Facebook, d'abord. L'entreprise de Mark Zuckerberg a décidé, le 18 février, d'empêcher le partage sur son réseau d'articles de médias australiens. En cause : un texte de loi débattu au Parlement de Canberra. Le projet vise à obliger Google et Facebook à négocier avec les éditeurs de presse pour leur reverser une part des revenus de la publicité en ligne – à eux deux, ils en empochent les quatre cinquièmes dans ce pays. En cas de désaccord persistant, les deux sociétés devraient se soumettre à un arbitrage indépendant.
Censure sans préavis
Google a cédé sans trop rechigner. Le moteur de recherche a conclu des accords de partage des revenus avec des éditeurs australiens, notamment News Corp, le groupe de médias de Rupert Murdoch. À l'inverse, Facebook a rejeté la nouvelle loi et censuré sans préavis l'intégralité des contenus informatifs de la presse australienne, forçant le gouvernement à accepter un compromis avant de rétablir son service.
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La Chine, ensuite. Longtemps l'Australie a profité de l'essor spectaculaire de l'économie chinoise en y écoulant matières premières et produits agricoles, tout en croyant conserver son indépendance à l'abri du parapluie militaire américain. La classe politique australienne se berçait d'illusions en pensant que le « doux commerce » cher à Montesquieu inciterait la Chine à se libéraliser. La dure réalité s'est imposée. Ces dernières années, l'Australie a constaté l'ingérence croissante des autorités chinoises dans ses affaires intérieures ainsi que l'espionnage à grande échelle de Pékin. Comprenant, mais un peu tard, qu'elle avait mis en péril sa liberté d'action, elle a exclu l'électronicien Huawei de la construction de son réseau de télécommunications 5G. Et, en 2020, elle fut la première à réclamer une enquête indépendante sur l'origine du nouveau coronavirus.
Imposer un statut de vassal à l'Australie
La République populaire de Chine n'a pas toléré l'affront. Elle a imposé des tarifs douaniers punitifs sur ses importations de bœuf, de charbon, de coton, d'orge et de vin en provenance de l'île-continent. La sanction est douloureuse pour celle-ci, qui réalise 40 % de son commerce extérieur avec la Chine. L'objectif de Pékin est clair : réduire Canberra au silence, lui imposer un statut de vassal en exploitant sa dépendance économique. Au-delà, il s'agit de montrer au reste du monde ce qu'il en coûte de lui résister.
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Quelles leçons tirer de la double mésaventure de l'Australie ? Premièrement, l'indépendance n'est pas un fait acquis, mais un combat quotidien. Le gouvernement de Canberra a péché par naïveté en faisant une confiance aveugle à la Chine. Un minimum de circonspection politique s'impose quand on veut s'enrichir en commerçant avec des dictatures.
Exemple à suivre
Deuxièmement, l'action résolue paie. Dans son bras de fer avec les géants du Web, l'Australie a fait plier Google, au point que le Canada et l'Inde y ont vu un exemple à suivre, et a conclu un compromis avec Facebook. L'Europe, de son côté, doit œuvrer à une gouvernance numérique globale pour limiter le pouvoir exorbitant des oligopoles, tout en veillant à ne pas entraver l'innovation.
Troisièmement, enfin, la solidarité des nations occidentales est indispensable face à la Chine ou à Facebook. Cela exige des Européens de serrer les rangs et d'agir de manière autonome, deux attitudes qu'ils sont souvent bien en peine d'adopter. Qu'ils n'aient pas jugé utile de tendre la main à l'Australie dans ses tribulations récentes n'est pas un signe encourageant. En effet, pour la Chine comme pour Facebook, le cas australien n'était probablement qu'un galop d'essai.
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