La plus haute juridiction administrative a rendu un avis très critique à l'égard du texte présenté par le gouvernement, ce qui laisse présager de futurs débats âpres et longs.
Depuis le mois de décembre, le projet de réforme des retraites a jeté de nombreux Français dans la rue. Présenté vendredi 24 janvier en Conseil des ministres, le texte va être bientôt débattu à l'Assemblée nationale. Une phase qui risque d'être compliquée, tant le texte du projet de loi recèle encore d'imprécisions, comme l'a pointé le Conseil d'Etat dans un avis rendu vendredi.
La plus haute juridiction administrative française, qui a disposé de trois semaines pour étudier le texte sur la forme et s'assurer qu'il ne contenait ni contradictions, ni mesures illégales ou anticonstitutionnelles, a en effet rendu un avis très critique. De quoi laisser craindre des débats longs et difficiles dans les prochaines semaines. Franceinfo revient sur ce que présage cet avis, pour le moins inquiet, du Conseil d'Etat.
Manque de temps, complexité des textes, modifications en cours de route... Avec ce texte, "on cumule les difficultés", relève le spécialiste, qui liste : "Une question de fond qui, en elle-même, est extrêmement complexe puisqu'il s'agit de remettre à plat le système des retraites établi en 1945. Et une difficulté de calendrier, puisque la phase de préparation a été longue et on voit bien qu'elle n'a pas été exhaustive. Le gouvernement n'est pas encore allé jusqu'au bout de son projet, lequel s'est heurté à des difficultés sociales réelles", détaille Didier Maus.
Résultat : le texte bientôt soumis aux députés subira vraisemblablement d'importantes modifications, notamment pour apporter des précisions sur les éléments de la réforme (tel que le financement) jugés "lacunaires" par le Conseil d'Etat. "Le gouvernement tient compte d'un certain nombre de remarques. Il y a d'ailleurs dans l'avis lui-même des modifications de rédaction qui ont certainement été intégrées dans le projet déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale."
Le constitutionnaliste rappelle que "ce n'est pas le rôle du Conseil d'Etat de dire que le calendrier parlementaire est trop court ou qu'il faudrait l'allonger". Mais, au vu des remarques faites vendredi, il prévient : le travail législatif "va prendre beaucoup de temps".
"C'est évident que l'avis va servir, d'un point de vue politique, à ceux qui disent que le gouvernement improvise, ou en tout cas qu'il n'est pas allé assez loin dans la réflexion et la mise au point d'un texte, non pas consensuel, mais d'un texte cohérent", relève Didier Maus, alors que les appels à retirer le texte se sont multipliés sur les réseaux sociaux depuis vendredi soir.
Quoi qu'il en soit, le texte, une fois validé par le Parlement, reviendra entre les mains du Conseil d'Etat. Il pourra alors apprécier si, oui ou non, les problèmes soulevés dans son premier avis ont trouvé leurs solutions.
source: francetvinfo.fr par Marie-Adélaïde ScigaczFrance Télévisions
La plus haute juridiction administrative française, qui a disposé de trois semaines pour étudier le texte sur la forme et s'assurer qu'il ne contenait ni contradictions, ni mesures illégales ou anticonstitutionnelles, a en effet rendu un avis très critique. De quoi laisser craindre des débats longs et difficiles dans les prochaines semaines. Franceinfo revient sur ce que présage cet avis, pour le moins inquiet, du Conseil d'Etat.
(Encore) des modifications du texte
Le spécialiste du droit constitutionnel Didier Maus, interrogé par franceinfo, s'est penché sur l'avis du Conseil d'Etat. Ce qu'il retient, c'est d'abord un constat : l'instance a manqué de temps. "Le Conseil d'Etat a eu environ trois semaines pour examiner des textes très complexes. Son avis reprend le projet point par point et examine, pour chacune des réformes proposées, à la fois ce qu'elle contient et les difficultés juridiques qu'elle recouvre. Mais il déplore très clairement ne pas avoir eu le temps de procéder à toutes les expertises nécessaires", éclaire le constitutionnaliste. "Le Conseil d'Etat explique ici qu'il n'est pas en mesure d'apporter au gouvernement toute la sécurité juridique que celui-ci est en état d'attendre."Manque de temps, complexité des textes, modifications en cours de route... Avec ce texte, "on cumule les difficultés", relève le spécialiste, qui liste : "Une question de fond qui, en elle-même, est extrêmement complexe puisqu'il s'agit de remettre à plat le système des retraites établi en 1945. Et une difficulté de calendrier, puisque la phase de préparation a été longue et on voit bien qu'elle n'a pas été exhaustive. Le gouvernement n'est pas encore allé jusqu'au bout de son projet, lequel s'est heurté à des difficultés sociales réelles", détaille Didier Maus.
