Laurence Badel (L. B) : C’est une histoire inscrite dans la longue durée de l’histoire de l’Europe. Elle permet de revisiter l’histoire de ses relations internationales sous l’angle de ses pratiques diplomatiques.
Les grandes phases de la mondialisation des échanges depuis le XVe siècle sont scandées par l’ouverture et la fermeture de consulats, de légations, d’ambassades, par des conflits protocolaires, par des débats sur les langues de la négociation ou sur le siège des organisations internationales. Cette histoire met au jour les enjeux de puissance, les processus de socialisation, d’intégration ou d’exclusion des États dans la communauté internationale ainsi que des pratiques inédites de coopération et de négociation.
Si l’activité diplomatique fait l’objet d’une réflexion juridique importante depuis la fin du Moyen-Âge, elle n’a été encadrée que très récemment, au début des années 1960, par deux conventions, qui demeurent aujourd’hui la référence internationale. Lors de l’expulsion intervenue début février 2021 de trois diplomates allemand, polonais et suédois par la Russie, le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a estimé qu’ils se livraient à des actions inacceptables et incompatibles avec leur statut diplomatique et contrevenaient aux engagements de la convention de 1961 en matière de collecte ouverte de l’information. Cette invocation du droit diplomatique nous rappelle le caractère très récent de sa formalisation et les usages différents faits du droit international par les États. Mais pendant des siècles, l’activité diplomatique a reposé sur des pratiques coutumières.
À la vision stéréotypée d’un monde lisse et feutré, replié dans des bâtiments prestigieux, ce livre superpose la vie d’une population hétérogène d’attachés, secrétaires et conseillers d’ambassade, de consuls et d’ambassadeurs, pour partie nationaux du pays d’origine, pour partie personnel local. Il insiste aussi la cohabitation de fonctionnaires d’administration centrale et de fonctionnaires d’autres ministères qui, depuis un siècle, interviennent toujours plus dans la définition des politiques extérieures. Ayant travaillé dans un livre précédent sur la diplomatie économique de la France, je connaissais bien le rôle tenu par les fonctionnaires du ministère de l’Économie et des Finances dans la définition des politiques extérieures, et en particulier communautaires. J’avais pu aussi, à cette occasion, retracer l’histoire d’un corps de fonctionnaires méconnu, créé à la Libération, celui de l’Expansion économique, qui m’avait permis d’inscrire sur la durée l’histoire des attachés commerciaux des ambassades, délaissés par une historiographie classique préférant se concentrer sur le niveau des ambassadeurs et des décisions politiques et stratégiques. Aujourd’hui, l’intérêt pour ce personnel « subalterne » des ambassades (je n’aime pas le mot, mais il rend bien compte du caractère militant des approches actuelles, beaucoup plus sensibles aux acteurs, que j’appellerais « quotidiens », des relations internationales) s’est considérablement développé. Il anime aussi les travaux conduits sur la diplomatie consulaire. Plus généralement, je pense que « Diplomaties européennes » rend compte de la diversité des acteurs diplomatiques et paradiplomatiques, engagés sur la scène internationale, professionnels de la négociation, experts ou représentants issus de la société, et des combinaisons possibles de leurs activités.
Le livre revisite enfin l’histoire de l’intégration européenne sous l’angle de la coordination difficile des politiques étrangères de ses États. Une question qui ne date pas du traité de Lisbonne, mais qui avait été soulevée par la France au début des années 1960 avec les Plans Fouchet. Mon objectif était de lier une histoire très récente, celle de l’intégration européenne, et une histoire très ancienne parfois : celle de la construction de dispositifs étatiques (ou nationaux) destinés à récolter de l’information sur les marchés extérieurs, à promouvoir des intérêts, à protéger des ressortissants, à négocier et à représenter l’État (sous quelque forme qu’il soit) à l’échelle nationale. Cela impliquait de lier des historiographies et des disciplines universitaires différentes, d’affronter le double défi du risque de la téléologie et de la simplification de processus complexes pour proposer une lecture de ce que j’appelle l’ « expérience européenne ». Comment se met-on d’accord entre soi, quand on est si nombreux, avant de négocier avec le reste du monde ? L’Union apporte une réponse depuis la fin des années 1950.
- Laurence Badel
- Laurence Badel, publie Diplomaties européennes. XIXe-XXIe siècle, Paris, Sciences Po. Les Presses
P. V : Le titre de l’ouvrage est au pluriel : « Diplomaties européennes. XIXe-XXIe siècle ». Ce choix du pluriel veut-il souligner d’entrée la diversité des pratiques ?
