2/1/21

Le Japon emprunte à tout va, sans risque… à lui-même! - Challenges

Qui détient, parmi les grands pays industrialisés, le record de dette publique par rapport à son PIB ? Le Japon, et il semble parfaitement s'en accommoder. Huit ans après la politique d'ultra-assouplissement dite de "bazooka monétaire" lancée par le gouverneur de la Banque du Japon Haruhiko Kuroda, l'Archipel caracole avec insouciance sur les cimes de l'endettement (266 %), soit plus de deux fois et demi le ratio américain (100 %), plus du double aussi de l'inquiétant ratio français (116 %). Ce dans une économie sans croissance depuis des années et avec une population vieillissante.

En 2020, le ministère des Finances s'est surpassé, profitant de l'épidémie de Covid-19 pour s'offrir une véritable saturnale : l'équivalent de près de 900 milliards d'euros de nouvelle dette émise, soit autant que les quatre années précédentes cumulées. Aveuglement ? Fuite en avant ? Pas tout à fait.

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Accoutumance à la monnaie magique

Le Japon ne risque rien avant longtemps sur le front de sa dette publique, assure Richard Katz, rédacteur en chef de The Oriental Economist Report , qui achève son prochain ouvrage sur l'économie nipponne. "Les pays qui ont connu une crise de la dette avaient tous les mêmes caractéristiques simultanément - un déficit budgétaire chronique et un endettement élevé auprès d'investisseurs étrangers -, résume t-il. Or, puisque la dette du Japon est émise par son ministère des Finances et presque intégralement souscrite, indirectement, par sa banque centrale, elle n'a pas vraiment d'importance. Le Japon se doit cet argent à lui-même. Personne ne peut dire à quel moment la dette sera intolérable. »

Mais cette accoutumance à la monnaie magique a bien un effet nocif sur l'économie. En s'habituant à emprunter à des taux nuls, voire négatifs, l'Etat a pris des aises de pétromonarchie : cette rente monétaire (41 % des recettes budgétaires en 2021) l'incite à la même désinvolture que s'il avait une rente pétrolière. Les budgets publics augmentent chaque année, sans débat sur le contrôle de la dépense.

En 2012, Shinzo Abe avait promis d'utiliser cette manne pour atténuer le choc d'un ambitieux programme de réformes ; Premier ministre, il ne l'a jamais entrepris. "L'objectif du retour à l'équilibre du budget primaire en 2025, hors service de la dette, est de facto abandonné", se lamente un cadre de la Banque du Japon. L'addiction à l'argent gratuit s'est propagée aux banques puis aux entreprises japonaises, désormais dispensées de tout effort pour atteindre une bonne santé financière. "Aujourd'hui, 40 % des créances japonaises ont un coupon inférieur à un quart de pour cent", observe Richard Katz.

 

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