Gagner
la présidentielle pour éviter “l’affaissement républicain et le
délitement social” : comment les bonnes (et les mauvaises…) intentions
de la gauche affaiblissent la démocratie à force d’accusations à côté de
la plaque
Atlantico : Sur LCP, ce mardi, Laurence Rossignol affirmait que "toutes les religions traditionnelles ont le projet de limiter la liberté d'aller et venir des femmes". Dans quelle mesure ce type de déclaration amène à l'impasse et révèle le caractère néfaste de certaines intentions de la gauche, à la fois pour elle-même et pour la démocratie ?
Yves Roucaute: Il y a toujours eu, depuis le XVIIIème siècle et la révolution française, une gauche antireligieuse, et surtout anticatholique en France. La tradition de cette gauche remonte aux Lumières et a trouvé son épanouissement dans la Terreur, lorsque, pour la première fois en France, on a interdit la messe de minuit et que l’on a fait la chasse aux prêtres et aux croyants. Cette vieille tradition existe encore à gauche, même si – heureusement - une partie importante de la gauche connait son histoire et sait que la religion chrétienne en particulier, mais aussi la religion juive, n’ont jamais mis en cause la possibilité pour les femmes de se déplacer ou de vivre libres avec la propriété de leur corps.Cette absence de réflexion de la part d’une personne qui a une responsabilité politique, témoigne d’un symptôme, celui d’une classe politique qui n’a pas eu la formation adéquate à sa fonction. A cet égard, le Parti socialiste devrait refaire ses écoles de formation pour les cadres. Son ignorance de l’Histoire est assez grave pour quelqu’un qui prétend, à un moment donné, occuper de hautes responsabilités dans ce pays. D’autre part, son idéologie est tout à fait déplacée et archaïque. Il s’agit d’un discours avec une très forte charge symbolique violente qui ne peut que créer du désordre dans un pays qui a tant souffert dans le passé, notamment sous la IIIème République, de cette opposition avec l’Eglise. Il me paraît curieux de vouloir rallumer la guerre religieuse et de casser le consensus social fondé sur le respect mutuel des grandes spiritualités et la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Séparation, dont, d’ailleurs il n’est pas tout à fait anodin qu’elle ait été inventée dans les sociétés où la christianisme a eu une grande influence car c’est précisément le christianisme qui l’a inventé en exigeant que ce qui appartient à Dieu soit rendu à Dieu et que ce qui appartient à César lui soit rendu.
En ce qui concerne la France chrétienne, sans doute faut-il rappeler à certains politiques que c’est grâce à l‘Eglise qu’au Moyen-âge la dignité de la femme a été reconnue. L’Eglise a interdit en France les violences faites aux femmes : c’est ainsi qu’est né notamment l’amour courtois. sous l’influence du clergé, et financé souvent par lui, le "fin'amor" (véritable amour) a été chanté par ses trouvères, poètes et musiciens du Nord de la France, parlant en langue d'Oïl, et ses troubadours, au Sud, écrivant en langue d'Oc. Car l’homme aimant doit respecter et porter aux nues la femme, la "Dame", dit-on dés le XIème siècle. La "Dame", c’est tout un esprit où la hiérarchie place la femme en haut, du latin "domina", qui signifie "maîtresse de maison" mais désigne aussi la reine ou l'impératrice. Et ce n’est pas un hasard si la Dame devient alors la pièce maîtresse du "jeu de dames", la pièce stratégique du jeu d'échecs, la raison d’une joute entre chevaliers. L’Eglise a réussi à interdire les duels et a créé des tournois avec la femme au centre. En même temps, l'Église en profite pour exalter les relations amoureuses authentiques conformes aux enseignements bibliques contre les mariages forcés, alors la règle. Ainsi, espéraient ces moines et ces prêtres, dépensant leur énergie dans le culte des femmes, les hommes abandonneraient leurs mœurs vulgaires et oublieraient leurs velléités belliqueuses. En France, la mise en avant de la grande figure protectrice de Marie a joué un rôle central dans cette égale dignité de l’homme et de la femme. Et l'Église assurait un peu plus la foi en subordonnant toutes les activités humaines à l'amour, incarné par le message christique et donc cet égal respect entre homme et femme. Cette dignité de la femme est d’ailleurs inscrite dans les textes bibliques.
