Épargne de précaution, épargne désir, épargne forcée… Au cours des trois dernières décennies, les Français auront vécu tous les cas de figure.
Début des années 90 : essor de l’épargne de précaution
Épargne
de précaution d’abord. C’est le cas au début des années 90. L’activité
ralentit, les revenus aussi, le pouvoir d’achat, lui, recule et contre
toute attente le taux d’épargne s’envole, passant de 11 à 15%. Les flux
d’épargne passent ainsi de 69 milliards d’euros en 1989 à 105 entre
1993, en hausse de 52%. Or, en phase de ralentissement, les ménages
puisent habituellement dans leur épargne ce qui permet d’amortir les
variations de la demande intérieure, une épargne qu'ils reconstituent
une fois la croissance retrouvée.
Mais là rien de tel,
l’évolution de l’épargne est procyclique, la consommation flanche,
l’économie française tombe en récession début 1993. Imputée au départ à
la guerre du Golfe, cette hausse du taux d’épargne a joué les
prolongations. Avec la crise, le nombre de sans-emploi explose et le
taux de chômage passe pour la 1re fois la barre des 10%. Les craintes
des ménages concernant l’évolution du chômage s’envolent et restent à un
niveau élevé entraînant un gonflement inédit de l’épargne de
précaution. Avec pour conséquence sur cette période une part croissante
des revenus financiers dans les ressources des Français. Des revenus le
plus souvent réinvestis ce qui participe à la déprime de la
consommation.
Le boum de l’épargne financière jusqu’en 2000
L’amélioration
de la conjoncture et la hausse des revenus à partir du milieu des
années 90 jusqu’en 2000 changent finalement assez peu la donne. Les
ménages maintiennent leur effort d’épargne, mais en matière de flux, on
passe d’une moyenne de 94 milliards d’euros mis de côté chaque année au
début des années 90 à près de 115 en 2000, en hausse de 22%.
Une
évolution portée par l’épargne financière. Les innovations se sont en
effet succédé et ont multiplié les supports d’épargne des ménages :
création des OPCVM monétaires au début des années 80, des Plans
d’épargne populaire en 1990, du Plan d’épargne en actions en octobre
1992. Par ailleurs, l’offre, s’agissant de ces nouveaux produits ou de
produits préexistants (comme l’assurance-vie), s’est progressivement
adaptée à une demande plus variée (multiplication des réseaux,
multiplication des modalités de placements sur un même support, avec
versements programmés, versements libres, etc.). Les taux d’intérêt
réels sont hauts, la bourse vole de record en record et le CAC
s’approche des 7 000 points en septembre 2000. Pour une partie de la
population, les produits d’épargne deviennent un objet de convoitise et
le plaisir de voir son épargne gonfler jour après jour concurrence celui
procuré par l’achat d’un bien.
Retour des comportements de (super-)précaution
Les
années 2000 marquent une rupture dans la composition du taux d’épargne.
Ce n’est plus l’épargne financière, mais l’investissement logement qui a
les faveurs du public. Entre temps, les taux réels ont baissé, la
bourse a flanché et la pierre est en pleine ascension.
Mais la
grande récession de 2008-2009 et les crises à répétition marquent le
retour des comportements de précaution. Les inquiétudes sur l’évolution
du marché du travail poussent les Français à se constituer un matelas de
sécurité de plus en plus liquide, ce qui amplifie les effets de la
crise. La consommation lâche, le PIB recule la France entre à nouveau en
récession. Ce n’est qu’à partir de 2015 que la pression se relâche, la
croissance est de retour, les taux font du rase-mottes. Les Français
puisent dans leur épargne financière, l’investissement logement se
maintenant.
C’est dans ce contexte que la crise de la Covid-19
survient et fait sauter tous les repères. Confinés, les Français dont
les revenus ont été en partie préservés ne peuvent plus dépenser. Le
taux d’épargne explose et passe au-dessus des 27%, c’est plus de 5,5
points au-dessus de son ancien record de 1974. En 6 mois, près de 175
milliards sont mis de côté, c’est près de 65 de plus qu’au 1er semestre
2019 une hausse de 58%. Une épargne forcée que les Français ont
finalement très peu débloquée avec le déconfinement. De mars à août, le
montant net des dépôts bancaires a atteint plus de 100 milliards
d’euros. C’est plus de 60 milliards de plus que la moyenne constatée sur
les 5 dernières années.
La collecte nette sur les livrets A
et LDDS a dépassé 31 milliards d’euros sur les 8 premiers mois de
l’année. C’est quasiment deux fois plus qu’en 2019 sur la même période.
Ce montage d’épargne, les Français ne vont pas y toucher de sitôt. Leurs
inquiétudes sur l’évolution du chômage sont à des niveaux
historiquement hauts tout comme l’opportunité d’épargner alors qu’avec
la multiplication des cas positifs au Covid de nouvelles restrictions
sanitaires ont été mises en place. L’épargne forcée par les
circonstances s’est transformée en épargne de super-précaution. La
consommation cale déjà et les perspectives de reprise s’éloignent.
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