernière. » Après un creux l'après-midi, où l'audience est faible tant sur BFMTV que CNews, la seconde repasse devant dès 17 heures avec Punchline de Laurence Ferrari (277 000 téléspectateurs, contre 194 000).
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Éric Zemmour nous apporte beaucoup d’audienceSerge Nedjar (directeur général de CNews)
Les deux locomotives Face à l'info (Christine Kelly et Éric Zemmour) et L'Heure des pros 2 (Pascal Praud) tournent à plein régime et écrasent la concurrence : 819 000 téléspectateurs pour le premier programme le 3 mai dernier, soit trois fois plus que LCI (282 000) et BFMTV (267 000), et 786 000 pour le second, plus de quatre fois plus que les autres chaînes. Rappelons que Face à l'info a débuté à la rentrée 2019 avec seulement 150 000 fidèles. « Éric Zemmour nous apporte beaucoup d'audience », reconnaît Serge Nedjar.
« Éric Zemmour nous bouscule largement, mais on n'est pas sur le même format. Les thèmes sont exigeants, certes, mais il fabrique une émission sur un registre qui n'est pas le nôtre. À 20 heures, face à Pascal Praud, nous n'avons pas réussi à installer une démarcation forte. Notre 20-21 heures doit s'améliorer. On y travaille calmement », confiait récemment Marc-Olivier Fogiel, directeur général de BFMTV, au Point. Si elle remporte un franc succès, l'émission Face à l'info n'est pas sans risque pour CNews. Elle est désormais diffusée en différé afin de couper au montage d'éventuels dérapages de ses chroniqueurs. Cela n'a pas empêché le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) d'adresser récemment un carton rouge à la chaîne du groupe Canal+. Avec, finalement, une amende de 200 000 euros pour « incitation à la haine » et « à la violence » après des propos d'Éric Zemmour sur les migrants mineurs isolés. La société a fait appel de cette décision devant le Conseil d'État, l'estimant contraire « au principe de liberté d'expression. »
Un redressement en quatre ans
Les résultats d'audience de CNews montrent l'incroyable chemin parcouru depuis la relance de la chaîne il y a quatre ans, début 2017. Jusqu'alors, rappelez-vous, elle s'appelait iTélé. Avant d'être reprise en main par Vincent Bolloré, l'homme fort de Vivendi, qui avait commencé par réduire drastiquement les dépenses de la grande sœur, Canal+. Deux événements ont précipité la fin de iTélé : le passage en clair de LCI sur la TNT et l'arrivée de Jean-Marc Morandini à l'antenne.
Jean-Marc Morandini est alors concerné par deux enquêtes préliminaires, l'une pour « corruption de mineurs aggravée » et l'autre pour « harcèlement sexuel et travail clandestin », ce qui entraîne la suspension de son émission. En octobre 2016, iTélé connaît alors une grève historique de trente et un jours. Une centaine de journalistes sur cent vingt, soit les trois quarts de la rédaction, démissionnent, la chaîne octroyant aux partants une « clause de conscience », qui leur permet de toucher des indemnités et les allocations chômage. L'émission revient à l'antenne à la rentrée 2017. « Il a fallu reconstruire CNews depuis février 2017 en repartant presque de zéro », se souvient Gérald-Brice Viret.
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CNews n'a jamais laissé indifférent. En mars, Marc-Olivier Fogiel tranchait dans un entretien au Point : « BFMTV est une chaîne de toutes les opinions, CNews est une chaîne d'opinion. Elle a trouvé un créneau – ce n'est pas le mien – qui marche et qui correspond à une partie de la société. Sur CNews, on débat beaucoup de l'information, et, nous, on fait beaucoup d'information. »On a souvent accusé CNews d'être une version française de Fox News, la chaîne conservatrice américaine. « Ceux qui font cette comparaison n'ont jamais regardé cette chaîne pour la raison simple qu'elle est payante. J'ai fini par la regarder. CNews est différente. En créant la chaîne en 2017, on s'est juste dit : les habitudes de consommation de la télévision ont changé. Les gens sont déjà informés via leurs téléphones portables. La différence se fait sur l'expression des opinions autour de l'actualité et des sujets qui préoccupent les Français », détaille Serge Nedjar.