Je me permets d’ajouter deux éléments. D’abord que ceux qui nient l’Histoire pourrait se demander pourquoi c’est dans ces pays chrétiens que la dignité de la femme a été reconnue, que l’égalité hommes-femmes a été imposée, qu’elles ont pu hériter, etc. Même si cela a pris du temps, c’est dans ces pays-là, et pas ailleurs, que cela a eu lieu en premier.
D’autre part, concernant les droits politiques, c’est le général de Gaulle, catholique pratiquant, qui a donné le droit de vote aux femmes et celui d’être élu, et non la chambre du Front populaire qui pouvait pourtant parfaitement le faire.
Je sais qu’une grande partie de la gauche ne cherche pas à rallumer des tensions qui n’ont pas lieu d’être et qui sont d’un autre temps. Il y a aussi une gauche chrétienne qui porte le même message d’égale dignité et de droits naturels. il pourrait être utile que cette gauche rappelle à l’autre gauche les valeurs chrétiennes et apaise les esprits portés aux jugements rapides et intempestifs.
Maxime Tandonnet: On ne comprend pas bien ce que signifie cette phrase. A quoi, à quelles déclarations fait-elle référence? En quoi les grandes religions - judaïsme, christianisme, islam - prises comme un ensemble, ont-elles exprimé leur volonté de limiter la liberté "d'aller et venir" des femmes? On sent dans ses propos le désarroi des idéologues partisans. Ils n'ont plus rien à dire, alors ils lancent des invectives de ce genre qui ne signifient rien. Le discours anti-religion est un vieux classique des idéologies. Sous la Convention, on brûlait des églises et les Enragés voulaient éradiquer la religion chrétienne. Puis il y a eu au début du XXe siècle la politique radicale, incarnée par Emile Combes, qui expulsait les congrégations. On pourrait parler de la persécutions des religions par les régimes totalitaires du XXe siècle en Europe en vue de leur éradication. La religion n'est-elle pas "l'opium du peuple"? Les partis politique sont en plein désarroi, de l'extrême gauche à l'extrême droite, ils ne savent plus quoi dire, ni proposer. Alors, ils en reviennent naïvement, dans un réflexe de Pavlov, à des réactions primitives : pour les socialistes, le réflexe anti-religion.
Dans un tweet publié ce vendredi sur son compte, Najat Vallaud-Belkacem affirme que si la gauche ne peut pas remporter la présidentielle, "c'est livrer le pays à l'affaissement républicain et au délitement social". Comment expliquer que la gauche a du mal à concrétiser ses bonnes intentions en mesures efficaces ?
Yves Roucaute : Ne soyons pas angéliques, il est normal que dans un combat politique, on soit un peu excessif. Le problème ici, c’est que c’est un jeu qui peut être dangereux. L’enjeu dont il est question est celui de l’alternance. Et il est de l’intérêt des démocraties qu’elle se déroule sans drames. Il faut que la gauche tout entière abandonne une vision idéologique du monde dans laquelle la droite est nécessairement le Mal, à l’origine de l’affaissement de la France, de l’exploitation, du côté des riches et j’en passe.Dans tous les pays du monde démocratiques, il y a des organisations qui participent à la vie de la République et où les alternances sont respectées. Dernièrement, l’alternance aux Etats-Unis entre Démocrates et Républicains n’a pas conduit, de la part des dirigeants, à affirmer que le pays – même si des excès ont pu être constatés – serait à feu et à sang si le camp ennemi est élu. Et il ne l’a évidemment pas été.
