Emmanuel Macron l’avait déjà laissé entendre le 14 juin, lors de sa dernière adresse télévisée à la nation. «Notre pays va connaître des faillites et des plans sociaux multiples en raison de l’arrêt de l’économie mondiale», avait prévenu le chef de l’État, en appelant déjà à une «reconstruction économique» de la France et promettant de «tout faire pour éviter au maximum les licenciements». Ce vendredi, dans son interview à la presse régionale, il a été encore plus clair: «la rentrée sera difficile et il faut s’y préparer».
Pronostiquer qu’elle sera «difficile» est au mieux un euphémisme, au pire une lapalissade. La rentrée de septembre, de l’avis de tous les experts, va être bien pire, c’est-à-dire apocalyptique. En réalité, comment pourrait-il en être autrement, tant la déflagration économique que la France endure est d’une violence inédite? Les Français - qui dans leur grande immense majorité ont été pour l’heure épargnés par les conséquences de la crise sanitaire - ne s’en rendent pas compte mais l’horizon est des plus sombres, pour ne pas dire des plus noirs.
Il suffit d’égrener les prévisions des principaux indicateurs macroéconomiques pour le mesurer. La contraction du PIB? Elle sera au moins de 11 %, ce qui équivaut à un bond en arrière de 270 milliards d’euros en termes de créations de richesses. Le déficit? Il sera supérieur à 250 milliards d’euros en fin d’année, soit 5 fois plus important que le niveau attendu à date avant la crise. L’argent public mis sur la table? Pas moins de 460 milliards d’euros en garanties de prêts bancaires, aides directes à des secteurs en difficulté, financement du dispositif de chômage partiel ou primes diverses distribuées à ceux qui en ont besoin. Du jamais vu en temps de paix!
Les destructions d’emploi vont atteindre des sommets et sans doute frôler le million sur l’année
L’impact social de cette crise fait déjà froid dans le dos: premières faillites (ou dépôts de bilan) d’enseignes bien connues des Français et annonces de plans sociaux taille XXL de grandes entreprises (Airbus, Air France…). Les destructions d’emploi vont atteindre des sommets et sans doute frôler le million sur l’année. Un record en si peu de temps! Le chômage devrait pour sa part bondir de deux ou trois points en quelques mois, pour tangenter voire dépasser les 11 % de la population active, un taux là encore jamais atteint (il a grimpé jusqu’à 10,8 % en 1994) par le passé. Quant aux 700.000 à 900.000 jeunes (diplômés ou pas) qui vont tenter leur chance sur le marché du travail en septembre, ils vont trouver portes closes dans les entreprises privées qui ont déjà gelé toutes leurs embauches. Sine die.
Le terreau, de surcroît, est plus que jamais propice à l’explosion sociale après les soubresauts des trois premières années du quinquennat Macron. La révolte des «gilets jaunes», à l’hiver 2018, et la récente fronde contre la réforme des retraites - que le président de la République veut remettre en chantier dès cet été - ont laissé des traces indélébiles dans l’opinion. Beaucoup ont donc une revanche à prendre sur le patron de l’exécutif et se serviront du premier prétexte, réel ou feint, qui se présentera à eux pour tenter leur chance et faire plier le président.
Alors que la République a vacillé sous les coups de boutoir répétés de centaines de milliers de «gilets jaunes», on peut craindre le pire si une plus grande part de la population se mobilise - à commencer par sa jeunesse qui se voit déjà sacrifiée - frappée par la dureté de la crise économique et surtout sociale. «Une étincelle à un endroit pourrait provoquer un embrasement…», prévenait à juste titre, il y a dix jours dans Le Figaro, François Moreau, le président de LHH (ex-Altedia), le cabinet d’accompagnement et de conseil RH du groupe Adecco.
C’est dire l’immensité de la tâche qui attend Jean Castex, le premier ministre qu’Emmanuel Macron s’est choisi pour la fin de son mandat: redresser la France, bien sûr, et surtout éviter qu’elle ne se fracture plus… À coup sûr, une mission à très haut risque!
Source Figaro Vox par Marc Landré
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