16/09/2021

La France peine à remonter la pente: par Alexandre Mirlicourtois | Xerfi Canal

source xerficanal.com

Alexandre Mirlicourtois, 2001-2021 : que la France a du mal à remonter la pente ! -

• un PIB en hausse de 2,9% l’an en moyenne entre 1995 et 2000 ;
• des finances publiques assainies passant sur la même période d’un déficit de 5,1% du PIB à moins de 1,5% ;
• un léger déficit commercial, qui à moins de 3 milliards d’euros, représente à peine 0,3% du PIB.

Vont alors survenir trois conflagrations majeures :


1. Il y a d’abord eu l’intégration de la Chine dans l’OMC en décembre 2001 et la déferlante de produits à bas coûts qui a suivi.
2. Le 2e événement du début des années 2000, c'est le coup à double détente de l'instauration de l'euro et des réformes Schröder en Allemagne. Plus connu sous le nom des réformes Hartz, tout y passe pour restaurer la compétitivité allemande : réformes du marché du travail (avec notamment le développent des mini-jobs), coupes dans la protection sociale, allégement de la fiscalité des entreprises. Faute de pouvoir dévaluer, l'Allemagne choisit la déflation des coûts. Le patronat allemand bénéficie alors du double bénéfice de la modération salariale à l'intérieur et de l'importation des faibles coûts de la main-d'œuvre qualifiée des PECO.
3. La financiarisation des économies est la troisième transformation majeure, une accélération venue des États-Unis et héritée de l’ère Clinton avec le démantèlement du Glass-Steagall Act. en 1999 : fusions et confusions des activités bancaires, boursières et d’assurance, la course au gigantisme est lancée. Une accélération qui fera le lit de la crise des subprimes, mais qui va surtout renforcer toujours plus l'emprise des modèles de gouvernance actionnariale axés sur la création de valeur, renforçant la virulence du jeu concurrentiel et l'étouffoir sur les salaires. Une accélération financière à l’origine aussi de la prise de pouvoir de méga fonds de gestion et avec eux des flots de financement en direction de la Tech et l'avènement d'acteurs ultra-dominants, les GAFA, qui font main basse sur la valeur créée et la matière fiscale.


La France fait alors le choix de la consommation et de l’immobilier


Face à ces mégas chocs, le choix politique majeur en France dans les années 2000 a été de stimuler la consommation et l'immobilier, quitte à se désintéresser de l’industrie et de ses usines. Le fabless est alors en vogue dans les esprits, avec Alcatel en cas emblématique. Il faut favoriser le low cost, pousser en avant les casseurs de prix. L’indifférence des consommateurs quant à l’origine géographique des produits a permis à la distribution de se fournir au moins cher, c'est-à-dire dans les pays à bas coût. Sur le haut de gamme et les biens d’équipement, les entreprises allemandes raflent la mise. Les parts de marché à l’extérieur de la France s’effondrent, les industriels français sont attaqués sur leur propre marché domestique, des filières entières sont laminées. Le déficit du commerce extérieur passe alors de 11 à 171 milliards d’euros entre 2000 et 2008. Les comptes courants virent au rouge, le déficit public se creuse, la France aborde la crise des subprimes avec un déficit qui dépasse à nouveau les 3% en 2008 et un taux d’endettement public en hausse de près de 10 points de PIB sur la période.


La France passe aux nouvelles politiques de l’offre


Après avoir soutenu l’économie suite l’éclatement de la crise des subprimes, c’est le coup de massue. L’heure est à la consolidation budgétaire, l’imposition sur les ménages, sur les entreprises s’alourdit, fragilisant un peu plus le tissu productif, une erreur de pilotage qui conduit à des crises à répétition.


Les années 2013-2014 marquent un tournant, une inflexion vers une politique l’offre incarnée par le Pacte de Responsabilité et le CICE. L’adaptation de l’économie française s’articule autour de 3 axes :


1. Côté entreprises, la barque fiscale est allégée, comme en témoigne le rapport entre l’ensemble des prélèvements obligatoires (diminués des subventions) et la valeur ajoutée. Après les errements de 2011-2014, le taux d’imposition a été réduit par vagues successives. Le contexte est aussi celui de la modération salariale avec une progression du pouvoir d’achat du SMIC au ralenti voire en quasi-stagnation depuis 4 ans. Les écarts de coût unitaire de la main-d'œuvre, qui s’étaient creusés tout au long des années 2000, pénalisant la compétitivité, se referment graduellement. Et s’alignant sur ses voisins, la France développe aussi ses mini-jobs. Intermittents, CDD ou intérimaires sur courtes missions, saisonniers, autoentrepreneurs complétés par le bataillon des personnes payées à la tâche via les plateformes. Le tournant a été pris, mais pour quels résultats ?
2. En termes de croissance, la Chine est intouchable et les États-Unis loin au-dessus. Mais la France a fait jeu égal avec l’Allemagne entre 2014 et 2019. Les marges des entreprises se sont redressées, la compétitivité a été en partie restaurée et l’hémorragie des pertes de parts de marché a été endiguée.
3. Toutefois, même s’il se réduit, le déficit commercial (hors pétrole) reste important. La faute à un tissu exportateur qui s’est atrophié et ne parvient pas à refaire le terrain perdu.


Les résultats semblent donc bien minces, mais c’est le fruit d’années d’errements, pas des nouvelles politiques de l’offre qui s’inscrivent dans un temps long. La France paye cher la sous-estimation dans les années 2000 des trois chocs qui allaient bouleverser son insertion dans le commerce et les chaînes de valeur mondiale.

 

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