Là, on a dans ces excès quelque chose de grave qui attise inutilement les tensions. Un peu de modération aurait l’avantage de permettre d’éviter de créer des attraits pour les extrêmes qui se nourrissent aussi de ces errements. Il permettrait aussi de faciliter des ententes sur des points où gauche et droite pourraient agir quand il en va de l’intérêt supérieur du pays au lieu de ces oppositions systématiques que nous avons, même si des oppositions nettes doivent demeurer, ne serait-ce que pour assurer la représentation des oppositions dans le pays et éviter cette distorsion entre le pays réel et le pays légal que nous connaissons aujourd’hui.
On peut noter dans les faits que cet affaissement de la France, c’est bien la gauche qui en est responsable ces quatre dernières années ; les dissensions sociales ne sont pas éteintes, et les classes populaires souffrent plus.
On aurait besoin, de façon urgente, d’une opposition qui ne soit pas haineuse mais constructive, qui puisse prendre en compte l’économie numérique, les nouveaux rapports de force mondiaux, etc. La gauche doit donc sortir de cette idéologie de haine sociale héritée du XIXème siècle, ce rapport au monde archaïque où il y a d’un côté le camp des généreux défenseurs du peuple, de la classe ouvrière, et des opprimés, de l’autre les méchants du côté des oppresseurs, des bourgeois, des riches. Par chance, cette gauche archaïque n’est plus majoritaire mais il est temps sans doute pour toute la gauche de mettre à nu les soubassements théoriques de certaines errances. A l’évidence, la lecture de Pierre Bourdieu a conduit à des dérèglements politiques et à une coupure avec le réel. Imaginer que le monde est coupé entre "dominants" et "dominés" fut une des causes de l’appauvrissement théorique de la gauche qui a développé ainsi un populisme niais, loin des subtilités du marxisme par exemple, même si ce marxisme était lui-même idéologique et fondé sur des postulats faux comme l’Histoire l’a montré.
Malheureusement, la gauche n’est pas aujourd’hui en positon de construire un discours en phase avec le réel. Je souhaite vivement que cette gauche finisse sa crise pour faire sa mue.
Maxime Tandonnet : Eh bien là aussi, il faut y voir un réflexe inquiétant de fuite en avant dans le sectarisme. Les socialistes font l'objet d'un puissant rejet dans l'opinion. Ils ne comprennent pas, ne supportent pas ce qui leur arrive. Ils pensent sincèrement être le parti du bien, "des valeurs" comme ils disent. Ils ressentent leur disgrâce dans l'opinion comme une anomalie. Ils pourraient avoir l'intelligence et l'honnêteté de se remettre en cause, de se demander s'ils n'ont pas une part de responsabilité dans ce marasme qui se manifeste notamment par l'abstentionnisme et la poussée du vote extrémiste. Ils n'en sont pas capable, psychologiquement, intellectuellement. Quelle est leur part de responsabilité dans "l'affaissement républicain et le délitement social" qui se sont puissament manifestés sous leur quinquennat ? Avec un minimum de maturité et de lucidité, c'est la question qu'ils devraient se poser. Mais non.
Pendant trois ans, ils ont accusé la "droite" de tous les maux, de la création et de tous leurs déboires, l'antisarkozysme s'imposant comme leur principal référence. Pourtant, ils continuent, fuient dans le sectarisme, l'excès, l'agressivité, la polémique. C'est un comportement qui ne donne pas une image favorable de la politique. Sans doute faut-il y voir le signe de l'affaissement intellectuel des dirigeants politiques, la crise du recrutement des élites. Ils n'ont plus rien à dire, dès lors il leur reste à insulter, accuser, détester. Pour l'avenir, ce constat est inquiétant: l'idée qu'un tel nihilisme, un état d'esprit aussi sectaire et médiocre puisse un jour revenir au pouvoir fait froid dans le dos. Avec une telle mentalité, comment imaginer qu'ils puissent prendre des mesures utiles et efficaces dans l'intérêt général? Tout est posture, rage, sectarisme, culte narcissique du "je".
Parmi les candidats déclarés officiellement à la primaire socialiste, quel est/quels sont les candidats qui paraissent être les/le plus susceptible(s) de s'éloigner des intentions néfastes de la gauche, et ainsi d'éviter cet "affaissement républicain" et ce "délitement social" ?
