29/07/2021

Primaires à droite: Si la droite est responsable et disciplinée, la victoire est possible Patrick Stefanini Le Point

ENTRETIEN. Patrick Stefanini, ancien directeur de campagne de Jacques Chirac et de François Fillon, analyse les chances de la droite de l'emporter en 2022.

Propos recueillis par Sébastien Schneegans Le Point

 Patrick Stefanini connaît comme sa poche l'histoire politique de la droite. Directeur de la campagne présidentielle de Jacques Chirac en 1995 et de François Fillon en 2017, il a été témoin de sa gloire et de ses déboires. Aussi connaît-il personnellement la dernière candidate de la grande famille de la droite et du centre à s'être déclarée candidate à l'élection présidentielle : Valérie Pécresse . Après avoir conquis la région Île-de-France en 2015, le duo est reconstitué pour 2022 puisque Patrick Stefanini dirigera sa campagne.

La candidature solitaire de Xavier Bertrand, la valeur ajoutée de Valérie Pécresse, l'impérieuse nécessité d'organiser des primaires afin d'« organiser la concurrence », la candidature d'Éric Zemmour… Patrick Stefanini se livre au Point et analyse la situation inédite dans laquelle se retrouve sa famille politique.

Le Point : Valérie Pécresse a annoncé, dans un entretien au Figaro, sa candidature à la présidence de la République. A-t-elle, selon vous, le profil idoine pour mener « l'équipe de France de la droite et du centre » à la victoire en 2022 ?

Patrick Stefanini : Je le crois. Valérie Pécresse a fait la preuve de sa compétence en gérant depuis plus de six ans maintenant ce bastion de la gauche que fut pendant très longtemps la région Île-de-France. Par ailleurs, Valérie a fait la preuve dans la gestion de sa région de ses qualités de chef d'équipe et de méthode, d'organisation . Elle a l'expérience de l'action gouvernementale et, parallèlement à la gestion de la région, elle s'est préparée à gérer le pays en le sillonnant et en ayant tiré profit des cercles de réflexion qu'elle avait mis en place. Surtout, elle a fait preuve de respect de ses engagements pris devant le suffrage universel et d'incarnation des objectifs politiques qu'elle s'est assignés. Elle est dans le concret, ce qu'elle appelle la politique par l'exemple.

Est-elle en mesure de combler le léger retard qu'elle accuse sur Xavier Bertrand dans les sondages ?

Maintenant que Valérie et Xavier sont tous deux candidats, la course est lancée. Ce que nous a enseigné la primaire de 2016, c'est l'extrême volatilité de l'électorat de droite quand il s'agit de choisir son champion. Au fond, les électeurs de la droite et du centre considèrent qu'ils appartiennent à une grande famille. Que cette famille ait plusieurs candidats est plutôt, comme l'a souligné Bruno Retailleau dès l'annonce de la candidature de Valérie Pécresse, le signe d'une richesse et d'une vitalité de la famille de la droite et du centre. Et, pour ces électeurs, le fait de passer d'un candidat à un autre n'est pas du tout perçu comme une trahison. Il sera perçu comme le choix du candidat ou de la candidate qui aura su développer le projet le plus percutant et l'incarner avec le plus de force.

     Je ne vois pas d'autre formule qu'une primaire.
Que vous inspire le refus catégorique de Xavier Bertrand de participer à une primaire ?

Il est dans sa logique, puisqu'il a quitté Les Républicains très tôt et considère sans doute que cette primaire n'engage que les candidats qui y sont toujours encartés. S'il a gagné son premier pari qui était celui d'une double candidature à la présidence de la région Hauts-de-France et à la présidence de la République, je crois qu'il a perdu le second pari, qui consistait à expliquer valablement aux Françaises et aux Français pourquoi il ne passerait pas par la case primaire car, même s'il a quitté LR, il fait toujours partie de la grande famille de la droite et du centre.

