Ramené au plus simple, l’Etat-providence est un assureur qui oppose un droit à un risque. Il affirme la possibilité de pouvoir recourir à tout moment à la solidarité nationale dans nos parcours de vie (chômage, maladie, enfants, retraite...).
Un bon investissement
Son coût ? Ridiculement faible en termes de frais de gestion par rapport à une multitude d’assurances privées, du fait des économies d’échelle, et extrêmement rémunérateur, parce qu’il protège les revenus en cas de crise (il a divisé par quatre les effets de la dernière crise pour les ménages européens), soutient la santé et l’éducation, et assure la sécurité économique et le progrès social : rien que ça !
Au lieu d’étouffer la créativité, il favorise la prise de risque en assurant aux innovateurs, en cas d’échec, que leurs problèmes seront amortis par l’effort collectif auquel ils contribuent. Et c’est au moment où les Etats-Unis avancent pas à pas vers ce modèle européen que nombre de dirigeants de notre continent, y compris en France, décident qu’il est nécessaire de le démanteler !
Source de progrès social, l’Etat-providence doit au contraire être étendu. Car "la nature du risque (et de l’assurance) a changé depuis la fin du XIXe siècle et l’après-Seconde Guerre mondiale : le risque n’est plus seulement social, il est devenu social-écologique". En une petite dizaine de pages, Eloi Laurent explicite tous les mécanismes par lesquels les inégalités sociales nourrissent les crises écologiques et comment ces dernières, en retour, renforcent les inégalités sociales. Pendant que les plus riches vivent dans une irresponsabilité écologique dont ils peuvent se protéger des effets, la capacité des plus pauvres d’échapper ou de s’adapter aux dégradations de l’environnement est plus faible.
Dès lors, si le bien-être d’un individu dépend en partie de ses conditions de vie face à l’environnement, il est "légitime que la politique sociale inclue la dimension environnementale". Si l’Etat-providence pose des droits à la solidarité face aux risques, alors il doit protéger des risques environnementaux.
Pistes
Les pistes de réformes possibles ne manquent pas. On peut créer une nouvelle branche "vulnérabilité écologique" de la sécurité sociale. On peut développer des politiques de santé environnementale : le rôle des facteurs environnementaux (pollution...) dans le développement des maladies chroniques (diabètes, cancers...) est avéré et davantage de dépenses de prévention dans ce domaine permettraient d’économiser beaucoup sur celles de la santé. Si ces politiques doivent être portées au niveau de l’Etat, une action territoriale s’avérera plus efficace, et Eloi Laurent y consacre tout un chapitre.
Il ne s’agit pas ici de "lutter contre la pollution" "pour préserver la planète". Mais, en assurant contre le risque social-environnemental par une réflexion sur les fondements et les nécessaires développements de l’Etat-providence, de permettre "la transition de l’écologie qui accuse à l’écologie qui protège".
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