L. B. : Oui, il s’agissait à la fois de déconstruire la notion de « diplomatie européenne » telle qu’elle apparaît dans nos medias comme synonyme de « diplomatie de l’Union européenne » et d’attirer l’attention, en premier lieu, sur la cohabitation, au sein de l’Union, d’États européens ayant une géographie, une histoire, des caractères différents et une manière d’intervenir sur la scène internationale, très variable.
Tous les États européens ne pensent pas comme nous et, pour travailler ensemble, en Europe et hors d’Europe, il faut avoir la conscience lucide de ces différences pour œuvrer à leur dépassement si on le souhaite.
Je voulais en particulier rappeler aux étudiants français la diversité des États de l’Europe, de leur système politique, de leur histoire et que l’on ne peut définitivement plus projeter les modes de représentations français, encore très centralisés et verticalement hiérarchisés, sur l’appréhension des réalités internationales sous peine de contresens. Tous les États européens ne pensent pas comme nous et, pour travailler ensemble, en Europe et hors d’Europe, il faut avoir la conscience lucide de ces différences pour œuvrer à leur dépassement si on le souhaite. Il y a de grands et petits États, des puissances moyennes, en bref, il existe des hiérarchies entres les États que leur égalité juridique, réaffirmée périodiquement depuis des siècles, n’a jamais supprimées. Toutefois ces hiérarchies ont varié dans l’histoire européenne, certaines grandes puissances ont connu des déclassements, inversement des États se sont affirmés. Pour certains petits États, l’intégration a été un multiplicateur d’influence, un tremplin pour leur essor économique et un facteur de régulation des rapports de force avec les Grands. Les politiques récentes qui tentent de refaçonner l’image de certains États sur la scène internationale (ce que l’on appelle le nation branding) jouent de ces traditions historiques.
Je souhaitais aussi parler des géométries européennes, des espaces de la négociation, de la résistance du bilatéralisme et de l’essor des régionalismes sur lesquels j’avais beaucoup réfléchi pour mon tout premier livre, et inclure dans la réflexion cette « Autre Europe » (Czeslaw Milosz) dont la vie politique, le développement économique, les engagements extérieurs ne se sont pas toujours faits sur le même tempo que ceux de l’Europe occidentale.
En parlant de diplomaties européennes plurielles, il s’agissait aussi de rappeler que les négociations conduites par l’Union européenne ne sont pas les seules négociations conduites par des Européens sur le continent et hors de lui. Elles se déclinent sur un mode bilatéral, transfrontalier, régional ou au sein d’autres enceintes internationales comme le Conseil de l’Europe ou l’OSCE. Elles s’affirment hors de l’Europe, comme au sein de l’Assemblée générale des Nations unies, même si les études de fond sont quasi-inexistantes.
P. V : De 1973 à 2020, comment le Royaume-Uni a-t-il influencé les usages et que laisse-t-il en héritage ?
L. B. : En ce qui concerne l’empreinte laissée par le Royaume-Uni depuis 1973, il faut commencer par rappeler que l’homme qui avait négocié son entrée dans la CEE, Edward Heath, perd les législatives de février 1974, et que son successeur Harold Wilson s’est fait élire sur la promesse de renégocier les conditions de cette entrée et de confirmer ce choix par voie référendaire. L’adhésion est confirmée en 1975, mais le Royaume-Uni se distingue immédiatement par sa non-participation au système monétaire européen (SME), puis sa demande portée par Margaret Thatcher d’un rabais sur sa contribution au budget européen. En outre, au Royaume-Uni subsiste une forte opposition à la Communauté européenne et les campagnes électorales y ont toujours eu une tonalité très critique vis-à-vis de « l’Europe », ce que l’Europe des Six des années 1960 n’avait jamais connu à ce degré (même si l’on tient compte de l’hostilité du PCF et du PCI à l’époque).
Ces premiers coups d’éclat ne doivent toutefois pas voiler une réalité : l’intégration étroite du Royaume-Uni à la réflexion et aux décisions européennes. La vulgate est de lui opposer un « couple franco-allemand » uni. La réalité des décennies passées a été beaucoup plus complexe.
