Primo, il est plus que probable que Donald Trump surmontera le coronavirus : dans sa catégorie d’âge, le risque statistique de décès est d’environ 3 %, et autour de 5 % si l’on tient compte de son état de santé (notamment son obésité). Autrement dit, il y a 19 chances sur 20, peut-être même plus étant donné les soins particuliers dont il fait l’objet, pour que Trump guérisse de la maladie.
Deuxio, il est légitime de se poser la question de ce qui se passerait en cas de décès, ou même simplement de maladie grave de Trump. Il s’agit du dirigeant le plus puissant de la planète. Quand il est monté dans l’hélicoptère l’emmenant à l’hôpital, vendredi 2 octobre, l’un des militaires l’accompagnant portait une lourde mallette noire : le « football » contenant les codes en cas d’attaque nucléaire.
Tertio, personne n’a intérêt à souhaiter son décès, et l’on n’a d’ailleurs guère entendu cette petite musique sur les réseaux sociaux. Ce n’est pas seulement une façon morale de considérer les choses mais une évidence politique : personne n’a intérêt à voir Donald Trump décéder et devenir ipso facto un martyr.
Dernière remarque : personne ne peut sérieusement prédire les conséquences politiques de l’événement extraordinaire que vit le pays, tant il est inédit et tant le personnage, tout comme le culte qu’il suscite chez ses partisans, est unique.
Quels sont donc les scénarios possibles ? De nombreux détails sont impossibles à imaginer, mais voici 5 cas de figure.
1 - Le plus probable : Trump ne développe que des symptômes légers et récupère rapidement
- Situation institutionnelle. Il ne s’opère aucun transfert de pouvoir, même temporaire. Donald Trump continue de travailler, délégant s’il le souhaite plus de tâches au vice-président Mike Pence et à son entourage qu’à l’habitude. Ses médecins lui imposent une quarantaine, qui se terminerait deux semaines avant l’élection, mais cela n’entrave en rien ses prérogatives.
- Situation électorale. Le processus électoral suit son cours, à l’exception des meetings pendant la quarantaine, auxquels il devra évidemment renoncer. Il peut même participer à un débat, s’il le souhaite, dans les deux dernières semaines.
- Conséquences politiques. Côté positif pour lui, le capital de sympathie et, chez ses fans, l’image du « lion » ayant terrassé la maladie (ou une « méchante grippette », pour ceux qui persistent à ignorer la réalité de la Covid-19). Côté négatif, le fait que le coronavirus est désormais assuré d’être le sujet de la campagne. Non seulement la gestion calamiteuse de la pandémie reviendra sur le devant de la scène, mais également l’irresponsabilité de Tump et son clan dans les jours et semaines ayant précédé son infection.
2 - Trump tombe sérieusement malade
- Situation institutionnelle. Le 25e Amendement de la Constitution, ratifié en 1967, clarifie la situation en cas d’incapacité présidentielle et le planning en matière de succession. Pour faire court (sans les hypothèses improbables donnant lieu à des querelles sans fin entre constitutionnalistes), le président peut confier temporairement le pouvoir à son vice-président s’il juge cela nécessaire. Il le reprend quand il le souhaite. Cela s’est déjà produit en 1985, 2020 et 2007, à chaque fois pour des soins ou examens du colon du président en place.
Ce transfert peut aussi lui être imposé (par exemple s’il tombe brutalement dans le coma ou est pris de démence) par le vice-président, à condition qu’une majorité du cabinet ou d’un groupe nommé par le Congrès valide cette décision. Cela ne s’est jamais produit. A noter : le président, s’il retrouve la santé ou la raison, peut informer le Congrès qu' « il n’existe pas d’incapacité » et reprendre son poste. Si le groupe qui lui avait enlevé le pouvoir est en désaccord, il faut un vote du Congrès à la majorité des deux-tiers pour définitivement priver le président de son pouvoir.
- Situation électorale. Aucun changement en ce qui concerne le déroulement même de l’élection, mais Tump devrait renoncer aux meetings et apparitions publiques, qui galvanisent ses fans.