Cet ancien du magazineVSD et du quotidien gratuit Direct Matin (CNews aujourd'hui) a repensé l'éditorial. « Avec lui, nous avons construit brique par brique une chaîne info d'opinions. On peut ne pas être d'accord. C'est comme quand on lit un journal ou écoute une radio. Ce n'est pas parce qu'on écoute France Inter qu'on est d'accord avec les idées de la radio. Mais je crois que CNews exprime toutes les opinions et que la démocratie se joue sur ce type de chaînes qui permet de débattre de tout. La chaîne propose l'inverse des débats aseptisés auxquels on a assisté pendant des années. On y suit des débats passionnants qu'on peut avoir chez soi, en famille », poursuit Gérald-Brice Viret. Serge Nedjar tient à rappeler qu'il y a encore de dix-sept à dix-neuf bulletins d'information par jour. « On donne toutes les infos comme n'importe quelle chaîne info sur notre antenne de 6 heures à 1 heure du matin et sept jours sur sept. Notre ADN c'est l'information en direct et la possibilité de discuter sur un plateau des sujets qui intéressent les gens », insiste-t-il.
Une perte réduite à 5 millions d'euros
La variable économique prime au moment d'analyser la mutation de iTélé en CNews. « La chaîne a été d'abord positionnée sur le talk, le débat d'opinions pour des raisons économiques. La formule autour du plateau est simple et permet d'avoir des éditorialistes saillants. On n'aurait pas pu redresser les déficits en envoyant des dizaines de journalistes sur le terrain pour couvrir l'actualité », précise Gérald-Brice Viret. CNews laisse donc la couverture de l'actualité brûlante, appelée « breaking news » et nécessitant de lourds investissements, à ses concurrentes qui bénéficient de synergies de groupe : BFMTV avec Altice (RMC, SFR…), LCI avec l'info de TF1 et France Info avec la puissance publique de France Télévisions.
La chaîne, qui emploie aujourd'hui 170 personnes, dont plus d'une centaine de journalistes, dispose d'un budget de 35 à 40 millions d'euros par an. Elle affichait jusqu'en 2016 un déficit annuel de plus de 30 millions d'euros. Sa perte a été réduite à 10 millions en 2020, moins que prévu à cause de la pandémie, et elle devrait s'établir à environ 5 millions cette année. Les recettes publicitaires ont été impactées par la crise du Covid, mais aussi par le site américain Sleeping Giants. Ce collectif interpelle, sur les réseaux sociaux, les annonceurs qui apparaissent sur la chaîne pour les pousser à retirer leurs publicités. Aujourd'hui, l'antenne du groupe Canal+ propose environ une heure et quarante minutes de spots publicitaires par jour. Mais sur la tranche stratégique 19 heures-21 heures, elle a choisi de privilégier l'audience à la pub. « Il est prévu qu'elle revienne prochainement sur cette tranche. On a une forte demande de la part des annonceurs », indique Gérald-Brice Viret. Sur les quatre premiers mois de l'année, la chaîne a gagné 73 annonceurs de plus en comparaison, à la même période, de 2020.
Dans le vert en 2022 ?
Fort
de ces bons derniers mois, CNews va-t-elle dépasser BFMTV ? Ce n'est
pas son objectif. « BFMTV est très bien installée. Notre ambition est
d'être deuxième, en particulier sur les 25-49 ans et les CSP+ », déclare
Gérald-Brice Viret. Serge Nedjar précise qu'il travaille actuellement
sur les faiblesses de la chaîne, en particulier les programmes de
week-end qui n'attirent pas les foules. « Nous réfléchissons à un ou
deux nouveaux rendez-vous. » Si la pandémie s'éloigne et que les
audiences se tiennent, CNews sera à l'équilibre en 2022. Après avoir
doublé sur un jour BFMTV, ce serait une autre petite révolution pour la
chaîne de Vivendi.
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* CNews était passée de manière exceptionnelle devant en juin 2020 à la faveur d'une grève à BFMTV.
Consultez notre dossier : La lettre des médias
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