Yves Roucaute: D’abord, il ne faut jamais oublier que, malgré tout, entre la gauche archaïque, héritière de la lutte de classes, type Jean-Luc Mélenchon, la gauche social-démocrate, étatiste et redistributive, façon Arnaud Montebourg, la gauche social-libérale de Manuel Valls, la gauche libérale-sociale, façon Emmanuel Macron, la gauche française dans son ensemble pèse encore entre 35 et 40 % dans le pays. Et il n’est pas certain que le Front national ne soit pas arrivé à un croisement, pris sur la droite par François Fillon qui joue admirablement bien sa partition et qui pourrait l’être sur sa gauche si Arnaud Montebourg, par exemple, sortait en tête des primaires.Cela étant posé, à nouveau, il ne faut pas faire d’angélisme : nous avons quand même besoin d’une gauche un peu excessive, qui défende ce monde archaïque en train de disparaître, un monde qui souffre souvent. Ce monde là a besoin d’avoir une représentation qui exprime sa vision. S’il n’en a pas, il se tournera vers des forces non-démocratiques. Car la politique a horreur du vide. Le danger est donc de croire que le système politique n’a pas besoin de cette représentation. De façon que certains diront un peu cynique mais qui est tout simplement une marque de lucidité, nous avons donc besoin de cette gauche type Jean-Luc Mélenchon ou Arnaud Montebourg, des hommes intègres et de conviction qui évitent les accusations de corruption et la méfiance envers le personnel politique, et qui ont la particularité de pouvoir cimenter des forces sociales qui, sinon, sortiraient de l’arc républicain.
Mais, me semble-t-il, ce n’est pas avec cette gauche que la France sera plus forte demain, qu’elle va reconstruire sa puissance et affronter les défis sociaux, éthiques, politiques, internationaux qu’elle connaît aujourd’hui. Le pays a besoin d’une gauche qui affronte pleinement sa crise et accepte la remise en question de ses présupposés idéologiques, notamment en matière sociale, qui viennent du marxisme, de Bourdieu, de la postmodernité, etc. La gauche doit être à l’aune de son temps.
Est-ce que Emmanuel Macron ou Manuel Valls vont assurer une alternative au sein de la gauche ?
Je le souhaite, car je pense que la France aura besoin demain d’une gauche qui tienne la route. On a besoin de débats, d’oppositions, mais à condition qu’ils soient fondés en raison, sur le réel et non sur le déni du réel, comme c’est trop souvent le cas aujourd’hui. Et de manière constructive parce que malheureusement - et c’est un héritage de la gauche, mais aussi de la droite - le tissu social français est très déchiré. Au regard des questions de sécurité, d’emploi, d’unité éthique du pays à l’ordre du jour, mais aussi du fait de la concurrence avec la Chine et les Etats-Unis, des guerres contre le terrorisme, du délitement de l’Union européenne, nous avons besoin d’une France forte. Et donc aussi d’une gauche qui revient au réel, jouant demain son rôle d’opposition fermement, car une opposition est nécessaire, mais de façon réaliste.
Manuel Valls et Emmanuel Macron sont des tentatives de sortir des carcans idéologiques du XIXème siècle. Mais, je note que ce n’est pas la première fois dans l’histoire de la gauche que des personnalités essayent de sortir des archaïsmes ouvriéristes ou populistes. Cela était déjà le cas de Léon Blum, qui avait essayé de sortir dès 1946 de cette vision déjà vieillotte de la social-démocratie. Je rappelle que la social-démocratie allemande a rompu avec la lutte des classes, le marxisme, le rapport dominant/dominé; Léon Blum était en phase avec cette évolution de la social-démocratie allemande. Mais, en raison de la force du Parti communiste et de ses relais syndicaux, et de la tradition syndicaliste révolutionnaire, en France, cela n’a pas fonctionné. Ensuite, nous avons eu la tentative de Michel Rocard. Lui aussi a essayé de révolutionner la gauche en lui donnant une alternative à l’américaine, moins étatiste que la vision social-démocrate, plus proche du Parti démocrate américain. Mais, là aussi, la tentative a raté, alors qu’il avait pourtant une vraie intelligence politique du monde et de son évolution. Pour l’emporter et gouverner, François Mitterrand a préféré l’écarter et continuer ses alliances avec les forces les plus archaïques du pays. Aujourd’hui, nous avons une troisième tentative avec Manuel Valls et Emmanuel Macron.