Résultat : le texte bientôt soumis aux députés subira vraisemblablement d'importantes modifications, notamment pour apporter des précisions sur les éléments de la réforme (tel que le financement) jugés "lacunaires" par le Conseil d'Etat. "Le gouvernement tient compte d'un certain nombre de remarques. Il y a d'ailleurs dans l'avis lui-même des modifications de rédaction qui ont certainement été intégrées dans le projet déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale."
Sur d'autres points, le gouvernement prend le risque qu'il y ait des difficultés constitutionnelles en cours de route ou en fin de parcours.à franceinfo
"Bien sûr, le Conseil d'Etat ne se prononce pas sur l'opportunité d'un système universel de retraite et sur l'opportunité de mesures telles que l'âge pivot. Mais il y a suffisamment de difficultés juridiques [dans le projet de loi] pour fournir largement le débat", poursuit-il. D'ailleurs, "le texte du gouvernement n'est pas complet puisqu'il manque notamment le problème du financement à terme, à travers la nation d'âge pivot".Un calendrier probablement à rallonge
L'exécutif a prévu que le processus législatif s'achève à l'été, fin juin ou début juillet. Mais compte tenu de la complexité de la réforme et de sa construction, le Parlement doit se préparer à un marathon. Dans son avis, le Conseil d'Etat a notamment relevé le problème posé par le grand nombre d'ordonnances prévues par l'exécutif (29). Or, s'''il n'est pas anormal qu'un projet aussi technique que celui-ci contienne vingt-neuf habilitations à autoriser des ordonnances, il va falloir les regarder une par une et voir si chacune de ces habilitations correspond au cadre constitutionnel qui découle de la jurisprudence du Conseil constitutionnel", explique Didier Maus.Le constitutionnaliste rappelle que "ce n'est pas le rôle du Conseil d'Etat de dire que le calendrier parlementaire est trop court ou qu'il faudrait l'allonger". Mais, au vu des remarques faites vendredi, il prévient : le travail législatif "va prendre beaucoup de temps".
Une opposition renforcée
Les syndicats et responsables politiques opposés à la réforme des retraites ont salué, samedi 25 janvier, l'avis du Conseil d'Etat. "Sur la forme et sur le fond, le Conseil d'Etat confirme en tout point ce que nous exprimons depuis le début. Il y a un vrai problème de consistance juridique du texte", a réagi samedi auprès de l'AFP François Hommeril, le président de la CFE-CGC. Même critique sur Europe 1 d'Yves Veyrier, le secrétaire général de Force ouvrière, pour qui "le gouvernement ne maîtrise absolument pas son sujet". "Dans des termes polis, le Conseil d'Etat dit qu'il faut mettre ce projet mal bâti à la poubelle. Et ce n'est pas la conférence de financement qui changera les choses", a relevé Eric Beynel, de Solidaires."C'est évident que l'avis va servir, d'un point de vue politique, à ceux qui disent que le gouvernement improvise, ou en tout cas qu'il n'est pas allé assez loin dans la réflexion et la mise au point d'un texte, non pas consensuel, mais d'un texte cohérent", relève Didier Maus, alors que les appels à retirer le texte se sont multipliés sur les réseaux sociaux depuis vendredi soir.
L'avis va servir de point d'appui à la fois à ceux qui critiquent le projet et, dans certains cas, à ceux qui le soutiennent, car sur certains points, le Conseil d'Etat va tout à fait dans le sens du gouvernement.à franceinfo
La quête d'une (très difficile) simplification
Sur le fond, l'avis du Conseil d'Etat pointe la nécessité de proposer une réforme plus claire. "Le Conseil d'Etat revient à plusieurs reprises sur cette notion de clarté, de sincérité, d'exemplarité. La réforme des retraites doit être compréhensible par ceux à qui elle est destinée", poursuit Didier Maus. "Il faudra que les futurs retraités sachent de manière claire ce qu'il en est de leur droit à pension. Il y a dans le système actuel une lisibilité prévisionnelle qu'on ne retrouve pas dans le système proposé par le projet de loi. Là-dessus, il y aura peut-être des améliorations dans le débat parlementaire", estime-t-il.Quoi qu'il en soit, le texte, une fois validé par le Parlement, reviendra entre les mains du Conseil d'Etat. Il pourra alors apprécier si, oui ou non, les problèmes soulevés dans son premier avis ont trouvé leurs solutions.
source: francetvinfo.fr par Marie-Adélaïde ScigaczFrance Télévisions
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