Malgré leur hostilité à la politique agricole commune (PAC), les Britanniques n’ont pas obtenu de réforme profonde avant les années 1990 en raison d’une entrée concomitante avec deux États dotés d’un grand nombre d’agriculteurs (Irlande, Danemark). En revanche, pour trouver des dépenses communautaires qui pourraient leur rapporter un soutien financier plus important de la Communauté, ils ont contribué à l’essor de la politique régionale. Ils ont également maintenu, puis renforcé la politique commerciale dans la voie du libre-échange. Ils ont aussi été des partisans actifs de l’affermissement de la voix de la Communauté dans le monde et ont contribué à l’essor de la Coopération politique européenne (CPE), expression qui désigne le processus politico-administratif, qui débute dans les années 1970 et permet aux États de la Communauté de se coordonner et de parler d’une même voix dans le domaine de la politique extérieure. Le rôle de l’un des deux premiers commissaires européens britanniques, Christopher Soames, pour permettre l’instauration de relations diplomatiques entre la CEE et la République populaire de Chine est bien connu.
Le Royaume-Uni a pu aussi s’appuyer sur son « escorte » scandinave (pour reprendre le mot de Jean Wahl, conseiller commercial à Londres lors des négociations d’adhésion) et aussi, puis plus tard sur les États d’Europe centrale et orientale, où il a su, dès avant la chute du Mur de Berlin, orienter ses regards et actions. Le livre de Keith Hamilton (Transformational Diplomacy after the Cold War book. Britain’s Know How Fund in Post-Communist Europe, 1989-2003, Londres, Routledge, 2013) le montre bien.
Enfin, j’y insiste dans le livre, il y a l’influence invisible, celle qui se traduit dans le choix des hommes et l’inflexion des pratiques administratives de la Communauté. La formation des premiers Britanniques envoyés à Bruxelles tranchait avec celle des fonctionnaires des autres États, rompus au droit ou à l’économie : elle reflétait cette spécificité dont parle le livre, une éducation généraliste, fondée sur l’apprentissage des humanités, qui, dans les premiers temps, freine le pourvoi des postes auxquels ils avaient droit. Toutefois, les Britanniques recrutés étaient d’une grande qualité.
On assiste aussi dès la fin des années 1970 à des transferts d’éléments de la culture administrative britannique dans la culture communautaire façonnée par les Allemands et les Français. C’est notable dans l’attention prêtée à la circulation « horizontale » de l’information ou à la qualité des dossiers préparatoires des réunions de la Commission, dans le moins grand formalisme des relations quotidiennes entre les fonctionnaires. En revanche, le français résiste comme langue de travail et le basculement vers l’anglais n’a lieu qu’en 1995.
P. V : Pourquoi et comment l’espace européen est-il « en négociation permanente » ?
L. B. : Il s’agit du titre que j’ai donné au chapitre 10 du livre où j’essaie d’exposer l’« art de négocier » communautaire et extra-communautaire, qui a des conséquences quotidiennes sur le travail des États et leurs politiques internationales, et pas seulement extérieures. Mon approche se concentre sur les interactions entre l’espace national et l’espace européo-communautaire, sur les processus de coordination interne de chaque État, en amont des négociations communes, sur la mobilisation de coopérations bilatérales au profit du multilatéralisme communautaire, et sur la façon dont les États créé et renforcé des structures pour assurer la prise en compte de leurs intérêts à « Bruxelles ». Un Bruxelles d’ailleurs polycratique, où le Parlement est devenu co-décideur aux côtés de la Commission et du Conseil de l’Union depuis le traité de Lisbonne (2007).
A l’encontre des fantasmes, qui se sont exprimés, d’ailleurs dès l’origine, sur la création d’un « Super-État » supranational et dirigiste, imposant ses oukases à tous, je rappelle que, depuis 1951, la construction européenne stricto sensu est le fruit d’une succession d’accords interétatiques intra-européens. Ce que les États ont fait, les États peuvent le défaire. Le Brexit l’illustre. Comme l’a exprimé la Cour constitutionnelle allemande, ils demeurent « les maîtres des traités ». D’autre part, à partir du moment où ils ont franchi le pas, d’abord pour mutualiser leur production et leur vente de charbon et d’acier, ils ont équilibré la Haute-Autorité (de la CECA), devenue Commission (en 1957), incarnation de la dimension proprement supranationale, d’un conseil des ministres, assisté par un comité des représentants permanents (COREPER) qui incarne la présence des États à Bruxelles. La construction européenne ne les a pas sortis du jeu.
