Sur le papier, la méthanisation est une belle idée. Cette transformation de matières organiques, comme les effluents d’élevage agricoles pour produire du gaz et de l’électricité, présente de nombreux atouts. «Elle répond à un triple enjeu: la protection de l’environnement, la gestion des déchets et la politique énergétique», souligne une mission sénatoriale récente, présidée par Pierre Cuypers (LR) avec pour rapporteur écologiste Daniel Salmon (Solidarité et Territoires). Depuis une dizaine d’années, cette source d’énergie connaît ainsi une forte croissance, comme en témoignent les projets qui ont fleuri dans les campagnes françaises, parfois malgré l’hostilité des populations locales.
On recense en France, selon ce document, «1075 installations à la fin 2020, dont 214 injectent du biométhane dans les réseaux de gaz naturel», soit l’équivalent de 0,5 % de la consommation tricolore de gaz naturel. Les 861 autres produisent de l’électricité avec du biogaz pour une production équivalente à 0,6 % de la consommation d’électricité nationale. «Ces installations sont majoritairement de petites unités mises en place autour d’exploitations agricoles, précise Pierre Cuypers, également agriculteur en Seine-et-Marne. 86% des méthaniseurs qui injectent du gaz dans les réseaux et 79% de ceux qui fournissent de l’électricité sont des projets alimentés par les rejets des fermes.» Ainsi, logiquement, les régions françaises où l’on retrouve la plus forte densité de méthaniseurs sont celles fortement agricoles c’est-à-dire le Grand Est (céréalières), les Hauts-de-France et la Bretagne.
À lire aussiLe méthane, un gaz à la fois polluant et levier d’action efficace
Toutefois l’essor de la méthanisation ne se fait pas sans risque. À Châteaulin dans le Finistère, le débordement des résidus d’une cuve de méthanisation de biogaz produit à partir de fumier, lisier, déchets de l’industrie agroalimentaire et de cultures a privé 180.000 personnes d’eau potable en août 2020. «L’État doit garder une maîtrise de la méthanisation et de son développement, insiste Daniel Salmon. Il faut que l’on planifie précisément où on veut aller pour mettre en place un modèle français de la méthanisation.»
Le méthane est un gaz dont l’effet de serre est 24 à 26 fois supérieur à celui du gaz carbonique
Arnaud Clugery, directeur d’Eau et rivières de Bretagne
«Chaque projet doit s’adapter au territoire, plaide pour sa part Pierre Cuypers en prenant exemple sur l’installation «surdimensionnée» de Corcoué-sur-Logne, en Loire-Atlantique. «C’est le contre-exemple de ce qu’il faut faire, poursuit-il. La zone pour aller chercher les effluents d’élevage ou de l’industrie est à plus de 70 kilomètres, ce qui est beaucoup trop éloigné.»
À lire aussiLe méthane, l’autre grande menace pour le climat
Actuellement il y a 1300 projets dans les cartons. Toutefois les sénateurs ont écarté «l’idée d’un moratoire sur les nouvelles installations», pourtant chère aux écologistes et à la Confédération paysanne. «Les risques environnementaux et agricoles ont bien été identifiés par la mission sénatoriale avec la mise en place des études complémentaires, sans plus de propositions concrètes, regrette Nicolas Girod, secrétaire national de la Confédération paysanne et éleveur laitier dans le Jura. Les externalités négatives sur l’activité agricole sont déjà avérées. On déplore les menaces sur le maintien de l’élevage là où des méthaniseurs sont implantés.»
Arbitrage des producteurs
L’association Eau et rivières de Bretagne est également sceptique. «Cela fait dix ans qu’on a vu arriver les premiers méthaniseurs en Bretagne, rappelle Arnaud Clugery directeur d’Eau et rivières de Bretagne. On n’a pas vu d’amélioration dans la qualité des eaux, un kilo de nitrate qui rentre dans un méthaniseur, c’est toujours un kilo qui en ressort en digestat épandu sur les sols comme fertilisant.»
Par ailleurs, le système incite les producteurs de porcs et de lait à arbitrer entre vendre leur maïs aux méthaniseurs ou le garder pour leurs animaux, en fonction du prix des matières premières agricoles ou du rachat du kWh. Enfin, rappelle Arnaud Clugery, «le méthane est un gaz dont l’effet de serre est 24 à 26 fois supérieur à celui du gaz carbonique».
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Ce blog est ouvert à la contradiction par la voie de commentaires. Je tiens ce blog depuis fin 2005; je n'ai aucune ambition ni politique ni de notoriété. C'est mon travail de retraité pour la collectivité. Tout lecteur peut commenter sous email google valide. Tout peut être écrit mais dans le respect de la liberté de penser de chacun et la courtoisie.
- Je modère tous les commentaires pour éviter le spam et d'autres entrées malheureuses possibles.
- Cela peut prendre un certain temps avant que votre commentaire n'apparaisse, surtout si je suis en déplacement.
- Je n'autorise pas les attaques personnelles. Je considère cependant que ces attaques sont différentes des attaques contre des idées soutenues par des personnes. Si vous souhaitez attaquer des idées, c'est bien, mais vous devez alors fournir des arguments et vous engager dans la discussion.
- Je n'autorise pas les commentaires susceptibles d'être diffamatoires (au mieux que je puisse juger car je ne suis pas juriste) ou qui utilisent un langage excessif qui n'est pas nécessaire pour l'argumentation présentée.
- Veuillez ne pas publier de liens vers des publicités - le commentaire sera simplement supprimé.
- Je suis pour la liberté d'expression, mais il faut être pertinent. La pertinence est mesurée par la façon dont le commentaire s'apparente au sujet du billet auquel le commentaire s'adresse. Si vous voulez juste parler de quelque chose, créez votre propre blog. Mais puisqu'il s'agit de mon blog, je vous invite à partager mon point de vue ou à rebondir sur les points de vue enregistrés par d'autres commentaires. Pour ou contre c'est bien.
- Je considère aussi que la liberté d'expression porte la responsabilité d'être le propriétaire de cette parole.
J'ai noté que ceux qui tombent dans les attaques personnelles (que je supprime) le font de manière anonyme... Ensuite, ils ont l'audace de suggérer que j'exerce la censure.