La perspective d’avoir le nom du nouveau président dans les jours suivant le scrutin s’éloigne, et chacun se penche sur les possibles recours. Donald Trump n’a ainsi pas caché vouloir prendre l’avantage à la Cour Suprême en nommant Amy Coney Barret, mais pas question d’en rester là. Selon The Atlantic, ses équipes envisagent de faire jouer l’article II de la Constitution américaine qui permet à la législature de chaque État de choisir directement les grands électeurs, en se passant donc du vote populaire.
Ce qui est désigné par le terme plutôt technique de “législature”, c’est en fait la branche législative dont dispose chaque État. Elle est incarnée par deux chambres, haute et basse, ou Sénat et chambre des représentants, comme une sorte de mini Congrès, mais au niveau fédéral.
“D’après des sources nationales ainsi qu’au parti républicain, la campagne de Trump discute de plans d’urgence pour contourner les résultats des élections et nommer directement de grands électeurs fidèles dans les États où les républicains détiennent la majorité législative. Avec une justification basée sur des allégations de fraude effrénée, Trump demanderait à la législature des États d’annuler le vote populaire et d’exercer leur pouvoir de choisir directement une liste d’électeurs”, écrit The Atlantic.
Une manœuvre tout à fait légale
La Constitution américaine ne garantit pas le droit aux citoyens de voter pour élire leur président et de fait sur la fin du 18e siècle, dans la majorité des États, les législateurs choisissaient directement les grands électeurs. En 2020 aussi? “Il faudrait que gouverneur, sénat et assemblée tombent d’accord. Ce genre de chose n’est jamais arrivée dans l’histoire récente, et sans nul doute que pour certains États, cela demanderait des ajustements législatifs. Il faudrait par ailleurs que le gouverneur rappelle les deux chambres pour une session extraordinaire”, commente pour Le HuffPost, Lonna Atkeson, professeur de science politique, et directrice du Center for the Study of Voting, Elections and Democracy à l’université du Nouveau-Mexique.
Si la spécialiste n’exclut pas un tel événement dans la campagne actuelle, elle explique cependant qu’il interviendra forcément après le scrutin du 3 novembre. Comme elle le précise, ce n’est pas Donald Trump qui a le pouvoir de demander aux États, mais eux-mêmes qui doivent se saisir. Rien ne l’empêche cependant de faire pression, en dépit du coût politique important que représenterait la manoeuvre. ”Si cela se décide, ce sera après le 3 novembre, personne ne prendra le risque de priver de vote les citoyens. Les législatures des États ont après tout elle aussi des électeurs à choyer. La seule possibilité pour que cela arrive, je crois, c’est si par exemple au moins 20% des bulletins sont considérés comme non recevables ou ne peuvent pas être comptabilisés. Il y a peu de chances que cela arrive, mais jamais une élection n’avait été nourrie par autant d’incertitudes”, ajoute Lonna Atkeson.
Le calendrier électoral est très serré et les litiges qui s’annoncent risquent de reculer encore un peu plus la composition définitive du collège électoral final. Ce dernier doit se réunir le 8 décembre pour élire le chef de l’État. Un nouveau président doit dans tous les cas être à même de prêter serment le 20 janvier. Si tel devait ne devait pas être le cas, alors la ligne de succession prévoit que c’est le speaker de la Chambre des représentants qui prendrait le relai à la Maison Blanche. Si le poste est actuellement occupé par Nancy Pelosi, le mandat de cette dernière prend fin le 3 janvier, trop juste donc pour prétendre au bureau ovale en pareil cas de figure.
Quel bénéfice pour Trump?
Si la campagne de Trump se prépare à l’éventualité de faire pression sur les législatures, c’est aussi parce que cette stratégie a de fortes probabilités de lui donner au moins un léger avantage. Concrètement, les États où les républicains sont majoritaires dans les deux chambres et où c’est également un gouverneur républicain qui a été élu, sont au nombre de 21. Ce triplé majoritaire s’appelle une “trifecta”, précise David Schultz, professeur de Science politique à l’université de Hamline dans le Minnesota, sur The Hill. Résultat, Donald Trump pourrait compter 216 grands électeurs en sa faveur, contre 195 pour Joe Biden, les démocrates ne comptant que 15 trifectas dans l’ensemble des États-Unis.
À cela il faut ajouter pour chacun des deux camps, les États où le gouverneur et les deux chambres ne sont pas de la même majorité. Résultat, Trump gagnerait entre autres de grands électeurs dans le Kansas et le Kentucky, et Joe Biden dans le Maryland et le Massachusetts. De quoi porter le total de 230 grands électeurs en faveur du président sortant contre 216 pour son challenger.
Après ces deux premiers décomptes, les deux candidats auraient à se départager 92 grands électeurs répartis dans dix États où la majorité est partagée dans les deux chambres entre les républicains et les démocrates.
Plusieurs choix sont alors possibles, soit par un compromis soit par une répartition selon les districts. Dans tous les cas, note David Schultz, Donald Trump conserverait son avantage. Enfin, si aucune des législatures de ces dix États restants n’était en mesure de se mettre d’accord sur la façon de designer les grands électeurs, la Chambre des représentants des États-Unis prendrait alors le relai, ni Biden ni Trump n’étant en mesure d’afficher les 270 grands électeurs nécessaires pour accéder à la Maison Blanche. Chaque État disposerait d’un vote. Or relève David Schultz: “Même si les démocrates ont une majorité globale à la Chambre, les républicains maintiennent un contrôle à la majorité partisane de 26 à 22 sur les délégations du Congrès”. Trump aurait alors toutes les chances d’être réélu. Un scenario certes lointain, mais dans les faits, pas impossible.
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