Leur présence s’est plutôt renforcée, mais il a fallu qu’ils adaptent leur mode de fonctionnement interne à l’émergence de ce multilatéralisme communautaire. Cette adaptation a touché en premier lieu les ministères des Affaires étrangères. Ils ont cherché à contrôler la coordination intérieure des administrations nationales, concernées à des titres divers par l’intégration en développant leurs compétences économiques pour résister aux demandes des ministères de l’Économie et des Finances, de devenir les maîtres d’œuvre de cette coordination et les négociateurs à Bruxelles. En France, au sein du Secrétariat général du comité interministériel pour les questions économiques européennes (SGCI), voué à assurer cette coordination, les diplomates ont été d’abord marginalisés au profit de l’inspection des Finances, avant d’y obtenir, à partir de 1980, un des deux postes de secrétaire général adjoint. Mon préfacier, le diplomate Pierre Sellal, qui avait débuté à la direction des Nations unies, puis au cabinet du ministre du commerce extérieur, a construit sa carrière européenne entre la Représentation permanente de la France auprès des Communautés européennes (où il est nommé la première fois en 1981) et le SGCI, où il travaille entre 1986 et 1990, avant d’exercer deux ans à Rome au palais Farnèse, puis de repartir à Bruxelles comme Représentant permanent adjoint en 1992. Sa carrière, dès lors, s’est déployée entre Paris et Bruxelles où il accéda aux plus hauts postes (le Secrétariat général du Quai d’Orsay, de 2009 à 2014 ; et la Représentation permanente, de 2002 à 2009, puis de 2014 à 2017). Les nouveaux entrants en 1973, 1981, 1986, etc. ont pu tirer profit de l’expérience des six Etats pionniers pour se préparer à leur entrée dans les Communautés.
Les États négocient également entre eux, à Bruxelles, à la table du Comité des représentants permanents (COREPER), ce groupement de fonctionnaires, souvent diplomates, qui préparent le travail du conseil des ministres. Dispositif central de la représentation des États à Bruxelles, le conseil des ministres de l’Union européenne est souvent confondu avec le Conseil européen, la réunion régulière des chefs d’État et de gouvernement, institué en 1974. Le Conseil (de l’Union) se réunit en fait en différentes formations sectorielles, qui rassemblent chacune les ministres en charge d’un domaine (Affaires économiques et financières ; Agriculture et pêche ; Compétitivité etc.). Celui des Affaires étrangères est doté depuis le traité de Lisbonne d’un président permanent, le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.
Quant au Conseil européen, beaucoup plus médiatisé, il donne à voir, par une mise en scène très ritualisée, la place des États au cœur de la construction européenne. Le Conseil annuel du printemps sert de lieu de concertation, informel et restreint aux chefs de gouvernement, avant le G 7, autre sommet également institutionnalisé dans les années 1970, à l’échelle occidentale.
Ce livre souligne aussi que loin de faire disparaître les négociations bilatérales au profit du multilatéralisme communautaire, celui-ci leur a donné une vigueur nouvelle. On parle de coopérations bilatérales « enchâssées » pour décrire les coopérations politique et administrative franco-allemandes ou de « bilatéralisme multiple » pour désigner les rencontres interétatiques préludant aux Conseils européens.
L’histoire de la diplomatie est aussi celle des violences faites aux diplomates ou commises par eux, celle des diplomaties économiques brandies comme des armes, des diplomaties culturelles transformées en outils de propagandes.
P. V : Avec la construction européenne, les rapports de puissance entre les États membres ont-ils disparu ?
L. B. : Non. C’est un aspect important du livre que de présenter les aspects méconnus d’une « intégration diplomatique » en gestation depuis les années 1970, soutenue, certes, par des pratiques de travail ou des gestes politiques attentifs à des formes de convergence tout en soulignant la résistance de logiques de puissance qui se manifestent tant dans le domaine commercial que dans le domaine culturel, deux exemples que je développe, et qui sont portées par ces « forces profondes », dont parlait l’historien Pierre Renouvin : les intérêts privées des entreprises, les « causes » des associations militantes et aussi ces émotions qui traversent les opinions publiques par-delà les frontières …
Il est certain que, tout en intégrant les perspectives culturalistes qui imprègnent les travaux des sciences humaines et sociales depuis une quarantaine d’années, ce livre en montre aussi les limites comme celle de la vision un peu irénique attachée à la diplomatie, art du consensus, de l’understatement, et du rapprochement des peuples. Non, l’histoire de la diplomatie est aussi celle des violences faites aux diplomates ou commises par eux, celle des diplomaties économiques brandies comme des armes, des diplomaties culturelles transformées en outils de propagandes.
P. V : Le Service européen pour l’action extérieure (SEAE)
est effectif depuis une décennie, quelles évolutions, quels bilans ?
