« L'état de notre Bundeswehr et les structures de notre défense civile, ainsi que notre dépendance excessive vis-à-vis de l'énergie russe, démontrent que nous nous prélassons dans une fausse sécurité depuis la fin de la guerre froide, écrit-il. Le gouvernement, les entreprises et de larges pans de notre société n'étaient que trop heureux de tirer des conclusions de large portée du dicton d'un ancien ministre allemand de la Défense, lequel déclarait que l'Allemagne n'était entourée que d'amis. C'était une illusion. » Scholz fait ici allusion à Hans-Dietrich Genscher qui proférait ce constat optimiste, en 1990, après la chute du mur de Berlin.
Si nous ne controns pas l’agression de Poutine maintenant, il pourrait aller plus loin.Olaf Scholz
La grande bascule du monde opérée le 24 février dernier par l'agression russe en Ukraine met un terme à cette illusion d'un monde pacifié par le commerce et l'Allemagne se réveille à la peine. « Si Poutine coupe l'approvisionnement en gaz, il utilise l'énergie comme une arme, y compris contre nous. Même l'Union soviétique ne l'a pas fait pendant la guerre froide », s'indigne Scholz. « Si nous ne controns pas l'agression de Poutine maintenant, reprend-il, il pourrait aller plus loin. Nous l'avons déjà vu : il est entré en Géorgie en 2008, a annexé la Crimée en 2014, puis a attaqué l'est de l'Ukraine et enfin, en février de cette année, il a prolongé la guerre contre tout le pays. Laisser Poutine s'en tirer signifierait que la violence peut enfreindre la loi pratiquement sans aucune conséquence. En fin de compte, notre liberté et notre sécurité seraient également menacées. »
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Même l'Allemagne prospère va avoir du mal
Le chancelier Scholz sait qu'il demande à son peuple de lourds sacrifices : les économies d'énergie, l'inflation des prix des denrées alimentaires et des factures de chauffage, le ralentissement de la croissance, voire la récession. Tout cela, le chancelier l'anticipe et explique aux Allemands qu'ils vont devoir accepter cela parce que leur sécurité à moyen et long terme est en jeu. Néanmoins, le gouvernement allemand tente d'atténuer les conséquences de cette crise par la mise en place d'une « aide financière d'un montant total de plus de 30 milliards d'euros ».
« Nous devons rendre l'Allemagne plus sûre et plus résiliente, l'Union européenne plus souveraine et l'ordre international plus adapté à l'avenir », lance-t-il dans une phraséologie très macronienne. Dans ce cadre, les sanctions envers la Russie ont été prises, dès le départ, dans l'idée que ce conflit allait durer. « Ce n'est pas une route facile, même pour un pays aussi fort et prospère que l'Allemagne », ajoute-t-il. Qu'en sera-t-il alors pour les pays européens les plus faibles ou ceux dont les dettes sont déjà énormes ? Ce n'est pas le sujet immédiat du chancelier allemand.
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Le soutien à l'Ukraine : « aussi longtemps que nécessaire »
Il redit aux Allemands que son intention est de soutenir l'Ukraine « aussi longtemps que nécessaire sur le plan économique, humanitaire et financier, et en livrant des armes ». Est-ce à dire qu'il souhaite la défaite totale de Poutine et le renvoi des troupes russes hors de l'Ukraine, Donbass et Crimée ? Ce n'est pas explicite. Il précise seulement qu'« aucune de ces sanctions ne sera levée avec une paix du vainqueur dictée par la Russie. Pour la Russie, il n'existe aucun moyen de contourner un accord avec l'Ukraine qui puisse être accepté par le peuple ukrainien. » Ce qui laisse une place à l'interprétation. Si le peuple ukrainien baisse les bras par épuisement, en consentant à des pertes territoriales, les alliés vont-ils ratifier les nouvelles frontières ?
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Le chancelier allemand décrit assez précisément ce qu'il perçoit des intentions de Vladimir Poutine : « Poutine veut diviser notre continent en zones d'influence, grandes puissances et États vassaux. Nous savons quels désastres nous avons subis, nous, Européens, dans les temps passés. » Il en déduit que l'unification du continent européen entre nations démocratiques doit être accélérée et justifie les décisions du Conseil européen d'avoir, en réponse à Poutine, accordé à l'Ukraine et à la République de Moldavie le statut de candidat et réaffirmé la perspective européenne de la Géorgie. Il assume aussi l'adhésion à venir des pays des Balkans occidentaux, même si les conditions à remplir sont difficiles, mais « la promesse demeure », « la voie est ouverte et l'objectif est clair ! »
Nous ne pouvons tout simplement plus nous permettre de veto nationaux.Olaf Scholz
Pour le chef du gouvernement allemand, l'avenir de l'Allemagne se joue à travers une Europe qui serait un « acteur géopolitique », construit comme une « antithèse de l'impérialisme et des autocraties ». Un objectif ambitieux qui se heurte toutefois à des obstacles propres au fonctionnement de l'UE. Il fait ici allusion au comportement de la Hongrie de Viktor Orban qui ne croit pas à l'effet des sanctions sur le régime de Poutine, traîne les pieds et obtient des dérogations en jouant de son veto. Scholz montre ici une certaine irritation. « À mon avis, cela signifie qu'il doit être mis fin aux États membres individuels qui bloquent égoïstement les décisions européennes, dit-il. Et la fin des nations qui font cavalier seul et qui nuisent ainsi à l'Europe dans son ensemble. Nous ne pouvons tout simplement plus nous permettre de veto nationaux – en matière de politique étrangère, par exemple – si nous voulons que notre voix soit toujours entendue dans un monde de grandes puissances concurrentes. »
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« Notre objectif doit être d'atteindre l'unité dans tous les domaines où nous, en Europe, luttons depuis trop longtemps pour trouver des solutions », lance-t-il. Et d'énumérer : la politique migratoire, l'évolution de la défense européenne, la souveraineté technologique et la résilience démocratique. « L'Allemagne fera des propositions concrètes sur ces questions dans les prochains mois », annonce Olaf Scholz, reprenant la main, après l'avoir laissée à Emmanuel Macron depuis le début de son mandat.
Traiter les pays du Sud d'égal à égal
À l'égard du reste du monde, le chancelier allemand se dit convaincu que les principes de la démocratie, le respect des droits humains, de liberté et d'égalité ne sont pas uniquement des valeurs occidentales, mais des valeurs partagées par bien des êtres humains dans le monde. « Afin de défendre ces valeurs contre l'autocratie et l'autoritarisme, nous avons besoin d'une nouvelle forme de coopération mondiale entre les démocraties – allant au-delà de l'Occident traditionnel », indique-t-il.
Et pourtant, nombre de pays africains sont indifférents au « blame game » de la guerre en Ukraine et ne veulent pas choisir le camp du droit contre celui de la force. Pourquoi ? Sans répondre directement à cette question, Scholz suggère que les pays du Sud n'ont pas toujours été traités d'égal à égal, même quand « nous avons prétendu » le faire. « Nous devons changer cela, indique-t-il, notamment parce que de nombreux pays d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine, à l'aune de leur population et de leur puissance économique, sont depuis longtemps nos égaux. »
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