“Dès le jour un du procès” des attentats du 13 Novembre 2015, le mercredi 8 septembre, “les pires fantômes” de cette nuit d’horreur qui a fait 130 morts “et de la guerre déclarée à la France par l’État islamique se sont réinvités dans Paris”, résume Le Temps.

La première journée d’audience au Palais de justice de Paris a été marquée par “les premières provocations de Salah Abdeslam”, selon les mots du Soir. Le seul survivant des commandos du 13 Novembre 2015, en se présentant en “combattant de l’État islamique” et se plaignant de la façon dont il est traité, “a défié la justice des hommes”, estime le quotidien belge.

“Le Franco-Marocain de 31 ans était au centre de l’attention depuis son entrée dans le box des accusés”, protégé par “une vitre blindée et gardé par une vingtaine de policiers”, au côté de ses treize coaccusés présents au procès, relate El País.

“Rejet” de la justice des hommes

Salah Abdeslam est vêtu d’un T-shirt noir, a les cheveux mi-longs coiffés en arrière, et dévoile une barbe fournie lorsqu’il enlève son masque de protection noir pour s’exprimer. “Ce visage dont la photo a fait le tour du monde s’affiche en grand sur les écrans de retransmission de l’audience. Il n’a pratiquement pas changé depuis six ans”, note Le Soir.

“Dès le prélude”, continue le journal, “le doute n’est déjà plus permis : (il) rejette la justice des hommes”. Invité à décliner son identité, Salah Abdeslam répond : “Tout d’abord, je tiens à témoigner qu’il n’y a pas de divinité à part Allah et que Mohamed est son messager”, reprenant la profession de foi des musulmans, la chahada. “On verra ça après”, lui répond le président de la cour d’assises spéciale, Jean-Louis Périès, avant de l’interroger sur sa profession.

Salah Abdeslam, “d’une voix ferme, sans émotion”, d’après Le Soir, se définit comme un “combattant de l’État islamique”. Pour le quotidien belge, il “défie” encore le président de la cour quand celui-ci l’interroge, “selon le rituel judiciaire”, sur l’identité de ses parents. “Le nom de mon père et ma mère n’ont rien à voir dans cette histoire”, dit-il.

Alors que l’un de ses coaccusés, Farid Kharkhach, fait un malaise en fin d’après-midi, provoquant une brève suspension d’audience, Salah Abdeslam, incarcéré depuis plus de cinq ans à l’isolement total et suivi par vidéosurveillance ving-quatre heures sur vingt-quatre, s’insurge contre ses conditions de détention.

On est traités comme des chiens. Ici (dans la salle d’audience) c’est très beau, il y a des écrans plats, de la clim mais là-bas derrière… Ça fait six ans que je suis traité comme un chien et je ne me suis jamais plaint.”

“Ici on n’est pas dans un tribunal ecclésiastique, on est dans un tribunal démocratique”, rétorque le magistrat.

Colère des survivants et des proches des victimes

La tirade de Salah Abdeslam a suscité l’indignation des survivants et des proches des victimes, note The Guardian. Le quotidien britannique a entendu une personne s’exclamer, au fond de la salle d’audience : “Et nous, nous avons eu 130 morts, espèce de salaud !” Salah Abdeslam “a fait le mariole !” juge pour sa part Thierry, un rescapé du Bataclan interrogé par Le Soir.

Pour Le Temps, son attitude, alors qu’il est accusé de complicités de crimes terroristes et qu’il encourt la perpétuité, a “de quoi attiser la colère de tous ceux que l’importance de ce procès, sa durée et les moyens budgétaires mis en œuvre pour sa détention – un coût estimé à 400 000 euros par an – exaspèrent”.

Le journal suisse estime qu’il s’agit d’“une première bombe judiciaire”.

Mercredi, Salah Abdeslam a, par son comportement, fait en quelque sorte exploser une première bombe, se présentant comme un détenu dont les droits sont bafoués, alors que ses complices ont tiré à la kalachnikov sur des innocents en plein Paris.”

Malgré sa posture “rebelle” mercredi, Salah Abdeslam “pourrait ne pas être franc au sujet de la planification et l’exécution des attentats”, prévient le Washington Post, qui rappelle que l’accusé avait refusé de répondre aux questions dans un autre procès en Belgique.

Le risque d’une “justice spectacle”

Le Temps s’inquiète aussi du “risque d’une justice spectacle”, qui mettrait “trop en valeur les accusés”.

Le piège s’est peut-être déjà refermé sur le procès. D’emblée, le rôle et l’attitude du seul survivant des commandos terroristes, Salah Abdeslam, ont ravivé le débat sur le spectacle médiatique que les neuf mois d’audience sont assurés de constituer. […] Piège infernal d’une procédure qui, en s’éternisant jusqu’à la fin mai 2022, risque de devenir une arène y compris sur le plan politique, puisque la campagne pour l’élection présidentielle d’avril 2022 se déroulera durant les audiences.”

Le procès reprendra jeudi à 12h30, toujours avec l’appel des parties civiles. Les premiers témoins ne sont attendus à la barre que lundi.

“Jusqu’en mai, le paquebot judiciaire est désormais prêt à prendre la mer”, conclut Le Soir. “Mais après cette première journée de houle, nul ne sait encore dans quelles eaux il va naviguer.”