28/03/2021

Contre les marques qui boycottent le coton du Xinjiang, Pékin mobilise les internautes

À toutes les marques qui ont affiché leur décision de ne pas utiliser le coton du Xinjiang, médias officiels et organisations de jeunesse promettent de donner une leçon, notamment au géant suédois du prêt-à-porter H & M.

C’est une éruption spectaculaire de nationalisme qui se déroule actuellement en Chine. Quels sont ceux qui “boycottent le coton du Xinjiang en répandant des rumeurs et en même temps gagnent de l’argent en Chine ? Quelle mauvaise foi !”. Dès la publication de ce court message par le Comité central de la Ligue de la jeunesse communiste, le 24 mars, sur son compte Weibo, réseau social chinois, le mouvement a pris son envol.

C’est la position prise par le groupe H & M à propos de la question du Xinjiang que la Ligue de la jeunesse incrimine. À l’appui de ses accusations, elle diffuse un communiqué en chinois de la marque, (disponible en anglais ici). Dans ce communiqué datant d’octobre 2020, selon le Huanqiu Shibao, le géant suédois du prêt-à-porter déclare être “profondément préoccupé par les rapports des ONG et les reportages des médias, notamment les accusations sur le travail forcé et la discrimination religieuse à l’encontre des minorités ethniques dans la région autonome ouïgoure du Xinjiang”. Il conclut : “Le coton utilisé pour notre production ne sera plus issu de cette région.”

Disparition mystérieuse

À la lecture de ce message datant d’il y a plusieurs mois, la colère des internautes chinois est montée en flèche. “H & M boycotte les produits du Xinjiang ? Les internautes sont en colère”, titre le Renmin Ribao (“Quotidien du peuple”), l’organe du Parti communiste chinois (PCC), qui se défend ainsi :

Le soi-disant ‘travail forcé’ et la ‘discrimination contre les minorités ethniques’ au Xinjiang sont de purs mensonges. […] Notre ministère des Affaires étrangères a clarifié à maintes reprises les faits et la vérité.”

Le quotidien officiel ajoute que, dès l’après-midi du 24 mars, la recherche de mots-clés tels que “H & M” ou “HM” sur les principales plateformes d’e-commerce chinois comme Jingdong, Pinduoduo ou Tmall indiquait “aucun résultat trouvé”. Sans préciser s’il s’agissait de boycott, le journal laisse planer le doute sur la raison de cette disparition.

La réponse d’H & M

L’enjeu est de taille pour la firme suédoise. L’empire du Milieu est l’un de ses quatre principaux marchés au monde. Le quotidien China Daily précise que le groupe H & M possède 445 magasins en Chine, avec un chiffre de ventes en 2020 de 7,4 milliards de yuans (955 millions d’euros).

Aussitôt, H & M a publié une déclaration pour tenter de répondre à la polémique. La société y souligne que son approvisionnement en coton se fait via un intermédiaire certifié au niveau mondial, dans le but d’aider les producteurs de coton dans le monde entier à adopter des pratiques agricoles plus durables. “Comme toujours, le groupe H & M respecte les consommateurs chinois.”

Cette déclaration conciliante n’a pas suffi à calmer la situation. Pis, selon le site du tabloïd politique chinois Huanqiu Shibao, “les internautes chinois sont encore plus en colère !”. La sincérité du géant suédois est mise en doute. “Cette déclaration ne mentionne pas le Xinjiang, ni ne présente d’excuses sur ses propos qui ont discrédité le Xinjiang”, assène le journal.

Liste noire

Le 25 mars, Waitan Huabao, magazine de mode de Shanghai, dit regretter que “H & M, cette marque de prêt-à-porter autrefois très populaire en Chine, se fane du jour au lendemain”. Selon le magazine, c’est en réalité Better Cotton Initiative (BCI), une ONG fondée en 2009 en Suisse avec l’objectif de promouvoir de meilleures normes pour la culture du coton dans 21 pays et régions au monde, qui est à l’origine de ce “boycott du coton du Xinjiang”. Dans une capture d’écran du site de l’ONG qui circule sur les réseaux sociaux chinois, celle-ci indique avoir mis fin à toutes ses activités au Xinjiang en raison de la “détérioration de l’environnement opérationnel, résultant des accusations continues sur le travail forcé et d’autres violations des droits de l’homme dans la région autonome ouïgoure du Xinjiang”.

“Ces entreprises n’ont aucune éthique commerciale et ont dépassé les limites, calomniant la Chine en lançant de fausses accusations tout en faisant fortune dans le pays”, a dénoncé la télévision centrale chinoise CCTV. La télévision étatique a appelé à l’“autodéfense” des consommateurs chinois pour “donner une leçon aux entreprises indisciplinées en les boycottant”. En quelques heures, une liste noire de marques étrangères ayant pris position sur la question du Xinjiang a été établie et propagée sur les réseaux sociaux chinois.

Élan nationaliste

Des personnes publiques, à commencer par les stars du show-business, se pressent pour prouver leur patriotisme en renonçant à leur coopération avec ces marques. Dans l’un des nombreux articles du Quotidien du peuple consacré à ce sujet, on peut lire :

Récemment, Nike a annoncé être contre l’utilisation du coton du Xinjiang. Ce matin, des annonces de ‘fin de toute coopération avec Nike’ sont intervenues les unes après les autres !”

Dans cette ambiance d’esprits chauffés à la ferveur nationaliste, les rares appels au retour à la raison ne sont pas bien accueillis. Dans un article publié sur le site économique Caixin Wang, un commentateur du nom de Liu Xingliang commence par affirmer “soutenir le boycott de H & M, Nike et Adidas”. Puis il fait part de son souhait de “parler des limites du boycott”. L’article ne plaît pas aux censeurs. Sur le site de ce magazine économique réputé pour être le média chinois le plus courageux du pays, l’article a été supprimé.

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