- Conséquences politiques. Une maladie grave ne permettrait pas à Trump de récupérer à 100 % avant l’élection, qui se tient exactement dans un mois. Même s’il s’attirerait un fort capital de sympathie, il est probable que les doutes sur sa santé l’emporteraient dans l’esprit des électeurs. Une victoire devient aléatoire, sachant que Trump était déjà distancé avant d’être frappé par le virus.
3 - Trump démissionne ou décède avant l’élection, ou entre l’élection et le 14 décembre
- Situation institutionnelle. Mike Pence devient immédiatement président. S’il est dans l’incapacité de le faire, le Speaker de la Chambre des représentants vient ensuite dans l’ordre de succession (Nancy Pelosi), suivi du président pro tempore du Sénat (Charles Grassley, doyen du parti majoritaire). Là encore, les questions liées à la chaîne de pouvoir font l’objet de controverses byzantines chez les constitutionnalistes.
- Situation électorale. C’est là que les choses se compliquent. Si Trump décède avant le 3 novembre, l’élection peut-elle être retardée ? Sur le papier, oui : le Congrès fixe la date du scrutin, il peut la changer. Mais la marge de manœuvre est très étroite : la Constitution stipule que le nouveau président prend ses fonctions le 20 janvier.
En théorie, toute loi est modifiable, même la Loi fondamentale. Mais politiquement, il est plus qu’improbable que les démocrates acceptent un tel scénario.
Autre hypothèse : le Comité national républicain se réunit en urgence pour désigner un candidat remplaçant, probablement Mike Pence. Le Comité, présidé par Ronna McDaniel (dont on a appris vendredi 2 octobre qu’elle était elle aussi positive au coronavirus), compte 3 membres par Etat ou territoire.
Problème : dans la plupart des Etats, il est trop tard pour changer les bulletins de vote. Des millions ont déjà été imprimés, envoyés aux électeurs pour ceux qui souhaitent voter par correspondance, et 2,2 millions d’Américains ont déjà voté. Au final, il serait presque impossible de changer le nom du candidat républicain, à l’échelle du pays, sur les bulletins de vote.
Reste la possibilité d’agir entre l’élection et le 14 décembre. Ce jour-là, les électeurs du collège électoral éliront formellement le nouveau président. Celui-ci doit recevoir au moins 270 des 538 votes. Ces électeurs sont désignés par les Etats, en fonction, bien sûr, du résultat du vote populaire. Certains Etats obligent légalement leurs électeurs à voter, le 14 décembre, pour le candidat de leur camp dont le nom figure sur le bulletin de vote -- Trump, en l’occurrence, chez les républicains. D’autres Etats ne stipulent pas formellement cette obligation.
On peut imaginer un scénario ou le Comité national républicain demanderait à tous ces électeurs de voter pour Pence à la place de Trump. Prévoir des comprimés contre la migraine : les tours et détours juridiques risquent d’être intéressants !
- Conséquences politiques. Inutile de dire que les démocrates combattraient par tous les moyens, dans le cas où Trump (vivant ou mort) aurait remporté l’élection du 3 novembre, une telle « élection » de Pence par le collège électoral. Une crise politique grave risquerait de secouer le pays.
4 - Trump décède après le 14 décembre mais avant le 6 janvier
- Situation institutionnelle. Le 6 janvier est la date à laquelle le Congrès certifie le vote du Collège électoral. Si le président venait à décéder entre ce vote et la certification par le Congrès, que se passerait-il ? La Constitution n’est pas claire sur un point central : devient-on « président élu » avec le vote du Collège électoral (14 décembre), ou seulement après certification par le Congrès (6 janvier) ?
- Situation électorale. Au cas où le Congrès rejetterait le vote du Collège électoral, du fait d’un décès de Trump, la Chambre des Représentants pourrait trancher et choisir le prochain président, mais selon un système de vote (la délégation de chaque Etat dispose d’une voix) qui risque de donner la majorité aux républicains.
- Conséquences politiques. On n’ose imaginer le chaos, dans le cas où les républicains utiliseraient cette manœuvre au Congrès pour tenter d’imposer leur candidat.
5 - Trump, élu, décède après que le Congrès ait certifié le résultat de l’élection
La situation est claire, même si le décès de Trump survenait entre le 6 janvier (certification) et le 20 janvier (prise de fonctions) : Mike Pence devient président des Etats-Unis.
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