L. B. : Honnêtement, un historien ne peut apporter aucune réponse originale à cette question. Le journaliste, le sociologue ou le politogue « en immersion » seront bien plus compétents. Tout au plus, peut-on rappeler là encore que l’on ne peut projeter sur cette structure ce que nous savons du fonctionnement des ministères des Affaires étrangères des États. Le SEAE est une structure dédiée à l’action extérieure de l’Union, ce n’est pas un « super-ministère » des Affaires étrangères de celle-ci, pas plus que Josep Borell, l’actuel « chef de la diplomatie européenne » n’en est le ministre des Affaires étrangères.
P. V : Construite pour faire la paix, l’Europe communautaire a-t-elle dans son ADN les moyens de penser et de mettre en œuvre une politique de puissance, voire une « simple » autonomie stratégique par rapport aux acteurs extérieurs ?
L. B. : En réalité, il faudrait rappeler que six mois après le discours fondateur de Robert Schuman du 8 mai 1950, la France, par la voix de René Pleven, a proposé de créer une armée européenne permettant d’intégrer de futures unités ouest-allemandes dans un ensemble placé sous une autorité européenne unique, militaire et politique. Le traité instituant cette « Communauté européenne de défense » a même été signé à Paris le 27 mai 1952. Le pays qui l’a vu naître est celui qui l’enterre, le 30 août 1954, par un vote de son Assemblée nationale. La phase la plus hardie de toute l’histoire de la construction européenne a alors vécu.
Il faut attendre la déclaration franco-britannique de Saint-Malo du 4 décembre 1998 pour voir promue « « une capacité autonome d’action, appuyée sur des forces militaires crédibles avec les moyens de les utiliser », une dynamique freinée par la guerre d’Irak de 2003, puis relancée par le traité de Lancaster House du 2 novembre 2010, qui fixe des objectifs d’intégration militaire aux deux seules puissances nucléaires de l’Europe. Le Brexit a transformé le sens à donner à cette coopération « européenne ». Les questions des années 1960 demeurent : quelle définition donner au concept d’autonomie stratégique européenne ? Comment la renforcer sans découpler la relation avec les États-Unis au sein de l’OTAN ? Comment travailler avec le Royaume-Uni, étroitement dépendant de ces derniers en matière nucléaire ou de renseignement depuis les accords de Nassau ? L’Allemagne tiendra-t-elle un rôle qu’elle ne pouvait alors assumer ?
Le seul accord intervenu avec les Britanniques depuis l’accord de retrait proprement dit (European Union (Withdrawal Agreement) Act 2020) est l’Accord de commerce et de coopération entre l’Union et le Royaume-Uni du 24 décembre 2020. Aucun texte ne porte encore sur la coopération en matière de politique étrangère et de défense. Une nouvelle fois, tout est à réinventer en tenant compte d’un passé commun étroit.
Copyright Février 2021-Badel-Verluise/Diploweb.com
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Plus
Laurence Badel, Diplomaties européennes. XIXe-XXIe siècle , Paris, Sciences Po. Les Presses, 2021. Sur Amazon
L’Europe de la diplomatie, dont cet ouvrage propose une histoire inédite, est celle de la cohabitation de ses grands, moyens et petits États, conjuguant diplomatie de puissance, diplomatie commerciale et diplomatie des valeurs, des empires multinationaux aux États-nations.
Les diplomaties européennes se caractérisent par la variété des pratiques, que ce soit dans la formation des personnels, la place faite aux femmes, la culture et la langue de négociation ou encore la manière de construire des réseaux et d’affirmer les identités.
L’Europe de la diplomatie, dont cet ouvrage propose une histoire inédite, est d’abord celle de la cohabitation de ses grands, moyens et petits États, conjuguant diplomatie de puissance, diplomatie commerciale et diplomatie des valeurs. Elle est aussi, des empires multinationaux aux États-nations, celle des coopérations qui se recomposent dans un cadre régional tout en se confrontant aux pratiques d’autres sphères.
La profonde transformation contemporaine du métier de diplomate doit se lire au regard de ces traditions, exposées à la complexité accrue des missions et à l’affirmation d’acteurs paradiplomatiques. Des usages propres à l’Union européenne se mettent en place lentement.
Pour autant, les rapports de puissance entre les États de l’Europe et le caractère éminemment politique de leurs échanges économiques et culturels demeurent.
Voir sur Amazon l’ouvrage de Laurence Badel, Diplomaties européennes. XIXe-XXIe siècle , Paris, Sciences Po. Les Presses, 2021.
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