25/04/2021

Point de vue: Covid; vaccins ; une troisième dose sera-t-elle nécessaire ?

LA VÉRIFICATION
- Le PDG de Pfizer a affirmé que les personnes ayant reçu son vaccin contre le Covid-19 auront «probablement» besoin d'une troisième dose d'ici six mois à un an, puis sans doute d'une injection chaque année. Cela sera-t-il inévitable ?

LA QUESTION. Une fois vacciné, devra-t-on se faire piquer une troisième fois contre le Covid-19, voire revenir tous les ans chez le médecin? C'est en tout cas la routine à laquelle nous prépare le PDG de Pfizer, Albert Bourla. «Une hypothèse vraisemblable est qu'une troisième dose sera probablement nécessaire, entre six mois et douze mois, et à partir de là, il y aura une vaccination à nouveau chaque année, mais tout cela doit être confirmé», a-t-il indiqué la semaine dans un entretien à la chaîne américaine CNBC. En février déjà, le PDG de Johnson & Johnson, Alex Gorsky, évoquait une vaccination annuelle comme pour la grippe saisonnière. On comprend l'intérêt qu'ont les groupes pharmaceutiques à pérenniser l'usage de leurs produits, mais au-delà de ces considérations, une troisième injection sera-t-elle vraiment inévitable ?

VÉRIFIONS. Les laboratoires planchent en tout cas sur de nouvelles versions de leurs vaccins et certains gouvernements ont pris les devants: en février, le Royaume-Uni annonçait déjà préparer une campagne de revaccination pour l'automne ou l'hiver. Pour le président du Conseil d'orientation de la stratégie vaccinale française Alain Fischer, il est «de bonne guerre d'envisager cette hypothèse, quitte à faire marche arrière». «Anticiper permet de préparer les vaccins à l'avance, car cela ne se fait pas à la dernière minute», indiquait-il vendredi sur France Inter.

Tout va d'abord dépendre de la durée d'efficacité des vaccins actuels. Des données non publiées provenant de Pfizer indiquent que la protection induite par son vaccin dépasse les 90% au bout de six mois. Du côté de Moderna, les personnes vaccinées semblent également conserver des niveaux d'anticorps robustes plus de six mois après l'injection, selon une étude parue dans la revue New England Journal of Medecine. Mais cette protection pourrait-elle durer encore des mois, voire des années? Rien ne prouve le contraire, mais faute de recul, difficile à dire. Pour le virologue Paul Bieniasz, de l'université Rockefeller (New York), «ces niveaux d'anticorps vont inévitablement diminuer et la durée de la protection est inconnue. Personnellement, je dirais qu'elle peut durer un à deux ans».

«Si les anticorps neutralisants ne sont pas les seuls à nous protéger contre cette maladie, ils semblent toutefois jouer un rôle non négligeable, et injecter une troisième dose de vaccin permet de maintenir ces taux d'anticorps à un niveau élevé», explique le Pr Jean-Daniel Lelièvre, chef du service des maladies infectieuses à l'Hôpital Henri-Mondor (Créteil) et expert vaccins à la Haute autorité de Santé. Il explique que la primo-injection va permettre de créer une mémoire immunologique, notamment grâce à l'activation des lymphocytes B «mémoires», des cellules sentinelles qui vont conserver des mois voire des années la reconnaissance de l'intrus et défendre le corps en cas d'attaque. «Plusieurs vaccinations permettent de les maintenir entraînées à réagir plus vite

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Encore faut-il que ces anticorps soient des armes de défense adaptées. Dans cette bataille complexe, les variants compliquent la donne et pourraient échapper aux anticorps vaccinaux. Jusqu'à présent, les groupes pharmaceutiques se veulent rassurants : selon eux, le variant anglais réduit peu l'efficacité de leurs vaccins, et Pfizer a annoncé dans un communiqué que son produit était efficace contre le variant sud-africain. Mais là encore, les données brutes n'ont pas encore été publiées et des chercheurs israéliens se montraient dernièrement bien moins optimistes.

