03/07/2020

Voir loin! l'après Covid... 74% des dirigeants d'entreprise européens estiment que le chômage va augmenter dans leur pays.

La dynamique en cours du marché du travail est peut-être un moyen de toucher du doigt la complexité de la crise que l'économie mondiale est en train de vivre. La BRI, dans son dernier rapport annuel, tente de styliser le déroulé de celle-ci. Pour pointer le risque d'un changement en profondeur de la régulation d'ensemble du système économique. Cela pourrait alors ne pas être pour le meilleur. Comment faire pour éviter qu'un tel enchainement s'enclenche ? Alors même que l'on scrute les signes d'une amélioration de l'économie (et qu'ils apparaissent !), il faut encaisser le choc d'une dégradation forte du marché de l'emploi. L'Allemagne, pourtant bon élève, n'échappe pas à la règle. Si la hausse du nombre de chômeurs en juin a été moins forte qu'attendue, elle atteint pourtant 678 000 sur les trois derniers moins connus (+30% par rapport à mars !).

Que va-t-il se passer dans les mois et trimestres à venir ? Les dirigeants d'entreprises, interrogés tout autour du monde par McKinsey  en juin dernier, envoient un message plutôt pessimiste. Si ce n'est aux Etats-Unis, ils sont une majorité à considérer qu'à un horizon de six mois, le taux de chômage montera dans leur pays. En Europe, la proportion atteint 74%.

Comment comprendre cette perspective différente outre-Atlantique ? Il faut prendre en compte que le traitement « social » du chômage varie d'une zone à l'autre et obscurcit les projections relatives. Ainsi en Europe, les systèmes de chômage partiel maintiennent au sein de la population active employée des gens qui ne travaillent pas. Ce qui freine la montée du nombre de chômeurs. Aux Etats-Unis, le processus d'aide mis en place ne masque pas la montée du chômage dans un premier temps, mais permet que la réouverture de l'économie s'accompagne d'une décrue de celui-ci. Dans tous les cas, on doit pouvoir dire qu'il est plus que probable que, sauf exception, le taux de chômage au début de 2022 sera dans l'essentiel des pays supérieur à ce qu'il était deux ans auparavant.
   L'essentiel n'est peut-être pas là. Ce traitement différencié du choc intervenu sur le marché du travail reflète avant tout la complexité de la situation actuelle. Comment appréhender les implications d'une épidémie qui, au travers des politiques de santé publique menées, se transforme en crise économique et financière que l'on tente d'enrayer avec des moyens budgétaires, monétaires, voire réglementaires, inusitées, tant le calibrage des interventions est élevé ? Arrêtons-nous sur la déclinaison de la politique économique dans cet environnement compliqué, caractérisé par des chocs différenciés : offre vsdemande, court terme vs moyen terme, secteurs bénéficiaires vs secteurs pénalisés, pour n'insister que sur ceux-là.
   La Banque des Règlements Internationaux (BRI) vient de publier son rapport annuel Celui-ci est communément un des rendez-vous les plus stimulants pour qui recherche des éléments analytiques de compréhension de l'environnement économique et financier. La description du déroulé de la crise et de la mise en place des initiatives « qui vont bien » est très éclairante. Faisons-en une brève synthèse.
   Il y a communément trois phases dans le déroulé d'une crise économique qui embarque une dimension financière importante : illiquidité, insolvabilité et reprise. Sachant qu'il y a des chevauchements entre elles et que la situation de départ influence ce déroulé. Le séquençage est généralement le suivant.
Lutter contre le risque d'illiquidité en stabilisant le système financier et/ou en assurant que le trésor public est en situation de se substituer à lui où de l'épauler ;
Gérer l'insolvabilité en favorisant là où cela est nécessaire la restructuration des bilans, la fermeture des capacités de production devenues excédentaires et la réallocation des « facteurs de production » ;
Favoriser la reprise de la demande.
Les instruments monétaire, règlementaire et budgétaire ont chacun leur place dans ce processus de gestion et de sortie de crise. En sachant que les politiques de relance sont moins efficaces quand les séquences 1 et 2 restent majoritaires.
   Selon la BRI, l'économie mondiale se trouve aujourd'hui à un moment où les phases 2 et 3 sont « dominantes ». En gardant à l'esprit que le choc d'offre et les évolutions sectorielles qu'il implique forcent à ne pas sous-estimer la première d'entre elles-deux (l'insolvabilité). En oubliant pas que l'incertitude sanitaire oblige à ne pas écarter l'hypothèse d'un surcroît de soutien par la politique économique. Au point de devoir s'interroger sur les limites de l'interventionnisme monétaire et budgétaire ?
   La BRI pose évidemment la question de savoir si le monde sera demain plus ou moins inflationniste qu'avant la crise du COVID-19. Bien sûr, elle ne répond pas directement. Mais elle n'écarte pas le retour à un équilibre proche de celui connu dans les décennies qui ont suivi la deuxième guerre mondiale : un poids du secteur public plus important, plus de dette, une économie moins ouverte sur l'extérieur et donc plus d'inflation. Avec alors un conflit d'objectif entre le gouvernement et la banque centrale. Le premier exigeant des taux d'intérêt bas que la seconde devrait ne pas vouloir lui procurer.
   On l'aura compris ; la BRI n'est pas en faveur d'une telle perspective. Les acquis des décennies les plus récentes doivent être préservées : une économie ouverte, une attention à l'efficacité des systèmes de production et des politiques économiques qui ne sont pas « exagérément » sollicitées. Pour ce faire, proposer des stratégies de sortie des réglages extrêmes des instruments monétaire et budgétaire paraît s'imposer. Cela devra être fait avec le doigté (calendrier et communication) nécessaire ; ce n'est en rien facile.

Source Economie Matin 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Ce blog est ouvert à la contradiction par la voie de commentaires. Je tiens ce blog depuis fin 2005; je n'ai aucune ambition ni politique ni de notoriété. C'est mon travail de retraité pour la collectivité. Tout lecteur peut commenter sous email google valide. Tout peut être écrit mais dans le respect de la liberté de penser de chacun et la courtoisie.
- Je modère tous les commentaires pour éviter le spam et d'autres entrées malheureuses possibles.
- Cela peut prendre un certain temps avant que votre commentaire n'apparaisse, surtout si je suis en déplacement.
- Je n'autorise pas les attaques personnelles. Je considère cependant que ces attaques sont différentes des attaques contre des idées soutenues par des personnes. Si vous souhaitez attaquer des idées, c'est bien, mais vous devez alors fournir des arguments et vous engager dans la discussion.
- Je n'autorise pas les commentaires susceptibles d'être diffamatoires (au mieux que je puisse juger car je ne suis pas juriste) ou qui utilisent un langage excessif qui n'est pas nécessaire pour l'argumentation présentée.
- Veuillez ne pas publier de liens vers des publicités - le commentaire sera simplement supprimé.
- Je suis pour la liberté d'expression, mais il faut être pertinent. La pertinence est mesurée par la façon dont le commentaire s'apparente au sujet du billet auquel le commentaire s'adresse. Si vous voulez juste parler de quelque chose, créez votre propre blog. Mais puisqu'il s'agit de mon blog, je vous invite à partager mon point de vue ou à rebondir sur les points de vue enregistrés par d'autres commentaires. Pour ou contre c'est bien.
- Je considère aussi que la liberté d'expression porte la responsabilité d'être le propriétaire de cette parole.

J'ai noté que ceux qui tombent dans les attaques personnelles (que je supprime) le font de manière anonyme... Ensuite, ils ont l'audace de suggérer que j'exerce la censure.