Et si la population humaine allait réduire de moitié d’ici la fin du siècle ? C’est la thèse que défendent trois économistes dans une étude de la banque HSBC publiée le 12 juillet, reprise par Les Échos . S’opposant aux prédictions de l’ONU, qui annonce de son côté une légère augmentation à peu près constante d’ici 2100 pour arriver à 8,8 milliards d’êtres humains, James Pomeroy, Herald van der Linde et Prerna Garg estiment que la probabilité d’une réduction drastique des naissances est en réalité «bien plus élevée» que ne le veut croire l'organisation internationale.
Parmi les différentes courbes potentielles exposées par l'ONU dans ses dernières projections 2022, selon l'estimation moyenne «la population mondiale pourrait atteindre un pic dans les années 2080 avec 10 milliards de personnes», et se stabiliser ensuite, pour arriver à «10,4 milliards en 2100». Les économistes, eux, tablent sur un pic bien plus tôt, en 2043, puis une réduction jusqu'à un nombre légèrement au-dessus de 4 milliards à la même date. Soit la moitié.
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Pour établir ces prédictions, plusieurs variables sont prises en compte. En premier lieu, le taux de fécondité par femme. «Une variation de 0,1 sur ce taux peut provoquer une fluctuation en centaines de millions de personnes sur les décennies à venir», explique Laurent Chalard, docteur en géographie à l'université de Paris IV. Viennent ensuite la population recensée par pays, son âge moyen, le comportement des sociétés. «Celui des pays développés est pris comme référence de base, car on part du principe qu'il va s'établir tôt ou tard à l'ensemble de la planète. Cela peut être l'un des biais du calcul, d'ailleurs», note le géographe.
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Controverse
Aujourd'hui, la fécondité moyenne de la population mondiale est de 2,3 naissances par femme. Elle était de 5 dans les années 1950. Au vu de cette tendance, l'ONU table sur une baisse continue des naissances, avec 2,1 enfants par femme en 2050, et qui se stabiliserait ensuite, sans aller en dessous de ce seuil. En parallèle, l'organisation croise cette donnée avec le taux de mortalité qui baisse, la durée de vie qui augmente (elle a gagné 9 ans depuis 1990).
De leur côté, le britannique James Pomeroy et ses deux confrères jugent ces prédictions trop optimistes. L'étude de la banque HSBC met en avant la population toujours plus vieillissante, l'intégration des femmes dans le marché du travail avec un premier accouchement toujours plus tardif, la hausse de l’inflation faisant d’une famille nombreuse un projet plus complexe, un meilleur accès aux moyens contraceptifs. Tout cela ajouté à la crise du Covid-19, fait que «certaines économies ont vu leurs prévisions démographiques futures fortement révisées à la baisse à court terme».
Ainsi en Europe, «au rythme où vont les choses, la population aura diminué de moitié avant 2070», affirme l'étude de la banque HSBC. Le vieux continent se verrait amputer de 400 millions d'habitants en 80 ans. Du côté des pays émergents ou développés, comme Hongkong, Singapour, Corée du Sud ou Taïwan, la courbe actuelle de fécondité permettrait de prédire une division par deux des populations d'ici à la fin du siècle.
«En conclusion, notre propre modélisation suggère qu'un résultat plus proche de l'hypothèse de faible fécondité de l'ONU pourrait être plus probable que le cas central», concluent les chercheurs. Sauf que cette hypothèse minimale de l'ONU, celle de 1,3 enfant par femme en 2100, n'envisage pas une population en dessous de 7 milliards à cette date. Les économistes, eux, divisent presque ce chiffre par deux, et évoquent un peu plus de 4 milliards d'humains à la fin du siècle.
«Déjà un consensus émergeant» sur une surévaluation de l'ONU
Un pavé dans la mare ? Pas vraiment, estiment les démographes interrogés par Le Figaro. Ceux-ci se montrent très sceptiques sur la fiabilité de ces conclusions «tirées du chapeau», selon l'expression de Gilles Pison, conseiller de la direction à l'Institut national d'études démographiques (INED).
Dans le domaine des prédictions démographiques, les projections de l'ONU sont certes les données statistiques de référence, mais «un certain nombre d'experts les remettent déjà en cause», fait valoir Laurent Chalard. En juillet 2020, une étude de la Fondation Gates dans The Lancet revoyait déjà à la baisse l'estimation de la population mondiale à l'horizon de 2100, tablant sur 1,66 enfant par femme à la fin du siècle, soit 8,8 milliards d'êtres humains. «Une sorte de consensus émerge déjà au sein des démographes, selon lequel les prédictions de l'ONU seraient un peu au-dessus de la réalité», explique Laurent Chalard.
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Mais selon les spécialistes, l'étude diffusée par HSBC n'est qu'un point de vue qui n'engage que ses auteurs. «Dire que la pandémie va changer durablement les comportements féconds est une opinion. Mais ce n'est pas ce que l'on observe pour le moment. Selon les dernières données, la baisse des naissances pendant la pandémie ne serait que temporaire, et reviendrait déjà à son niveau d'avant crise», explique à son tour Gilles Pison.
«Rappelons une chose essentielle : les projections démographiques ne sont pas un exercice scientifique, mais intellectuel, explique Laurent Chalard. La majorité de personnes qui vivront en 2100 ne sont pas encore nées, il est donc extrêmement difficile de prévoir les comportements à un horizon aussi lointain. Il s'agit d'être prudent face à ce qui reste de simples hypothèses», fait valoir le géographe. «Il y a trente ou quarante ans, on pouvait voir des études dans le sens contraire, prédisant une augmentation exponentielle de la population humaine. Certaines évoquaient jusqu'à 40 milliards dès le siècle prochain! Ici, à moins d'une catastrophe naturelle, d'une météorite ou d'une guerre nucléaire, le scénario de 4 milliards d'habitants ne me paraît pas crédible du tout».
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