Combien la dernière grève des contrôleurs va-t-elle coûter à l’entreprise ?
L’évaluation n’est pas encore faite, mais ce n’est pas un enjeu économique. L’enjeu, c’est d’être au rendez-vous des attentes des Français. On est une entreprise publique, on a une mission d’intérêt général. Les gens avaient réservé leurs vacances. Ce ne sont pas que les plus riches qui prennent le train pour aller au ski. Ceux qui sont dans les trains, ce sont des familles qui ont réservé depuis longtemps. Les gens vont aussi à la campagne, les enfants rejoignent les grands-parents. J’ai vu des gens qui pleuraient au guichet. C’est ça qui m’embête.
Un nouveau préavis est déposé par SUD-Rail pour les aiguilleurs le week-end des 24-25 février. Le trafic sera-t-il perturbé ?
A ma connaissance, l’impact sera limité. On parle de service quasi normal, même s’il peut y avoir quelques perturbations locales. SUD-Rail est la seule organisation syndicale derrière ce mouvement. C’est un choix délibéré de sa part de cumuler les grèves. Ils ont essayé dans les ateliers de maintenance des TGV, ils étaient là pour porter le préavis des contrôleurs, ils le font de nouveau pour les aiguilleurs.
Ces grèves d’aiguilleurs et de contrôleurs ont démarré dès 2022. Comment expliquez-vous qu’un an et demi plus tard le malaise soit toujours palpable ?
Les sujets de pouvoir d’achat sont importants. Pendant presque une dizaine d’années, l’inflation était autour de 1 %. Le mécanisme de grille statutaire de la SNCF offrait une augmentation moyenne de 2 % par an. Au fond, la grille statutaire couvrait l’inflation. L’envolée des prix a posé de nouvelles questions.
Mais j’ai le sentiment que la SNCF a été au rendez-vous de la protection des cheminots en matière de pouvoir d’achat, puisque sur trois années d’affilée, nous avons augmenté la masse salariale de 500 millions d’euros par an. Elle est passée de 8 milliards d’euros en 2022 à 9 milliards et demi en 2024. C’est quasiment 20 % de hausse, alors que l’inflation était entre 13 % et 14 %. En plus on a fait un effort sur les bas salaires, reconnu par la plupart des organisations syndicales.
Pour les aiguilleurs, un « programme métier » a été lancé : il a eu pour effet d’accroître considérablement les recrutements. C’est vrai qu’il y avait des besoins. Il y a eu des majorations de primes, une amélioration des conditions de travail. Pour les contrôleurs, vous savez qu’en 2022, en sortie de conflit, des engagements ont été pris sur les rémunérations, sur le fait qu’ils soient au moins deux dans les TGV. C’est fait dans 87 % des trains et ce le sera dans tous d’ici à 2025.
Le 8 février – une semaine avant la grève des contrôleurs – vous avez proposé une « plate-forme de progrès social », une nouvelle méthode de dialogue. Etait-ce trop tard ?
Le dialogue social, c’est un axe stratégique depuis mon arrivée à la présidence de la SNCF en novembre 2019. Il avait été abîmé par les réformes. J’y consacre beaucoup de temps. En 2023, j’ai eu soixante-treize rendez-vous liés au dialogue social. En début d’année, j’ai rencontré chaque organisation représentative : aucune ne m’a d’ailleurs parlé du mouvement des contrôleurs.
Chaque jour de nouvelles grilles de mots croisés, Sudoku et mots trouvés.
Jouer
Je ne veux plus qu’on utilise la grève comme point d’entrée du dialogue social à la SNCF. D’où cette plate-forme sociale inédite que je propose aux quatre syndicats. J’ai mis sur la table à peu près tous les sujets qui correspondent aux attentes exprimées.
Que contient cette plate-forme ?