Peut-être assistons-nous à la fin du PS et de la gauche socialiste. En tout cas sous cette forme. Il est possible, au fond, que le PS disparaisse, ce qui pourrait être une bonne chose pour pouvoir ainsi laisser la place à des forces politiques plus novatrices, en rupture avec cette gauche née au XIXème siècle. C’est pour cela d’ailleurs que, d’une certaine façon, la tentative de Manuel Valls est peut être déjà un peu dépassée. S’il est l’une des deux solutions, avec Arnaud Montebourg, de survie du PS, il reste lui aussi en grande partie, accroché au XIXème siècle. Mais peut-il faire autrement s’il veut maintenir en vie cette organisation et obtenir la majorité des voix lors des prochaines primaires ?
La tentative d’Emmanuel Macron est théoriquement plus radicale puisqu’elle se situe en dehors du Parti socialiste. En même temps, Emmanuel Macron n’a pas aujourd’hui les soutiens sociaux, ni la vision globale nécessaires pour proposer une alternative dans ce pays. Cela ne signifie pas qu’il n’évoluera pas dans son offre politique. Mais en évoluant il peut aussi s’affaiblir. Et c’est ce qui est le plus probable. Une partie de sa séduction vient du refus des autres candidats, de l’attrait de sa personnalité et de son style. Il donne un coup de vieux à tous. Mais, en précisant ses positions sur la sécurité, la lutte contre l’islamisme radical, l’emploi, la fiscalité, l’environnement, etc., il va se trouver emporter dans des conflits où va rejouer un rapport plus classique, quand bien même il est désuet, en particulier gauche ou droite. Sa position aujourd’hui n’est stratégiquement pas gagnante, contrairement à ce que disent les médias. Si Manuel Valls venait à être choisi, de manière claire, Emmanuel Macron se verrait propulser au centre, centre droit. Or on ne peut pas gagner en France, sous la Vème République, en étant au centre, à cause du système présidentiel à deux tours. Ce fut l’erreur de Gaston Defferre, ce fut aussi celle d’Alain Poher. Ce système politique conduit à devoir arriver second, au moins, au premier tour et à un affrontement entre deux camps au deuxième tour.
Face à Manuel Valls et Mélenchon, et quelques autres à gauche, qui récupèreront au moins 28% des voix ensemble, face à François Fillon assis sur un bloc de droite élargi, et au Front national qui baisse mais pèsera encore lourd, en imaginant qu’il n’y aura pas de candidat centriste, Emmanuel Macron aura bien des difficultés à passer le premier tour. Et, contrairement à ce qui se dit, l’échec Poher l’indique, dans la mesure où ce ne sont pas les médias qui font l’élection, il est très improbable qu’il puisse l’emporter face à François Fillon, candidat qui rassemble au-delà de la droite classique tandis que Emmanuel Macron, pas plus que Poher hier, n’aura le soutien de la gauche radicale.
Je terminerai sur Arnaud Montebourg : c’est une solution de transition pour le socialisme français, plus que Manuel Valls qui est plutôt dans la rupture, du côté d’une sorte de social-libéralisme. C’est sans doute une bouée de secours pour le socialisme classique. Cela signifierait que la gauche française continuerait sa crise encore un moment et maintiendrait en vie une structure qui est au bord de l’explosion.
