Une flambée. Certains experts n’hésitent pas à qualifier ainsi la hausse des prix, constatée depuis plusieurs mois, de nombreux minerais et métaux. Il en va ainsi du lithium, dont le cours, à plus de 12.000 dollars la tonne, a doublé depuis novembre. Ou du cobalt - plus de 52.000 dollars la tonne -, qui a pris 50%. Le nickel n’est pas en reste. Le redémarrage de l’économie chinoise et asiatique explique ces mouvements. Mais sur le plus long terme, investisseurs et analystes sont convaincus que cette tendance haussière va se prolonger. Car le cuivre, le cobalt, le nickel, le lithium, le graphite et l’aluminium sont six métaux indispensables à la fabrication des batteries, des moteurs ou de la carrosserie des véhicules électriques. «La concurrence pour sécuriser des approvisionnements de long terme est plus féroce que jamais», note le site mining.com.
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D’autres métaux aux noms parfois exotiques, sélénium, gallium, ou indium, sont très recherchés car indispensables pour la fabrication de panneaux solaires ou d’éoliennes. S’y ajoutent les désormais fameuses terres rares, cette famille de dix-sept métaux aux propriétés magnétiques indispensables pour fabriquer les aimants permanents de moteurs électriques.
Dans les années à venir, la demande de ces métaux devenus stratégiques va exploser. D’ici à 2030 - demain, à l’échelle d’un investisseur minier - les besoins de l’industrie en nickel et en aluminium seront multipliés par 14, selon Bloomberg, ceux du cuivre et du graphite par 10 (voir infographie). La pénurie menace-t-elle? Si de nouveaux projets de mines ne voient pas le jour, en 2030, il manquera 20 % des besoins mondiaux en cuivre, plus de 15 % pour le cobalt et près de 10 % pour le nickel, estime la société d’études Wood Mackenzie. «Le problème sera plus le prix que la rareté», croit cependant Christian Mion, spécialiste chez le consultant EY.
Le sujet mobilise la Maison-Blanche. Joe Biden vient de demander une revue de la chaîne d’approvisionnement en matériaux critiques, dont le lithium. Washington considère que la dépendance vis-à-vis des approvisionnements étrangers crée «une vulnérabilité stratégique». D’ailleurs, la société Piedmont Lithium s’apprête à ouvrir la première mine aux États-Unis depuis des décennies, en Caroline du Nord. Des explorations sont en cours au Nevada, où Tesla prévoit d’en produire, en Californie et en Arkansas. Les États-Unis ont de grandes réserves mais ne produisent que 1 % du lithium mondial.
Matières «critiques»
Sur le Vieux Continent, dépendant aussi de ses fournisseurs chinois, africains ou latino-américains à 75 % voire 100 % selon les métaux (voir carte), l’alerte est donnée. «Il est indispensable d’avoir un approvisionnement sécurisé en matières premières telles que le lithium, le graphite ou le nickel, nous devons être indépendants», martelait Bruno Le Maire le 12 mars, lors d’un point d’étape sur l’Alliance des batteries, aux côtés de son homologue allemand, Peter Altmaier, et des commissaires Maros Sefcovic et Thierry Breton, très mobilisés sur le dossier. «Nous devons développer les capacités de raffinage (de ces minerais) en Europe», ajoutait le ministre français. Une partie des milliards du fonds de relance européen seront fléchés vers ces projets.
Cela fait en réalité dix ans que le sujet préoccupe la Commission européenne. Depuis 2011, ses spécialistes publient tous les trois ans un rapport qui dresse l’inventaire des «matières premières critiques». Sont critiques celles d’importance économique, pas forcément rares, mais qui «présentent un risque élevé de pénurie d’approvisionnement», note le dernier rapport, publié en septembre. Sur 83 matières passées en revue, 30 ont été identifiées comme «critiques», contre 14 en 2011. La bauxite, le lithium, le titane et le strontium ont enrichi la liste 2020. Le nickel est à la limite mais est surveillé de près, indique la Commission. Le cuivre, dont les besoins sont considérables, est jugé plus abondant et n’est pas concentré entre quelques pays.
Les fameuses terres rares, dont 98 % de l’approvisionnement de l’Europe proviennent de Chine, restent une source de préoccupation. Cette famille de métaux est employée dans toutes les technologies des révolutions numériques et écologiques. On en trouve 1 ou 2 kilogrammes dans un moteur de voiture électrique et 3 tonnes dans une éolienne offshore de 5 mégawatts. «Nous sommes très vigilants sur les terres rares», assure-t-on à Bercy. Un dossier surveillé aussi à l’Élysée.
«Nous avons sensibilisé la Commission sur le fait que la Nouvelle-Calédonie peut jouer un rôle dans l’approvisionnement de l’Europe en nickel», souligne le ministère de l’Économie. Car le sous-sol de l’Europe n’est pas dépourvu de réserves. La Scandinavie possède par exemple du germanium, le Portugal du lithium ou la France du tungstène.
Gisements européens
«Ne vaut-il mieux pas exploiter des minerais chez nous, avec un impact maîtrisé plutôt qu’importer de pays où les règles environnementales sont moins respectées?» s’interroge-t-on à Bercy. «Je ne crois pas un instant dans le développement de mines en Europe de l’ouest, rétorque Christian Mion, d’EY. Il y a trop d’obstacles sociétaux et politiques. Il faudrait dix ans pour ouvrir une mine là où la mine de Tenke Fungurume, en RDC, exploitée par le chinois Cemoc, va doubler sa production de cobalt et de cuivre en un an et demi seulement» dès que le feu vert sera donné.
Faute de mines, une piste d’approvisionnement sérieuse est le recyclage, soutenu par le plan de relance européen, qui pourrait satisfaire 10 % des approvisionnements de l’UE. Bien mais donc insuffisant. D’où l’appel de Christel Bories, PDG d’Eramet, dans Le Figaro fin février, pour que l’Europe développe des gisements hors de ses frontières en créant des acteurs miniers et métallurgiques de dimension mondiale, ce qui «suppose une diplomatie active et des financements» via des fonds souverains.
La prise de conscience est là. Mais si l’action ne passe pas à la vitesse supérieure, Christian Mion redoute que «les grands gagnants seront la Chine et les négociants comme Trafigura ou Glencore, surtout s’ils préfinancent des opérations minières».
Les cours flambent en Bourse
Les montagnes de cash déversées
sur les marchés pour tordre le cou à la crise ont considérablement dopé
les cours des métaux. Le mouvement s’est encore accentué depuis le mois
de novembre avec la mise au point des premiers vaccins contre le
Covid-19 et la perspective d’une reprise économique. Le cuivre, dont le
prix fait figure d’indicateur avancé de la conjoncture, est ainsi passé
d’environ 4600 dollars la tonne, à la fin du mois de mars 2020, à plus
de 10.000 dollars courant février. Depuis, il s’est un peu assagi autour
de 9000 dollars la tonne. L’indice du London Metal Exchange (LME), qui
regroupe les cuivres, mais aussi l’étain, le plomb ou le nickel navigue à
des sommets inconnus depuis dix ans. Il est porté par le formidable
redressement de l’économie chinoise, qui absorbe la moitié des
ressources mondiales. Le virage accéléré vers la voiture électrique, une
technologie très consommatrice de métaux rares, amplifie encore le
phénomène.
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