Or, cette grande famille sait qu'elle ne peut aller à l'élection présidentielle qu'avec un seul candidat. C'était déjà vrai depuis 2002. Cela l'est encore plus aujourd'hui avec la présence d'Emmanuel Macron. Par conséquent, il faut que la concurrence entre les candidats putatifs soit régulée et organisée. Je ne vois pas d'autre formule qu'une primaire pour trancher entre les différents candidats.

Vous rejoignez ainsi la position de Laurent Wauquiez, qui estimait récemment que l'idée n'était pas de débattre de l'organisation d'une primaire ou non mais « de savoir si LR en organise une ou s'il y a une primaire sauvage » ?

Je suis surtout proche de la position de Valérie Pécresse, qui a appelé très tôt, comme Bruno Retailleau et Laurent Wauquiez, à l'organisation d'une véritable primaire ouverte . Il ne faut pas oublier que ce qui a fait le succès de la primaire de la droite en 2016, c'est précisément le fait qu'elle ait été ouverte. Elle avait réussi à mobiliser, contre toute attente, plus de 4 millions d'électeurs au second tour, en novembre 2016 ! Personne ne peut priver les électeurs de la droite et du centre du pouvoir de décider quel candidat représente, selon eux, le meilleur candidat à l'élection présidentielle.

Michel Barnier juge que l'« on peut bâtir une équipe de France (…), trouver un chef d'équipe, sans forcément aller vers une période de querelles, de divisions, de surenchère comme l'ont été les primaires dans le passé. » Le trésorier des Républicains, Daniel Fasquelle, estime que « si on peut l'éviter, c'est évidemment préférable… » Que leur répondez-vous ?

Je leur réponds qu'ils commettent une erreur d'analyse. Contrairement à ce que l'on entend parfois dire, ce n'est pas la primaire qui a fait perdre François Fillon en 2017, bien au contraire. La primaire, et en particulier son triomphe au second tour, lui a donné un formidable coup d'accélérateur. Songez qu'en décembre 2016, François Fillon était donné à 30 ou 31 % d'intentions de vote pour l'élection présidentielle. Quand vous examinez l'histoire des élections présidentielles françaises, sauf dans l'hypothèse d'un candidat sortant, il y a toujours eu une concurrence entre les candidats de la droite. Il s'agit de structurer cette compétition. Celle ou celui qui se sera soumis à cette compétition et en sera sorti vainqueur sera beaucoup plus fort pour gagner ensuite l'élection présidentielle.

Par ailleurs, je crois que notre famille politique a tiré les conséquences de ce qui s'est passé en 2016 et en 2017. La primaire a été une formidable réussite démocratique, mais les difficultés personnelles rencontrées par François Fillon ont fait ressurgir les vieux clivages et les vieilles rancœurs à droite. C'est la raison pour laquelle une partie de l'opinion publique est convaincue que la primaire est une machine à perdre. C'est oublier que la primaire doit servir à mettre le candidat désigné par les Françaises et les Français sur une formidable rampe de lancement pour la présidentielle.

Les « sages » de LR et certains candidats putatifs appellent Xavier Bertrand au rassemblement, mais, lui, les appelle à se rassembler derrière lui… Ne risque-t-on pas d'assister à une guerre d'ego ? Y assiste-t-on déjà ?

Cet échange de bons procédés peut durer longtemps, mais je ne suis pas sûr qu'il passionne les Françaises et les Français. Ce qu'a révélé la primaire de 2016, c'est que l'électorat de la droite et du centre est un électorat adulte. Il appartient désormais aux autres candidats de se déclarer, de le faire rapidement, d'exposer leur projet et de mieux faire connaître leurs personnalités.

Surtout, ce qui va être déterminant aux yeux des Français, c'est la cohérence de la démarche de chacun des candidats et leur capacité à faire des choix, à faire des propositions fortes, qui soient finançables et articulées. Il ne s'agit pas de faire la course à la proposition la plus innovante.