D’abord une réflexion sur les conditions d’exercice des métiers. D’ailleurs on va commencer par celui des chefs de bord. Ensuite nous aurons des discussions autour de l’emploi, sur les effectifs nécessaires par métier. Nous aurons une réflexion sur l’enveloppe financière pour les rémunérations dans les trois ans qui viennent. C’est une grande innovation sociale. Cela nous permettra d’aborder des sujets plus techniques comme l’articulation entre la grille des salaires statutaires, qui doit évoluer, et la rémunération des contractuels.
Depuis le 1er janvier 2020, la SNCF ne recrute plus de cheminots au statut, mais il y en a 110 000 dans nos effectifs. Comment faire cohabiter au mieux les deux catégories ?
Le dernier volet de la plate-forme sera consacré aux fins de carrière et à la cessation progressive d’activité. C’est vrai qu’avec la réforme des retraites, les cheminots peuvent être appelés à travailler quelques années supplémentaires. Ces sujets, je veux les traiter à froid, de manière structurée, pour tous les cheminots, et certainement pas de manière précipitée et hypercatégorielle. La grève n’a plus sa place dans cette méthode.
Le Collectif des contrôleurs envisage pourtant une nouvelle grève, pour maintenir la pression sur ces discussions. Qu’allez-vous faire ?
J’ouvre des portes, je tends la main. J’intègre les revendications portées par les chefs de bord des TGV. Mais elles ne sont pas toutes accessibles. La bascule de certaines primes dans le calcul des pensions relève, par exemple, du domaine réglementaire : il faut un décret. On ne peut pas alourdir les charges des caisses de retraite pour satisfaire les uns ou les autres, surtout lorsqu’on touche à un régime spécial qui n’est déjà pas à l’équilibre. N’oublions pas que ce sont les Français qui paient.
Il y a aussi des règles économiques. Tous les cheminots ont envie d’augmenter leur salaire. Mais l’argent que je mettrai là, je ne l’aurais pas pour acheter des TGV, rénover les infrastructures, améliorer la qualité de service. Il y a un équilibre à trouver, dans une vision de développement du ferroviaire.
Vous allez publier de bons résultats dans quelques jours. Les TGV sont pleins. Cela nourrit-il les revendications ?
Nos résultats pour 2023 seront moins bons que ceux de 2022. Cela dit, dès le 8 février, j’ai annoncé pour tous les cheminots une gratification exceptionnelle de 400 euros qui se rajoutent aux 400 euros que j’ai donnés en décembre 2023. C’est 800 euros au total de prime de résultat. J’ai aussi annoncé une augmentation des indemnités de résidence, 3 000 promotions supplémentaires, 1 100 embauches. Toutes ces mesures sont des mesures de partage de la valeur créée en 2023.
Comment va se dérouler l’organisation des transports pour les Jeux olympiques dans ce contexte ?
Je vais beaucoup sur le terrain pour vérifier notre préparation technique. A chaque fois, je rencontre des cheminots motivés et préparés. On sera prêt, j’en suis convaincu.
Sur le volet social, on a mis en place depuis janvier un groupe de travail paritaire avec les organisations syndicales qui se réunit tous les mois. Les syndicats nous interpellent sur certains points qui peuvent gêner la production. Et sur les aspects de reconnaissance financière pour ceux à qui on demandera de décaler leurs vacances ou de faire face à un travail plus intense, on a mis sur la table des propositions : elles sont discutées tranquillement, pour converger vers un accord en mai ou juin. A ce stade, je ne vois pas pourquoi on n’y arriverait pas si le seul sujet ce sont les Jeux olympiques. S’il y a une envie d’un syndicat d’utiliser les JO pour une dimension plus politique, ça, c’est autre chose.
Etes-vous favorable à un encadrement plus strict du droit de grève ?
C’est au Parlement de se prononcer. Moi, mon travail, c’est la qualité du dialogue social. Le droit de grève, on sait que les Français y sont très attachés et les cheminots aussi.
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