Par Philippe Mabille Directeur de la rédaction de La Tribune.
Fin d'année paradoxale pour un monde en furie. On a frôlé la troisième guerre mondiale mardi après la vraie-fausse attaque russe dans un village polonais proche de la frontière ukrainienne qui aurait été la victime collatérale d'un missile anti-missile (de fabrication russe ?) de Kiev... Version contestée par Zelensky. A qui la faute ? Si la Russie ne bombardait pas massivement l'Ukraine, cela ne serait pas produit. Et l'histoire abonde d'exemples de guerres qui se sont déclenchées pour moins que cela. Pourtant, on a su très vite, via les Américains, qu'il ne s'agissait pas d'une attaque délibérée de Poutine dans la poursuite de son plan délirant pour repousser loin à l'Ouest les frontières de son pays qu'il prend toujours pour l'URSS.
L'Occident a gardé son sang-froid et l'on a entendu au G20 à Bali en l'absence du dirigeant russe la lassitude d'un monde qui commence à en avoir assez de cette guerre sans but, inutile, ingagnable, qui est en train de détruire peu à peu les fragiles équilibres de l'économie mondiale, menace les plus pauvres de famine et ne résout en rien le défi qui finira par concerner le monde entier, celui du climat, plus certain que la guerre nucléaire, même si elle serait plus rapide.
A Charm el-Cheikh en Egypte, la COP 27 a achevé sa triste quinzaine sans grande avancée sinon quelques promesses pour réparer les dommages des catastrophes climatiques pour le monde émergent. Promesses qui n'engagent que ceux qui les écoutent. Notre « correspondant de guerre » climatique présent sur place, Bertrand Piccard, a tenu la chronique des tops et des flops de cette énième COP pour rien. Voici sa conclusion provisoire du psy de la planète, dont vous retrouverez en début de semaine un entretien vidéo sur le bilan de la conférence : « la pathologie, c'est l'inaction, pas l'éco-anxiété ».
Donc il faut croire à l'innovation. La Tribune vous en propose deux, parmi la multitude : créer de l'essence sans pétrole, le nouveau pari du français Global Bioénergies et Shell, raconté par Marine Godelier ; et le film solaire organique, cette innovation du nantais Asca qui peut révolutionner la décarbonation, repéré par notre correspondant dans les Pays de Loire, Frédéric Thual.
Alors les paradoxes s'enchaînent : les bourses se portent comme un charme dans un rallye de fin d'année qui vient contrer la peur du vide et de la récession qui vient. En 2023, l'Allemagne, le Royaume-Uni, les Etats-Unis sans doute auraient une croissance négative. La France, pays édredon, s'en sortirait mieux avec une croissance de 1% officiellement, sans doute plus proche de zéro.
Mais partout, les indices boursiers montent, moins vite que ne s'effondrent le bitcoin ou les autres cryptomonnaies et crypto-actifs, victime de la contagion du scandale FTX mais ils donnent le curieux sentiment que tout ne va pas si mal, malgré tout. Les marchés immobiliers ne s'effondrent pas, en dépit de la hausse des taux, qui approchent peut-être de leur nouveau niveau d'équilibre. Seul hic, la crise du logement s'aggrave dans les zones tendues, où les jeunes ne trouvent pas de toit pour faire leur vie, explique César Armand, en particulier dans les communes littorales devenues des mines à location Airbnb ou Abritel.
L'inflation commence à se stabiliser, à haut niveau certes, mais on pourrait espérer que le plus dur est passé, il ne reste qu'à organiser le reflux en bon ordre sans enclencher la spirale prix-salaires qui mettrait à bas quarante ans de désinflation.
L'emploi lui-même se porte bien : avec les grands plans d'investissement dans la transition énergétique, le monde va avoir besoin de plus de travail. En proposant de moduler les droits au chômage en fonction de la conjoncture, Emmanuel Macron fait le pari de poursuivre le cap du plein emploi. Un pari osé vu les dangers que fait peser sur l'industrie l'explosion des prix de l'énergie, mais qui s'inscrit dans le sens de l'histoire, celle d'une libéralisation du marché du travail. Prochaine étape en vue, la réforme des retraites et le report de l'âge où les employeurs se débarrassent de leurs seniors. On le sait, plus on allonge l'âge de départ, moins les entreprises peuvent justifier de faire des plans de pré-retraite avant 60 ans. Dans les temps difficiles à venir, il reste à confirmer que cette équation fonctionne. En tout cas, en Europe, où l'âge a été reculé à peu près partout, on attend la France au tournant des retraites, prévient Fanny Guinochet.
Donc tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes sans cette guerre qui ne dit pas son nom. 2023 sera-t-elle l'année de la paix ? Ou d'une extension du conflit ? Seul Poutine le sait. Trump reviendra-t-il en 2024. Vainqueurs à la Chambre des Représentants, les Républicains n'ont pas conquis le Sénat et l'Amérique n'a pas encore sombré à nouveau dans le populisme.
200 milliards de dollars, c'est le montant investi par le Qatar pour que
les spectateurs ne crèvent pas de chaud en suivant sur place les matchs
de la 22ème édition de la Coupe du monde de football.
Terminons sur un chiffre qui en dit long sur la folie de l'époque : 200 milliards de dollars, c'est le montant investi par le Qatar pour que les spectateurs ne crèvent pas de chaud en suivant sur place les matchs de la 22ème édition de la Coupe du monde de football.
L'engouement populaire pour l'événement en sera-t-il impacté ? Rien n'est moins sûr, mais c'est à peu près le tiers de ce que coûterait, à date, la reconstruction de l'Ukraine, et deux fois les besoins annuels pour le fonds de la transition écologique promis aux pays les plus pauvres. Qu'ils se rassurent, ils pourront suivre les matchs à partir de lundi jusqu'au 18 décembre, même par 50° à l'ombre. Soyons justes aussi : Doha a investi surtout sur son avenir, ses infrastructures pour se préparer au moment où le monde décarboné n'achètera plus son gaz... Autant dire que c'est encore dans longtemps.
Bonne chance quand même aux Bleus. Selon RTE, les premières coupures de courant n'interviendraient qu'en janvier, après la finale. Bon week-end.
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