18/12/2021

L’essor fumeux de la méthanisation

DÉCRYPTAGE - Cette méthode de transformation de matières organiques en énergie menace notamment les eaux et les élevages.

Sur le papier, la méthanisation est une belle idée. Cette transformation de matières organiques, comme les effluents d’élevage agricoles pour produire du gaz et de l’électricité, présente de nombreux atouts. «Elle répond à un triple enjeu: la protection de l’environnement, la gestion des déchets et la politique énergétique», souligne une mission sénatoriale récente, présidée par Pierre Cuypers (LR) avec pour rapporteur écologiste Daniel Salmon (Solidarité et Territoires). Depuis une dizaine d’années, cette source d’énergie connaît ainsi une forte croissance, comme en témoignent les projets qui ont fleuri dans les campagnes françaises, parfois malgré l’hostilité des populations locales.

On recense en France, selon ce document, «1075 installations à la fin 2020, dont 214 injectent du biométhane dans les réseaux de gaz naturel», soit l’équivalent de 0,5 % de la consommation tricolore de gaz naturel. Les 861 autres produisent de l’électricité avec du biogaz pour une production équivalente à 0,6 % de la consommation d’électricité nationale. «Ces installations sont majoritairement de petites unités mises en place autour d’exploitations agricoles, précise Pierre Cuypers, également agriculteur en Seine-et-Marne. 86% des méthaniseurs qui injectent du gaz dans les réseaux et 79% de ceux qui fournissent de l’électricité sont des projets alimentés par les rejets des fermes Ainsi, logiquement, les régions françaises où l’on retrouve la plus forte densité de méthaniseurs sont celles fortement agricoles c’est-à-dire le Grand Est (céréalières), les Hauts-de-France et la Bretagne.

Toutefois l’essor de la méthanisation ne se fait pas sans risque. À Châteaulin dans le Finistère, le débordement des résidus d’une cuve de méthanisation de biogaz produit à partir de fumier, lisier, déchets de l’industrie agroalimentaire et de cultures a privé 180.000 personnes d’eau potable en août 2020. «L’État doit garder une maîtrise de la méthanisation et de son développement, insiste Daniel Salmon. Il faut que l’on planifie précisément où on veut aller pour mettre en place un modèle français de la méthanisation.»

Le méthane est un gaz dont l’effet de serre est 24 à 26 fois supérieur à celui du gaz carbonique

Arnaud Clugery, directeur d’Eau et rivières de Bretagne

«Chaque projet doit s’adapter au territoire, plaide pour sa part Pierre Cuypers en prenant exemple sur l’installation «surdimensionnée» de Corcoué-sur-Logne, en Loire-Atlantique. «C’est le contre-exemple de ce qu’il faut faire, poursuit-il. La zone pour aller chercher les effluents d’élevage ou de l’industrie est à plus de 70 kilomètres, ce qui est beaucoup trop éloigné.»

Actuellement il y a 1300 projets dans les cartons. Toutefois les sénateurs ont écarté «l’idée d’un moratoire sur les nouvelles installations», pourtant chère aux écologistes et à la Confédération paysanne. «Les risques environnementaux et agricoles ont bien été identifiés par la mission sénatoriale avec la mise en place des études complémentaires, sans plus de propositions concrètes, regrette Nicolas Girod, secrétaire national de la Confédération paysanne et éleveur laitier dans le Jura. Les externalités négatives sur l’activité agricole sont déjà avérées. On déplore les menaces sur le maintien de l’élevage là où des méthaniseurs sont implantés.»

Arbitrage des producteurs

L’association Eau et rivières de Bretagne est également sceptique. «Cela fait dix ans qu’on a vu arriver les premiers méthaniseurs en Bretagne, rappelle Arnaud Clugery directeur d’Eau et rivières de Bretagne. On n’a pas vu d’amélioration dans la qualité des eaux, un kilo de nitrate qui rentre dans un méthaniseur, c’est toujours un kilo qui en ressort en digestat épandu sur les sols comme fertilisant.»

Par ailleurs, le système incite les producteurs de porcs et de lait à arbitrer entre vendre leur maïs aux méthaniseurs ou le garder pour leurs animaux, en fonction du prix des matières premières agricoles ou du rachat du kWh. Enfin, rappelle Arnaud Clugery, «le méthane est un gaz dont l’effet de serre est 24 à 26 fois supérieur à celui du gaz carbonique».

 

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