La hausse de l'aversion pour le risque due à la crise a fait disparaître les flux internationaux de capitaux vers ces pays, a compromis le financement de leur déficit extérieur, et a conduit à une forte dépréciation du taux de change. Cette dernière appauvrit le pays avec la hausse induite des prix des importations. On peut penser ici au Brésil, à l'Afrique du Sud, à la Turquie, à l'Inde. Il s'agit enfin des pays avec une forte exposition aux secteurs en difficulté (tourisme, distribution traditionnelle, aéronautique et automobile…). Il s'agit, par exemple en Europe, de l'Espagne et de la France. Au total, ces trois groupes de pays souffrent plus que les autres (États-Unis, Chine, Japon, Allemagne…).
Impact économique et humain
La seconde hétérogénéité forte due la crise du Covid est l'hétérogénéité entre secteurs d'activité. Comme il a déjà été mentionné, certains secteurs sont en difficulté forte et durable (tourisme, distribution traditionnelle, transport aérien, immobilier de bureau, aéronautique, automobile). Les difficultés viennent de l'accélération de la transition énergétique, des changements de comportement (recul des voyages d'affaires, télétravail, consommation en ligne). D'autres secteurs sont en croissance, et même sont en croissance plutôt forte avec la crise du Covid (services informatiques, distribution en ligne, sécurité, pharmacie, logistique…). Le contraste entre ces deux groupes de secteur est donc très fort.
La troisième hétérogénéité massive créée par la crise est celle entre les individus, en raison de leur statut sur le marché du travail. Certaines personnes sont très protégées (salariés ayant des contrats de travail à long terme, salariés du secteur public) ; d'autres personnes sont mal protégées (salariés ayant des contrats de travail à court terme, intermittents et intérimaires, indépendants, petits artisans…). La hausse de la pauvreté est associée à la dégradation de la situation des personnes mal protégées.
Les jeunes sous l'avalanche
La quatrième hétérogénéité due au Covid, enfin, est de nature intergénérationnelle. Les jeunes en effet sont et vont être fortement affectés par la crise sanitaire. Certains mécanismes sont évidents : les difficultés d'accès des jeunes à un emploi, les difficultés des étudiants, le fait que les jeunes ont souvent des contrats de travail à court terme (cela concerne 40 % d'entre eux en France). Un autre mécanisme est moins souvent discuté. Les politiques monétaires très expansionnistes mises en place, avec la monétisation des dettes publiques, vont conduire, lorsque l'incertitude et l'aversion pour le risque reculeront, à une forte hausse du prix des actifs (actions, immobilier). Cette hausse du prix des actifs est très défavorable aux jeunes, qui doivent acheter des actifs pour préparer leur retraite, pour se loger, alors qu'elle est favorable aux personnes plus âgées qui détiennent déjà un patrimoine.
On voit donc les quatre diversions de l'hétérogénéité croissante qu'amène ou amènera la crise du Covid : hétérogénéité entre pays, entre secteurs, entre personnes, entre classes d'âge. Cette hétérogénéité multiforme aura des conséquences très importantes. La première est qu'elle va générer des tensions très importantes, géopolitiques et sociales. Après la crise de la Covid, la croissance de long terme du monde va être plus faible, ce qui résulte de la perte de capital productif (avec le recul de l'investissement, avec les faillites), de la perte de capital humain (avec la crise durable de certains secteurs, avec la hausse du chômage). Dans une configuration de croissance faible, les transferts des gagnants vers les perdants sont beaucoup plus difficiles à mettre en place que dans un environnement de croissance forte ; puisque les gagnants ne veulent pas perdre de revenu, d'où la tension puisque la situation des perdants ne peut pas être améliorée.
Politiques de protection
La seconde conséquence est que les politiques économiques doivent s'ajuster à cette forte hétérogénéité. Les gouvernements doivent compléter les politiques de protection sociale pour que les populations mal protégées le soient davantage ; ils doivent aider les jeunes à avoir un revenu pendant leurs études, plus tard à acheter un logement ; ils doivent développer les capacités de formation et de reconversion pour faciliter le transfert des salariés des secteurs en difficulté vers les secteurs en croissance.
De manière générale, s'il y a hétérogénéité croissante, les politiques globales deviennent inefficaces, puisque chaque secteur, chaque entreprise, chaque personne est dans une situation particulière. Il faut donc une très forte décentralisation des politiques pour qu'elles soient efficaces. Prenons un exemple. On a débattu en France des contreparties que les entreprises doivent apporter en échange des aides publiques. Mais la diversité des situations des entreprises implique que ces contreparties ne peuvent pas être choisies au niveau central, mais de manière spécifique, dans chaque secteur d'activité, dans chaque entreprise, par le dialogue social local.
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