Pour le moment, «les données tendent à montrer que si on a un taux élevé d'anticorps, on a une efficacité même contre les variants parce que certains de ces anticorps vont s'attaquer à des parties du virus qui ne sont pas modifiées par ces variants», estime Jean-Daniel Lelièvre. Mais au fur et à mesure que les gens ont été vaccinés ou infectés, la pression va s'accroître sur le virus, et «des variants contre lesquels les vaccins actuels pourraient être moins efficaces (...) vont probablement continuer à émerger», met en garde le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC).

L'inconnu des variants

Si le niveau d'anticorps induits par les vaccins actuels ne suffit plus, «il faudra donc ajouter un niveau de complexité supplémentaire et injecter un nouveau vaccin, qui pourrait être différent chaque année comme c'est le cas pour la grippe», note Jean-Daniel Lelièvre. Revacciner, mais avec quel produit et contre quel variant ? «Si on devait choisir aujourd'hui, on dirait le B.1.351 qui circule en Afrique australe, car au vu de données parcellaires que l'on a, quand on fait des neutralisations in vitro, on note une perte légère de l'efficacité des vaccins face au variant dit britannique, intermédiaire face au P1 brésilien et plus importante face au variant sud-africain, explique Marie-Paule Kieny, vaccinologue et présidente du comité scientifique vaccins Covid. Mais si l'on envisage une revaccination fin 2021/début 2022, d'autres variants pourraient apparaître et il faudra donc suivre de près ces évolutions». Il faudrait aussi s'assurer qu'un vaccin efficace contre un variant l'est aussi contre les autres, ajoute-t-elle. Quant à la fréquence de ces rappels, impossible à prédire aujourd'hui, s'accordent à dire les chercheurs.

Que ce soit en raison de la baisse attendue du niveau des anticorps ou de la perfidie des variants, la perspective d'un avenir sans injection s'éloigne-t-elle donc définitivement ? «On n'en sait rien, estime Marie-Paule Kieny. Cela dépendra de notre niveau de protection, de la capacité du virus à continuer à circuler une fois que le monde aura atteint un bon niveau d'immunité et sa capacité à muter encore davantage pour échapper à cette pression. Car on observe, pour les VOC («variants of concern», ceux sous surveillance particulière aujourd'hui), que les mutations convergent: les mêmes se développent spontanément à différents endroits du monde, comme si pour garder une capacité importante d'infection le virus n'avait qu'un nombre de possibilités limitées. Quitte à parvenir à un cul-de-sac des mutations». Pour Paul Bieniasz, revacciner n'est pas non plus «nécessairement inévitable. Nous devrons voir comment la pandémie évolue. Il se pourrait que, lorsque tout le monde aura été vacciné, le Sars-CoV 2 ne provoque qu'une maladie relativement bénigne et que l'immunité soit maintenue dans la population par des infections récurrentes sans gravité, de la même manière que pour les rhumes classiques. Mais il s'agit là d'une inconnue majeure à l'heure actuelle.»

Pfizer, Moderna, CureVac… En attendant, les fabricants travaillent à l'élaboration de vaccins optimisés, dont l'autorisation de mise sur le marché devrait être plus rapide. «Les agences de réglementation sont déjà en train de mettre en place un schéma réglementaire proche de ce qui se fait pour la grippe, explique Marie-Paule Kieny. S'il s'agit de vaccins contre des variants pour lesquels la seule chose qui change, c'est la séquence de la protéine Spike, on peut imaginer un processus accéléré avec une simple étude de sécurité pour vérifier que tout est normal.» Quoi qu'il en soit, estime-t-elle, prendre de l'avance est indispensable «pour être sûr de ne pas se retrouver dans une situation de limitation des approvisionnements comme celle que nous connaissons aujourd'hui».

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