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Mardi, lors de la réunion des cinq candidats putatifs de la droite dans un hôtel parisien, la date butoir du 25 septembre a été fixée pour s'entendre sur le mode de départage. Gérard Larcher, en affirmant que « le temps de l'horloge politique n'est pas celui de l'horloge médiatique », assume une stratégie de long cours. Vous paraît-elle judicieuse ?
Gérard Larcher est un sage et nous aurons besoin de son expérience. Toutefois, j'aurais préféré que le mode de départage soit fixé bien avant les élections régionales et départementales. La direction de LR a sans doute un peu tardé à fixer un calendrier clair. Maintenant qu'il est fixé, il faut aller vite.

Les Républicains peuvent-ils encore tenir le cap du « ni ni » – ni Emmanuel Macron ni Marine Le Pen ?

L'enjeu, pour notre famille politique, est double. Il s'agit d'abord de montrer que le Rassemblement national ne porte pas de solution crédible et n'a de surcroît aucun ancrage local. Ce parti ne fait que surfer depuis un certain nombre d'années sur les difficultés des Français, mais échoue complètement à proposer des solutions concrètes, incarnées et reflétant les compétences des collectivités qu'il se propose de gérer. Ce qui a été vrai aux élections départementales et aux élections régionales se vérifiera, j'en ai la conviction, s'agissant de la présidence de la République.

Emmanuel Macron a été élu en 2017 sur un accident de l'histoire politique française. Depuis lors, le macronisme n'a pas pris racine dans les forces vives de notre pays, ni au plan électoral ni au plan sociologique. Par ailleurs, le président de la République a échoué à conduire jusqu'au bout la mère des réformes, qui était la réforme des retraites. Enfin, sur les sujets régaliens, Emmanuel Macron fonctionne en courant alternatif. Or, sur ces sujets-là, il faut une détermination constante et une volonté continue dans le temps. Pour l'instant, ce qui a manqué à ce quinquennat, c'est la détermination dans la continuité. Sur beaucoup de sujets, le macronisme ressemble beaucoup, et on ne peut qu'en exprimer le regret, à une forme d'immobilisme. Le terme « En marche » apparaît à beaucoup de nos concitoyens comme une antiphrase.

Beaucoup de sympathisants LR sont néanmoins attirés par Emmanuel Macron…

Tout à fait, et cela représente d'ailleurs le vrai défi que doit affronter notre famille politique. Entre 30 et 40 % des électeurs qui ont voté au premier tour de l'élection présidentielle de 2017 pour François Fillon sont séduits par la politique d'Emmanuel Macron. Nous devons les reconquérir par des propositions, par une critique objective du macronisme. Celles et ceux qui avaient pensé qu'Emmanuel Macron allait changer en profondeur la donne politique se sont trompés, mais tous n'en sont pas encore conscients.

Lors des dernières élections régionales, Valérie Pécresse a réussi, alors même qu'elle était opposée à une liste LREM comportant cinq ministres, à faire revenir chez elle des électeurs partis chez Emmanuel Macron en 2017.

Et une partie de cet électorat conservateur est séduit par Éric Zemmour…

On manque à l'heure actuelle de données objectives sur ce sujet. Les sondages disponibles semblent indiquer que sa candidature mordrait à la fois sur l'électorat de Marine Le Pen et sur l'électorat de la droite républicaine et, si ce constat devait se vérifier, ma conclusion en est limpide, et je l'ai dit à l'intéressé il y a une quinzaine de jours, sa candidature ferait le jeu d'Emmanuel Macron.

Pensez-vous, à l'instar de Dominique Reynié, que la droitisation de l'électorat français soit un mouvement profond  ?
Oui, à condition que la famille politique à laquelle j'appartiens soit capable de porter deux aspirations extrêmement puissantes de nos compatriotes : la protection et la liberté.

« Nous devons gagner la présidentielle. Une défaite pourrait tourner au désastre, à la disparition non pas d'un parti, mais d'une famille de pensée politique », déclarait récemment le « Monsieur Primaire » de la droite, Jean Leonetti. Dix ans après avoir quitté le pouvoir, la droite a-t-elle toutes ses chances de le retrouver ?

Je pense que si nous savons être responsables et disciplinés, la victoire est possible.

Le Point Publié le 26/07/2021 à 07:00

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