Mais il ne faut jamais oublier que s’il y a des idéologues dans le Parti socialiste, il y a aussi beaucoup d’opportunistes. Cela n’est pas péjoratif, c’est un vrai courant de pensée, lié au réformisme, et il ne faut jamais oublier que pour de nombreux élus socialistes, la question la plus importante est d’être élu. Et comment ? Ils sont détestés par les idéologues socialistes qui les appelaient "ministérialistes" au XIXème siècle car ils suivaient Alexandre Millerrand, qui fut d’ailleurs suivi par Jaurès et Clémenceau, pour aller à la soupe. Entre faire le choix d’une idéologie ou d’une élection, beaucoup choisiront l’élection. C’est d’ailleurs pourquoi Arnaud Montebourg, Manuel Valls ou Emmanuel Macron ont une chance de prendre la tête de la gauche socialiste. Les élus vont regarder qui est devant dans les élections, et suivre celui est en tête et qui a le plus de chance de gagner. Le courant réformiste chez les socialistes a toujours tourné la tête suivant la direction du vent. François Mitterrand l’a montré en s’alliant avec les communistes quand il en avait besoin et en les renvoyant quand cela n’était plus le cas.
Reste que rie n’est joué tout simplement parce que l’espace politique est un territoire en mouvement où quand l’un se déplace, les autres pièces bougent aussi et l’ensemble du jeu prend une nouvelle physionomie. Regardez les primaires de la droite: nous n’étions pas nombreux à croire possible la victoire de François Fillon. La raison en est tout simplement que l’esprit humain aime les repères et désire fixer le temps, cela le rassure. Or, en politique, le temps existe. Et si un joueur se révèle un grand stratège - ce fut le cas de François Fillon - les lignes bougent. Et elles bougeront encore.
Songez qu’il y a six mois, la France se désespérait de voir revenir le duel Nicolas Sarkozy-François Hollande; songez qu’il y a quatre mois les élus accouraient derrière Alain Juppé persuadés que les jeux étaient faits. En vérité, le PS n’est pas encore mort, Emmanuel Macron n’est pas encore une alternative solide, le FN n’a pas encore été affaibli, au point de n’être pas présent au second tour, l’extrême gauche rassemblée autour de Mélenchon n’a pas dit son dernier mot, la droite n’a pas encore gagné, les jeux restent ouverts. Et c’est cela qui rend la politique si passionnante, cette ouverture des possibles par les jeux humains.
Maxime Tandonnet: Franchement, c'est difficile à dire. Ce qu'on appelle la "gauche", grosso modo le Parti socialiste et ses alliés, comporte sans aucun doute des personnalités de grande valeur, telles que le ministre de la Défense ou le maire de Lyon par exemple, qui sont dans une logique d'intérêt public et non d'esbroufe narcissique. Ce sont apparemment des personnes animées par le sens des responsabilités et de l'intérêt général. Mais hélas, elles ne sont pas présentes dans les primaires. Celles qui apparaissent dans la liste des primaires n'inspirent pas vraiment confiance. Leur manière de se désolidariser du quinquennat auquel elles ont participé au plus haut niveau ne dénote pas un courage intellectuel de premier plan. Ces personnalités se disent révolutionnaires, anti système. Pourtant elles reproduisent les pires défauts de la politique actuelle, le narcissisme absolu, le culte de la personnalité d'un autre âge. A cet égard, elles travestissent l'idéal historique de la gauche française qui combattait la personnalisation du pouvoir. Les propositions qu'elles avancent sont révélatrices d'une perte de sens des réalités et de décrochage aux regards des attentes populaires.
Qu'ont à faire les Français, avec tous leurs problèmes quotidiens et leurs angoisses, de la suppression de l'article 49.3 - en plus par référendum - au cœur des propositions de l'un d'eux? Quant au revenu universel à 800 euros ou les 32 heures de travail, ce sont des mesures qui auraient pour effet d'affaiblir encore un peu plus l'économie française, voire de l'étouffer complètement. Ils le savent. Mais on les sent prêts absolument à n'importe quoi pour atteindre le trône suprême. Entre le néant, l'utopie démagogique, la plongée dans le culte de la personnalité, le Parti socialiste semble aujourd'hui privé de toute cohérence, de toute boussole autre que le culte de l'ego narcissique, au cœur de la décomposition de la politique. A terme et notamment à l'horizon de 2022, en cas de retour au pouvoir, cette situation est dramatique.
Source: atlantico.fr
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