23/05/2020

Ce que la crise va changer : les leçons d'un confinement, via @LePoint

L'épidémie ralentit, mais la peur qu'elle suscite est encore bien présente, au point même de ralentir la reprise économique. La crise a renforcé les tendances lourdes du monde d'avant : plébiscite de l'échelon local ; défiance envers les niveaux nationaux ou supranationaux ; attentes démultipliées envers les entreprises, sommées de mettre en adéquation les paroles et les actes dans une période de menace sur l'emploi.

La peur du virus s'installe durablement dans tous les pays touchés par l'épidémie

Alors que les courbes des décès retombent fort heureusement dans la plupart des pays, les courbes de la peur liée au virus continuent, elles, de plafonner, signe que si l'épidémie ralentit, la crainte, elle, reste très présente. C'est ce que montre le baromètre No Com des deux crises, la sanitaire et l'économique, réalisé des deux côtés des Pyrénées.



Le besoin d'hyperprotection l'emporte pour l'instant sur la reprise économique : 65 % des Français considèrent qu'il est préférable d'adopter un excès de précaution pour protéger la santé plutôt qu'un retour rapide à la vie normale pour protéger l'économie. Même réflexe du côté espagnol où huit citoyens sur dix font le même choix. En revanche, les opinions publiques des deux pays ne s'accordent pas sur quelle est la plus grande menace aujourd'hui : une majorité de Français perçoit déjà la crise économique comme la première menace (58 %) alors qu'une majorité d'Espagnols considèrent qu'il s'agit encore de l'épidémie (53 %). Ceci montre que la santé pour soi reste pour l'instant la préoccupation majeure, mais que cette situation pourrait évoluer rapidement et la peur sociale l'emporter sur la peur sanitaire.
Justement, la crise sanitaire est-elle derrière nous ? Est-elle encore devant nous avec une hypothétique deuxième vague ? La prudence semble aujourd'hui de mise dans les propos des responsables publics qui adaptent leur vocabulaire pour faire passer le message du déconfinement progressif. En France, on parle de « vie normale ». En Espagne, on parle de « Nueva Normalidad », la Nouvelle Normalité, avec des majuscules, plus chic et calqué sur le « new normal » des Américains. Autre différence, l'Espagne déconfine en quatre phases extrêmement complexes, freinant ainsi par exemple la reprise de Madrid, moteur économique espagnol, qui reste encore dans la phase de confinement marqué ; quand la France déconfine en couleurs : rouge ou vert. Restaurants ouverts au-delà, fermés en deçà. Réunions de dix personnes autorisées en deçà, interdites au-delà… La France et l'Espagne ne se sont accordées que sur une quatorzaine « obligatoire » pour les personnes qui traverseraient la frontière : une manière de décourager les touristes et de ralentir les échanges économiques entre deux pays au nombre de victimes pourtant proche et qui ont fait des choix de déconfinement opposés.


Plus de proximité, c'est plus de confiance

Plus on est proche, plus on fait confiance. Voilà la conclusion que l'on pourrait tirer du confinement français. Les Français plébiscitent leurs élus locaux, notamment les maires, auxquels 80 % accordent leur confiance dans la gestion de la crise sanitaire et 75 % aux élus locaux pour atténuer les effets de la crise économique. La grande distribution, très sollicitée pendant la crise et qui a misé sa communication sur la proximité avec le choix du made in France et du consommer local, est récompensée de ses efforts : 55 % des Français lui font confiance. Un score qui grimpe jusqu'à 83 % en Espagne.


Le revers de la confiance, c'est l'éloignement. Union européenne et gouvernements obtiennent en France et en Espagne des scores proches et faibles : 40 % pour l'UE et autour d'un tiers de confiance pour les exécutifs nationaux. Les reproches sont nombreux pour l'UE : absence de coordination sanitaire ; absence de coordination scientifique avec l'échec de Discovery ; absence de coordination sur l'ouverture ou la fermeture des frontières, absence de leadership d'une présidence de Commission inconnue et inaudible. Les États décident et l'opinion s'interroge sur l'utilité de l'entité européenne. Avant la crise, les quatre grands pays européens montraient déjà un niveau de défiance préoccupant : un Allemand sur deux accordait sa confiance à l'UE, quatre Espagnols et Italiens sur dix et moins d'un tiers des Français.


Le monde de l'entreprise contraint de s'adapter et d'apporter les preuves de sa quête d'exemplarité

Le télétravail a progressé dans la société française, confinement oblige. Un actif sur trois et sept cadres sur dix ont eu recours au télétravail et une large majorité (73 %) souhaitent réitérer l'expérience. Une demande des salariés qui va sans doute changer les habitudes des entreprises et qui consacre, comme le rappelle la une du Point de cette semaine, le « boulot sans le métro ». Cette évolution accroît encore les différences entre salariés, entre ceux qui peuvent avoir recours à ce mode d'organisation et ceux pour qui cela est dans les faits impossible. Le fait que la peur du virus soit plus forte parmi les catégories populaires que dans les catégories aisées vient du fait que les premières ont été exposées alors que les secondes ont été protégées par le télétravail.


Au-delà des adaptations d'organisation comme le télétravail, les entreprises vont devoir donner des gages du changement qu'elles ont amorcé avec la crise du coronavirus. Dans les discours, la crise agit pour certaines entreprises comme un accélérateur de RSE. Pour 69 % des Français, la « raison d'être » des entreprises était avant tout une opération de com et 56 % que l'adéquation entre la parole de l'entreprise et ses actes n'était pas au rendez-vous. Comment la crise va-t-elle permettre ou non d'accorder les paroles et les actes ? Les discours des dirigeants, nombreux depuis ces dernières semaines sur le changement des règles, la démondialisation, la décarbonisation ou encore une autre croissance sera-t-il suivi des faits ? Est-ce bien cohérent avec une reprise économique que l'on peut souhaiter rapide et massive pour limiter les effets sociaux délétères et surtout pour protéger l'emploi ? Il est sans doute trop tôt pour le dire. Ce qui est certain, c'est que les entreprises sont davantage observées.
À propos de No Com

No Com est le cabinet de conseil en stratégie fondé par Pierre Giacometti et Alain Péron en 2008. Avec son équipe de conseillers expérimentés, le cabinet accompagne en France et à l'international les dirigeants de grandes entreprises privées et publiques dans la définition, le déploiement et la communication de leur stratégie. No Com créé, pour les entreprises et leurs dirigeants, des récits qui transforment et favorisent l'innovation. Le cabinet a son siège à Paris et dispose d'une filiale à Madrid.

Source @LePoint https://www.lepoint.fr/1-2376582 

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