07/02/2021

Quand Bayrou défie Macron - Challenges

Président du MoDem, maire de Pau, haut-commissaire au plan depuis quelques mois, François Bayrou compte parmi les rares en mesure d’exercer une véritable influence sur Emmanuel Macron. Le président de la République sait ce qu’il doit au chef centriste: son ralliement s’est avéré décisif en 2017, tandis que Bayrou ne lui a jamais manqué depuis le premier jour de son quinquennat. Mais voilà qu’il... écrit, en tant que chef de parti, au chef de l’Etat et qu’il le fait savoir, alors que les deux ont pris l’habitude de se parler à plusieurs reprises dans une semaine. Que se passe-t-il alors qui puisse exiger pareil acte solennel? En fait, Bayrou rappelle Macron, non pas à ses devoirs, mais à ses promesses, à "sa" promesse institutionnelle fondamentale: instaurer le scrutin proportionnel (tout ou partie?) à l’occasion des prochaines élections législatives 2022, quelques semaines après le choix présidentiel. Et les arguments de François Bayrou ne manquent pas de force.

Dans un entretien accordé au Parisien, il évoque une "obligation politique et morale". Il ne songe pas seulement à la promesse du candidat Macron; il constate comme tout un chacun s’intéressant un tant soit peu à la politique que nos institutions sont défaillantes en cela qu’elles ne permettent plus l’expression des citoyens au parlement et, en particulier, à l’Assemblée nationale. "Des millions d’électeurs ne sont pas représentés, insiste Bayrou. C’est inacceptable". Comment lui donner tort quand le Rassemblement national, sans doute aujourd’hui le premier parti de la République, ne dispose pas même d’un groupe au Palais Bourbon? La réplique est par avance connue: l’instauration de la proportionnelle intégrale, c’est une centaine de députés d’extrême-droite qui déferlent à la chambre. Une catastrophe démocratique. Bayrou réfute ce point de vue: "s’il y a assez de voix pour que ces deux parlementaires soient élus, c’est qu’il y a des électeurs. Or, pour moi, leur voix vaut celle d’un électeur LREM, MoDem, LR, PS, écologiste ou Insoumis. Il n’y a aucune raison qu’on ne le représente pas. Après, il y a la confrontation politique, et c’est là qu’il faut porter le combat ".

Habileté stratégique

Dans cette affaire bien plus importante qu’il n’y parait car mettant en jeu la représentation démocratique et ce n’est pas rien, François Bayrou ne manque pas d’habileté stratégique. Il a en effet demandé à l’ensemble des partis politiques de soutenir sa démarche et sa demande. Comment? En envoyant au chef de l’Etat un courrier similaire au sien. Un choc politique: un quatuor François Bayrou-Marine Le Pen-Jean-Luc Mélenchon-Julien Bayou (le numéro 1 du parti Vert) qui exigerait de concert une réforme institutionnelle pour relancer le jeu politique et parlementaire! Inattendu, pour le moins...

Les petits chefs de LREM, désarçonnés puisqu’en principe favorables à cette réforme, font déjà remarquer qu’il est désormais trop tard pour "faire passer" un tel projet, qu’il sera opportun d’y songer à nouveau après une éventuelle réélection d’Emmanuel Macron. Réfutation de Bayrou: "une telle réforme peut être décidée par voie parlementaire, relevant d’une loi simple et d’application immédiate". La droite LR, soudain fidèle à ses fort lointaines origines gaullistes, freine, elle, des quatre fers tandis que le PS, comme à l’accoutumée, ne pense rien, ne dit rien.

Et le président? Que pense-t-il? A-t-il monté ce "coup" avec son "complice" Bayrou? Ou bien le centriste l’a-t-il pris cette fois à contrepied? Pour le savoir, il faudrait élucider l’énigme suivante: dans l’hypothèse où il serait réélu pour un second mandat, Macron peut-il croire que LREM obtiendrait à nouveau et à elle seule la majorité absolue? Ou est-il entendu dans son esprit qu’il lui faudra nouer des alliances? Dans ce cas, le scrutin proportionnel devient quasi indispensable.

 

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